Étudier les cellules vivantes conduit toujours à leur destruction, quelque soit la méthode actuellement utilisée. Toutefois, cette conséquence prive les scientifiques de nombreuses informations d’un intérêt crucial. Des chercheurs de l’Imperial College ont réussi à contourner cet écueil en développant des pinces nanométriques permettant d’extraire des éléments individuels de la cellule sans la détruire.
Les scientifiques élargissent continuellement les connaissances sur le fonctionnement des cellules, mais de nombreuses questions restent sans réponse. Cela est particulièrement vrai pour les cellules individuelles du même type, telles que les cellules du cerveau, des muscles ou les cellules adipeuses, mais ayant des compositions très différentes au niveau moléculaire.
Le catalogage de la diversité de cellules apparemment identiques peut aider les chercheurs à mieux comprendre les processus cellulaires fondamentaux et à concevoir de meilleurs modèles de maladie, voire de nouvelles thérapies spécifiques aux patients. Toutefois, les méthodes traditionnelles d’étude de ces différences impliquent généralement l’éclatement de la cellule, ce qui entraîne le mélange de tous ses contenus.
Cela se traduit non seulement par la perte d’informations spatiales — la manière dont les contenus ont été organisés les uns par rapport aux autres, mais également par celle d’informations dynamiques, telles que les modifications moléculaires de la cellule au fil du temps.
Une nouvelle technique, mise au point par une équipe dirigée par le professeur Joshua Edel et le Dr Alex Ivanov de l’Imperial College de Londres, permet aux chercheurs d’extraire des molécules uniques à partir de cellules vivantes, sans les détruire.
La recherche, publiée dans la revue Nature Nanotechnology, pourrait aider les scientifiques à créer un « atlas des cellules humaines », en fournissant de nouvelles informations sur le fonctionnement des cellules saines et sur ce qui ne va pas dans les cellules malades.
Le professeur Joshua Edel, du département de chimie de l’Imperial College, déclare : « Avec notre « pince à épiler », nous pouvons extraire le nombre minimum de molécules dont nous avons besoin d’une cellule en temps réel, sans l’endommager. Nous avons démontré que nous pouvions manipuler et extraire plusieurs parties différentes provenant de différentes régions de la cellule — y compris les mitochondries du corps cellulaire, l’ARN de différents emplacements dans le cytoplasme, et même l’ADN du noyau ».
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Les pincettes sont formées d’une tige de verre affûtée se terminant par une paire d’électrodes fabriquées à partir d’un matériau à base de carbone, un peu comme le graphite. La pointe a un diamètre inférieur à 50 nanomètres et est divisée en deux électrodes, séparées par un intervalle de 10 à 20 nanomètres.
En appliquant une tension alternative, ce petit intervalle crée un puissant champ électrique hautement localisé, capable de piéger et d’extraire de petits contenus de cellules telles que l’ADN et les facteurs de transcription (des molécules capables de modifier l’activité des gènes). La méthode est basée sur un phénomène appelé diélectrophorèse. Les pinces génèrent un champ électrique suffisamment élevé pour permettre le piégeage de certains objets tels que des molécules et des particules simples.
La capacité de sélectionner des molécules individuelles dans une cellule la distingue des technologies alternatives. La technique pourrait éventuellement être utilisée pour réaliser des expériences qui étaient impossibles jusqu’à maintenant.
Par exemple, les cellules nerveuses ont besoin de beaucoup d’énergie pour envoyer des messages à travers le corps, elles contiennent donc beaucoup de mitochondries pour les aider à fonctionner. Cependant, en ajoutant ou en supprimant des mitochondries à partir de cellules nerveuses individuelles, les chercheurs pourraient mieux comprendre leur rôle, en particulier dans les maladies neurodégénératives.
Selon Alex Ivanov, co-auteur de l’étude : « Ces pinces à l’échelle nanométrique pourraient constituer un complément indispensable de la boîte à outils permettant de manipuler des cellules individuelles et leurs composants. En étudiant les cellules vivantes au niveau moléculaire, nous pouvons extraire des molécules individuelles de même emplacement avec une résolution spatiale sans précédent, et sur plusieurs points dans le temps ».
« Cela peut permettre de mieux comprendre les processus cellulaires et de déterminer en quoi des cellules du même type peuvent être très différentes les unes des autres ».
Vidéo présentant les travaux des chercheurs :