Cette « planète suicidaire » fouette son étoile et déclenche des éruptions dévastatrices

Elle s’auto-inflige les puissantes radiations provenant de ces éruptions et rétrécie d’année en année.

Représentation artistique de l'exoplanète HIP 67522 b et de son éotile. | Janine Fohlmeister (Leibniz Institute for Astrophysics Potsdam)
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Des astronomes ont identifié une exoplanète orbitant si près de son étoile qu’elle perturbe son champ magnétique et déclenche de puissantes éruptions. Ces éruptions sont si puissantes qu’elles érodent rapidement l’atmosphère de la planète gazeuse, de sorte qu’elle rétrécit d’année en année. C’est la première fois que ce type de « planète suicidaire » est identifié, remettant en question l’hypothèse de longue date selon laquelle les étoiles se comportent de manière indépendante.

Les étoiles sont de gigantesques amas de gaz ionisé produisant lumière et énergie par des réactions thermonucléaires en leur cœur. Les particules chargées tourbillonnant à leur surface génèrent de puissants champs magnétiques dont la perturbation donne naissance à des phénomènes énergétiques, telles que les éruptions stellaires. Plus précisément, ces éruptions résultent de la déconnexion et de la reconnexion de lignes de champ magnétique à la surface des étoiles, libérant d’importantes quantités d’énergie.

Étant donné que les planètes possèdent elles aussi leurs propres champs magnétiques, les astronomes se demandent, depuis la découverte de la première exoplanète dans les années 1990, si elles pouvaient orbiter suffisamment près de leurs étoiles hôtes pour perturber leur champ magnétique et ainsi déclencher des éruptions stellaires. Toutefois, les instruments d’alors n’étaient pas assez performants pour détecter un tel phénomène.

Une équipe dirigée par l’Institut néerlandais de radioastronomie (ASTRON) a estimé qu’avec nos télescopes spatiaux actuels, il est désormais possible d’explorer la question plus en détail. Leurs résultats – récemment publiés dans la revue Nature – démontrent pour la première fois l’existence d’un type de « planète suicidaire » suffisamment proche de son étoile pour déclencher des éruptions et en subir les conséquences. Une étude complémentaire est parue dans la revue Astronomy & Astrophysics.

« La planète semble déclencher des éruptions particulièrement énergétiques », explique dans un communiqué de l’Agence spatiale européenne (ESA) Ekaterina Ilin de l’ASTRON, auteure principale des deux études. « Les ondes qu’elle envoie le long des lignes de champ magnétique de l’étoile déclenchent des éruptions à des moments précis. Mais l’énergie de ces éruptions est bien supérieure à celle des ondes. Nous pensons que ces dernières déclenchent des explosions qui n’attendent que de se produire », ajoute-t-elle.

L’hypothèse d’unidirectionnalité de longue date renversée

L’équipe d’Ilin s’est concentrée sur l’exoplanète HIP 67522 b, l’une des plus jeunes planètes connues pour orbiter autour de son étoile hôte en moins de 10 jours. Elle effectue une orbite complète en seulement sept jours. En utilisant des instruments tels que le télescope spatial James Webb (JWST) et le satellite d’étude des exoplanètes en transit (TESS) de la NASA, les chercheurs ont découvert que l’étoile HIP 67522 est à peine plus massive et légèrement plus froide que le Soleil.

Cependant, si le Soleil est une étoile d’âge moyen (4,5 milliards d’années), HIP 67522 est bien plus jeune et n’a que 17 millions d’années. Elle possède deux planètes, dont la plus proche, HIP 67522 b, est une géante gazeuse à peu près de la taille de Jupiter et dotée d’une densité équivalente à celle de la barbe à papa – ce qui en fait l’une des exoplanètes les plus peu denses jamais découvertes. Étant donné sa jeunesse et sa taille, l’équipe supposait que HIP 67522 serait très agitée et tournerait rapidement sur elle-même, libérant ainsi beaucoup d’énergie et générant un champ magnétique intense.

Pour évaluer la manière dont HIP 67522 b pourrait influencer son étoile, les chercheurs ont eu recours au satellite Cheops, qui permet de caractériser finement les exoplanètes et de cibler individuellement les étoiles. Les observations ont permis d’identifier 15 éruptions, presque toutes orientées en direction de la Terre et survenant lorsque la planète passait devant l’étoile. Cela laisse penser qu’elles pourraient être déclenchées par la planète.

« Nous constatons que les 15 éruptions de HIP 67522 se regroupent près de la phase de transit de la planète la plus interne, indiquant une interaction magnétique étoile-planète persistante dans le système », précisent les chercheurs dans leur article publié dans Nature.

Si les éruptions stellaires étaient jusqu’ici considérées comme des échanges à sens unique (de l’étoile vers la planète), les nouvelles données remettent cette hypothèse en question. HIP 67522 b perturbe le champ magnétique de son étoile en accumulant de l’énergie en orbite et en la redirigeant sous forme d’ondes le long des lignes de champ magnétique de l’étoile. Pour illustrer, cette énergie agit comme une corde fouettant et rompant les lignes de champ à la surface stellaire, déclenchant ainsi une éruption massive.

Cette infographie intitulée « Les planètes collantes peuvent entraîner leur propre perte » explique comment la planète HIP 67522 b, qui orbite très près de son étoile hôte HIP 67522, déclenche des éruptions lumineuses provenant de l’étoile autour de laquelle elle orbite. © ESA

Une destruction auto-infligée

Les données d’Ilin et de son équipe indiquent que non seulement HIP 67522 b déclenche les éruptions de son étoile, mais qu’elle les dirige également vers elle, en subissant les impacts de plein fouet. Bien que l’hypothèse d’échange bidirectionnel ait été émise dès les années 1990, les éruptions observées sur HIP 67522 se révèlent cent fois plus énergétiques que ce qui avait été précédemment envisagé. La planète encaisse ainsi six fois plus de radiation que si les éruptions n’étaient pas directement dirigées contre elle.

En conséquence, l’atmosphère de la planète est progressivement rongée par ces puissantes radiations. Aujourd’hui comparable en taille à Jupiter, elle perd rapidement en masse sous l’effet des éruptions et pourrait, d’ici 100 millions d’années, atteindre la taille de Neptune.

D’autres planètes en orbite très rapprochée de leur étoile ont déjà été identifiées, et les chercheurs estiment qu’il en existerait probablement des dizaines d’autres dans notre environnement galactique. L’équipe prévoit d’étudier plus en détail ces systèmes grâce à TESS, Cheops et d’autres instruments. « J’ai un million de questions parce que c’est un phénomène complètement nouveau, donc les détails ne sont pas encore clairs », conclut Ilin.

Sources : Nature, Astronomy & Astrophysics
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