La pollution aux plastiques — qui a représenté 367 millions de tonnes en 2020 — s’est accumulée dans l’ensemble du globe, dans les environnements terrestres comme marins. Pour gérer ces déchets de manière durable, la solution pourrait venir de la nature elle-même, par la biodégradation. Cependant, la diversité mondiale des enzymes dégradant le plastique reste mal connue. Des chercheurs suédois mettent en lumière le potentiel du microbiome à dégrader les plastiques, fournissant la preuve d’un effet mesurable de la pollution plastique sur l’environnement, ainsi qu’une ressource utile pour de futures recherches appliquées.
La production de masse de plastique a explosé au cours des 70 dernières années, passant d’environ 2 millions de tonnes par an à quelque 380 millions. Résultat : les divers microbes présents dans l’environnement ont eu le temps de s’adapter, et de nombreuses enzymes différentes capables de dégrader le plastique ont été découvertes dans des études antérieures.
Par exemple, une enzyme mutante qui décompose les bouteilles en plastique en quelques heures en vue de leur recyclage a été créée en 2020 par la société Carbios. Des scientifiques allemands ont également découvert un duo d’enzymes bactériennes qui se nourrissent du polyuréthane, plastique toxique généralement déversé dans les décharges.
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Dans le cadre de la nouvelle étude publiée dans la revue Microbial Ecology, les chercheurs ont analysé des échantillons d’ADN environnemental provenant de centaines de sites dans le monde. Ils ont utilisé la modélisation informatique pour rechercher des enzymes microbiennes ayant un potentiel de dégradation du plastique. Les résultats ont ensuite été croisés avec les chiffres officiels de la pollution par les déchets plastiques sur les continents et dans les océans.
« À l’aide de nos modèles, nous avons trouvé de nombreuses preuves qui confirment que le potentiel de dégradation du plastique par le microbiome [ensemble des microbes présents dans un lieu ou un groupe de lieux environnementaux spécifiques] mondial est en forte corrélation avec les mesures de la pollution plastique de l’environnement… Une démonstration significative de la façon dont l’environnement réagit aux pressions que nous lui imposons », déclare dans un communiqué Aleksej Zelezniak, professeur associé en biologie des systèmes à l’université de technologie de Chalmers.
Plus d’enzymes dans les zones les plus polluées
En d’autres termes, plus la zone étudiée est touchée par la pollution plastique, plus la quantité et la diversité des enzymes dégradant le plastique augmentent. Au total, plus de 30 000 homologues d’enzymes ont été découverts, capables de dégrader dix types différents de plastiques couramment utilisés. Les homologues sont des membres de séquences protéiques partageant des propriétés similaires. Certains endroits qui contenaient les plus grandes quantités d’enzymes dégradatrices étaient des zones très polluées, révélés par des échantillons provenant par exemple de la mer Méditerranée et de l’océan Pacifique Sud.
Fait notable, les chercheurs ont découvert que le nombre et le type de particules de plastique, ainsi que les enzymes de dégradation du plastique, varient entre les échantillons terrestres et océaniques. Par exemple, les échantillons terrestres contenaient beaucoup plus de composés d’additifs plastiques à base de phtalates. Ceux-ci sont connus pour être particulièrement susceptibles de fuir lors de la production, de l’élimination et du recyclage — des processus qui ont lieu principalement sur terre.
D’autre part, les échantillons océaniques ont révélé que la quantité d’enzymes capables de dégrader les plastiques augmentait avec la profondeur. L’ensemble des données comprenait 67 sites de 8 océans et à 3 profondeurs différentes. Les résultats ont montré que les quantités d’enzymes de dégradation augmentaient avec la profondeur, ce qui indique un lien avec les niveaux plus élevés de microplastiques observés en profondeur dans l’océan.
L’équipe suédoise a ensuite recherché des enzymes similaires dans des échantillons d’ADN environnementaux prélevés par d’autres chercheurs dans 236 endroits différents du monde. Il est important de noter que les chercheurs ont éliminé les faux positifs potentiels en comparant les enzymes initialement identifiées avec les enzymes de l’intestin humain — aucun enzyme dégradant le plastique n’a encore été identifié chez l’Homme, malgré les inquiétudes liées à l’ingestion de microplastiques.
Les scientifiques ont identifié un total d’environ 30 000 enzymes, dont environ 12 000 dans le microbiome océanique et 18 000 dans le sol, correspondant à 10 plastiques commerciaux majeurs. Près de 60% des enzymes dégradant les plastiques identifiés ne correspondaient à aucune classe d’enzymes connue, ce qui suggère que les chercheurs ont découvert un nouvel élément de biodégradation du plastique.
« Créer des communautés microbiennes dotées de fonctions de dégradation du plastique ciblées »
L’utilisation d’approches de biologie synthétique pour améliorer les processus actuels de dégradation des plastiques est d’une importance cruciale, car les processus naturels de dégradation sont très lents. Par exemple, la durée de vie prévue d’une bouteille en polyéthylène téréphtalate (PET) peut atteindre des centaines d’années. Les chercheurs estiment que leurs résultats pourraient donc être utilisés pour découvrir et adapter des enzymes à de nouveaux processus de recyclage.
« La prochaine étape consisterait à tester les enzymes candidates les plus prometteuses en laboratoire afin d’étudier de près leurs propriétés et le taux de dégradation du plastique qu’elles peuvent atteindre. À partir de là, on pourrait créer des communautés microbiennes dotées de fonctions de dégradation ciblées pour des types de polymères spécifiques », explique Aleksej Zelezniak.