Notre perception des couleurs est en réalité majoritairement artificielle

perception couleurs
| Caroline Robertson
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La perception visuelle du monde est étudiée depuis des décennies par les neurosciences, aidées par l’amélioration des technologies d’imagerie cérébrale. Les neuroscientifiques savent déjà qu’une partie de notre perception est « artificielle », dans le sens où elle est le produit d’une reconstruction cérébrale ; c’est le cas par exemple de la vision en 3D. Une étude récente a toutefois révélé que le rôle joué par le cerveau dans la perception est en réalité bien plus important. En effet, les couleurs que nous percevons dans notre environnement sont en majorité reconstruites par notre cerveau, nos yeux ne percevant finalement qu’une très petite fraction des couleurs apparaissant dans notre champ visuel.

La perception des couleurs est depuis longtemps une énigme pour les chercheurs en neurosciences et en psychologie, qui débattent de la perception réelle de l’observation des couleurs. Une étude de Dartmouth, en collaboration avec l’Amherst College, révèle que les gens sont conscients des couleurs limitées apparaissant dans leur vision périphérique ; une grande partie des couleurs de notre monde est probablement construite par notre cerveau. Les résultats ont été publiés dans la revue PNAS.

Pour tester la sensibilisation visuelle des gens aux couleurs lors de la visualisation de scènes quotidiennes, les chercheurs ont utilisé des casques de réalité virtuelle intégrant des eye-trackers pour immerger les participants dans un environnement réel à 360 degrés. Les environnements virtuels comprenaient des visites de sites historiques, un spectacle de danse de rue, une répétition symphonique et plus encore, où les observateurs pouvaient explorer leur environnement simplement en tournant la tête.

Perception des couleurs : limitée à une zone restreinte de notre champ visuel

Grâce à l’outil de suivi oculaire, les chercheurs savaient exactement où un observateur regardait à tout moment dans la scène et pouvaient apporter des modifications systématiques à l’environnement visuel, de sorte que seules les zones où la personne regardait étaient en couleur. Le reste de la scène à la périphérie était désaturée, de sorte qu’elle n’avait aucune couleur et était juste en noir et blanc. Après une série d’essais, ils ont posé aux observateurs une série de questions pour évaluer s’ils avaient remarqué le manque de couleur à leur périphérie. Dans votre champ visuel, la vision périphérique s’étend sur environ 210 degrés.

Les résultats de l’étude ont montré que la conscience de la couleur de la plupart des gens est limitée à une petite zone autour du point mort de leur champ visuel. Lorsque les chercheurs ont retiré la plupart des couleurs à la périphérie, la plupart des gens ne l’ont pas remarqué. Dans le cas le plus extrême, près d’un tiers des observateurs n’ont pas remarqué que moins de cinq pour cent de l’ensemble du champ visuel était présenté en couleur (rayon de 10 degrés d’angle visuel).

Vidéo montrant les scènes de réalité virtuelle présentées aux participants et la soustraction des couleurs durant le visionnage :

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Une perception chromatique majoritairement reconstruite par le cerveau

Les participants ont été étonnés de découvrir plus tard qu’ils n’avaient pas remarqué la périphérie désaturée, après qu’on leur ait montré les modifications apportées à une scène virtuelle qu’ils venaient d’explorer. Une deuxième étude a demandé aux participants d’identifier le moment où la couleur était désaturée à la périphérie. Les résultats étaient similaires dans la mesure où la plupart des gens ne remarquaient pas le retrait de la couleur périphérique. Les deux études ont réuni près de 180 participants au total.

« Nous avons été étonnés de voir à quel point les participants ne remarquaient pas la disparition des couleurs composant 95% de leur vision. Nos résultats montrent que notre sens intuitif d’un monde visuel riche et coloré est largement incorrect. Notre cerveau remplit probablement une grande partie de notre expérience perceptuelle », explique Caroline Robertson, professeure adjointe de psychologie et des sciences du cerveau à Dartmouth.

Les études précédentes évaluant les limites de la conscience visuelle reposaient souvent sur le fait que les participants regardaient le contenu vidéo sur des écrans d’ordinateur directement devant eux. En tirant parti de l’expérience de la réalité virtuelle, cette approche de recherche est nouvelle, car l’environnement à 360 degrés est plus semblable à la façon dont les gens vivent le monde réel.

Sources : PNAS

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