Des physiciens créent une « fenêtre magique » lisse et transparente

miroir magique cristaux liquides
Images enregistrées à différentes distances de propagation après réflexion sur un miroir magique à base de cristaux liquides. | F. Hufnagel et al.
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Des chercheurs de l’Université d’Ottawa ont réussi à créer pour la première fois une fenêtre magique plate, à l’aide de cristaux liquides. Ce dispositif transparent fait apparaître une image cachée lorsqu’il est frappé par un certain type de lumière. Cette invention est en réalité inspirée des « miroirs magiques », qui étaient déjà fabriqués en Chine et au Japon il y a des milliers d’années. Elle pourrait aider à améliorer l’affichage des images en 3D.

Les miroirs magiques anciens, faits de bronze poli, apparaissaient de prime abord comme des miroirs normaux. Mais lorsque la lumière du soleil frappait directement le miroir, il faisait apparaître (au sol ou sur une autre surface) une autre image, correspondant à un motif situé à l’arrière du miroir, générée par de petites variations de surface. Un phénomène similaire peut être observé dans la réflexion du soleil sur de grandes fenêtres et sur une rue en contrebas : bien que la fenêtre semble plate et ne déforme pas significativement l’image lorsque nous regardons au travers, les légères déformations dues à la tension sur les bords entraînent une réflexion non uniforme sur le sol (sous la forme d’un motif en « X »), expliquent les chercheurs.

Certains de ces objets remontent à 2000 av. J.-C., mais ce n’est qu’au début du 20e siècle que les scientifiques ont commencé à réellement comprendre leur fonctionnement — tandis que la façon dont les images sont formées à partir des miroirs magiques n’a été détaillée qu’en 2005, par Michael Berry, un mathématicien de l’Université de Bristol, au Royaume-Uni. Aujourd’hui, une équipe de physiciens a entrepris d’appliquer le même principe aux cristaux liquides qui composent les écrans modernes.

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Une image cachée définie par l’orientation des cristaux liquides

Les travaux de Michael Berry consistaient à expliciter la base mathématique de l’effet des miroirs magiques. Il a ensuite étendu ses connaissances sur ces miroirs réfléchissants pour développer une base théorique menant à la conception de fenêtres magiques transparentes. Felix Hufnagel et ses collègues de l’Université d’Ottawa se sont inspirés de ses recherches pour mettre au point une fenêtre magique à base de cristaux liquides.

« La fenêtre magique que nous avons créée semble parfaitement plate à l’œil nu, mais présente en fait de légères variations qui créent une image en réponse à la lumière », a déclaré Hufnagel dans un communiqué. Parce que la fenêtre est relativement lisse, l’image générée peut être vue sur une large plage de distances depuis la fenêtre, ajoute le physicien. Leur dispositif peut produite n’importe quelle image.

Les cristaux liquides combinent les propriétés d’un liquide ordinaire et celles d’un solide cristallisé. Pour parvenir au résultat souhaité, l’équipe a utilisé un élément optique Pancharatnam-Berry (PBOE) — un dispositif à cristaux liquides fonctionnant selon un principe bien connu appelé « la phase Pancharatnam-Berry ». En modifiant l’orientation des molécules de cristaux liquides dans ce dispositif — via, l’application d’une tension électrique —, les chercheurs ont pu modifier les propriétés de la lumière lorsqu’elle traverse le dispositif, pixel par pixel.

fonctionnement optique cristaux liquides
Principe de fonctionnement des modulateurs spatiaux de lumière (SLM) et des éléments optiques Pancharatnam-Berry (PBOE) à cristaux liquides. Les deux types d’affichage reposent sur des cristaux liquides en rotation pour conférer un profil de phase transversal à un faisceau lumineux incident. © F. Hufnagel et al.

Ainsi, en produisant un motif bien spécifique de cristaux liquides, il est possible de créer toutes sortes d’images. « Sur le plan conceptuel, la théorie développée par Berry a permis de déterminer comment ces cristaux liquides doivent être orientés pour créer une image stable sur une grande distance », a déclaré Hufnagel. La fenêtre magique reste quant à elle tout à fait normale en apparence, plate et lisse ; à l’inverse, les anciens miroirs magiques comportaient de très légères bosses qui permettaient de refléter la lumière comme souhaité.

Des images en 3D visibles sous tous les angles

Après avoir mis au point un miroir et une fenêtre magiques à base de cristaux liquides, les chercheurs ont mesuré, à l’aide d’une caméra, les modèles d’intensité lumineuse produits par chacun des dispositifs. Éclairés par un faisceau laser, le miroir et la fenêtre produisaient une image visible qui restait stable, peu importe la distance séparant la caméra du miroir ou de la fenêtre. Ci-dessous, la propagation de l’intensité du logo de l’Université d’Ottawa produite par le miroir magique montrée sur une distance de 5 centimètres :

Une autre expérience a permis de vérifier que ces surfaces magiques créaient également des images lorsqu’ils étaient éclairés par une source de lumière LED — ce qui serait plus pratique à utiliser dans des applications de la vie réelle. Un mauvais type de lumière génère en revanche des images absurdes ou bien le négatif de l’image cachée.

L’utilisation de cristaux liquides pour créer des fenêtres magiques présente certains avantages pour le secteur cinématographique ; il serait par exemple possible de créer une version reconfigurable du dispositif pour produire des fenêtres magiques ou des films artistiques dynamiques, précisent les chercheurs. En outre, la possibilité d’obtenir une grande profondeur de champ pourrait également contribuer à améliorer les projecteurs d’images en 3D, qui souvent, ne produisent des images vraiment nettes que lorsque l’on se trouve exactement en face.

Les chercheurs tentent désormais de décliner leur approche pour créer des « plaques magiques quantiques ». Par exemple, deux de ces plaques pourraient créer des images intriquées, qui permettraient d’étudier de nouveaux protocoles d’imagerie quantique. Ils explorent également la possibilité de fabriquer des fenêtres magiques en utilisant des matériaux autres que les cristaux liquides, tels que des métasurfaces diélectriques.

Source : F. Hufnagel et al., Optica

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