Pour établir une base humaine sur Mars, il faut une énergie sûre et constante, ce qui n’est pas le cas avec les sources d’énergie actuelles utilisées par les rover (solaire et nucléaire). Récemment, des scientifiques ont démontré, par simulation, le potentiel de l’énergie éolienne sur Mars pour les futures missions d’exploration habitées, une ressource jusqu’ici inexploitée.
La durabilité énergétique pour les habitats de surface, les systèmes de survie et l’instrumentation scientifique, est l’un des problèmes prioritaires pour les futures missions habitées vers Mars. Sans compter que les sources d’énergie utilisées pour les missions robotiques actuelles vers Mars peuvent être potentiellement dangereuses à proximité des habitats humains (nucléaires) ou manquer de stabilité sur des laps de temps journaliers ou saisonniers (solaire). Mais l’énergie éolienne a jusqu’ici été « négligée » en tant que source d’énergie.
En effet, il est extrêmement difficile d’estimer de manière globale les variations du vent sur toute la planète tant les caractéristiques du sol, de la température de surface, les changements d’exposition solaire et l’opacité de la poussière changent d’un endroit à l’autre. Néanmoins, les scientifiques utilisent le vent pour comprendre le climat de Mars aujourd’hui et dans le passé. Ces données sur le vent peuvent également les aider à étudier pourquoi certaines tempêtes de poussière deviennent mondiales et d’autres non. L’étude du vent et de la poussière aidera les futures missions spatiales et humaines.
Dans ce contexte, une équipe de recherche menée par Victoria Hartwick, du centre de recherche Ames de la NASA à Mountain View (Californie), a tenté d’établir le potentiel énergétique des éoliennes en tant que ressource énergétique alternative à la surface de Mars, à l’aide d’un modèle climatique martien mondial. Leur étude est publiée dans la revue Nature Astronomy.
La poussière, un enjeu majeur
Parce que l’atmosphère martienne est si mince avec une pression atmosphérique d’environ 1% de celle de la Terre, l’ajout même d’une petite quantité de poussière augmente considérablement la quantité de lumière solaire absorbée, ce qui affecte considérablement la température, qui à son tour affecte l’ensemble de la circulation atmosphérique — et par conséquent le potentiel de l’énergie solaire.
En partie parce qu’il n’y a pas d’océans, et en partie à cause des fortes rétroactions positives entre le soulèvement de la poussière et la force de la circulation, des tempêtes de poussière à l’échelle planétaire peuvent se développer sur Mars. Ces tempêtes peuvent bloquer le soleil pendant des semaines et provoquer d’énormes changements dans les conditions atmosphériques, ce qui rend risqué d’essayer d’atterrir à la surface. La poussière présente également un risque pour l’optique, les machines et potentiellement la physiologie humaine.
Face à ces vents martiens changeants et quasi imprévisibles, le potentiel éolien de Mars ne peut pas être décrit dans son ensemble. C’est pourquoi l’équipe utilise un modèle climatique planétaire de Mars, basé sur ceux de la Terre. Même si les deux planètes diffèrent, cela constitue une base solide. Ils y ont adjoint des données tirées des cartes précises éditées lors des missions Mars Global Surveyor et Viking.
Ainsi, le modèle a simulé les différentes vitesses de vent sur la planète, au fil de la journée, des saisons et des années, car les tempêtes varient d’une année à l’autre. Dans la revue Inverse, Hartwick déclare : « Ce qui est passionnant dans ce type d’étude, c’est que la physique fondamentale régissant la dynamique atmosphérique et le climat sur Terre et sur Mars et d’autres systèmes planétaires est la même. Ainsi, vous pouvez construire ce cadre et recentrer des zones spécifiques d’un modèle pour vraiment identifier des zones spécifiques du climat de Mars par rapport au climat de la Terre, par rapport au climat de Vénus, par rapport au climat des exoplanètes ».
Des sites à privilégier
Les chercheurs ont alors découvert que les vitesses du vent sur certains sites d’atterrissage pour les futures missions sont suffisamment rapides pour fournir une source d’énergie autonome ou complémentaire à l’énergie solaire ou nucléaire. Ils ont trouvé 23 sites les plus favorables à l’installation d’éoliennes.
Alors que plusieurs régions présentent un potentiel prometteur, d’autres régions d’intérêt scientifique peuvent être écartées sur la base du seul potentiel naturel d’énergie solaire et éolienne.
Les auteurs démontrent que les éoliennes pourraient représenter une source d’énergie importante, en particulier la nuit et pendant la saison poussiéreuse de Mars et le long des pentes topographiques. Notamment les sites d’atterrissage à haute latitude, proches des ressources souterraines de glace d’eau, sont rendus accessibles en utilisant l’énergie éolienne en plus de l’énergie solaire et nucléaire.
Plus précisément, les turbines proposées stabilisent la production d’électricité lorsqu’elles sont combinées avec des panneaux solaires, augmentant le temps pendant lequel la puissance dépasse les besoins estimés de la mission d’environ 40% pour les panneaux solaires seuls à plus de 60 à 90% sur une large fraction de la surface de Mars.
Hartwick explique que l’étude est une invitation à la communauté des ingénieurs pour enquêter sur le fonctionnement d’une éolienne sur Mars. En effet, les turbines devront fonctionner dans des conditions martiennes uniques et doivent être facilement transportées, construites et entretenues. Des travaux importants sont nécessaires pour mieux comprendre et évaluer les exigences techniques uniques et les défis de l’énergie éolienne.
Premier enregistrement sonore d’une tempête sur Mars
Plus tôt ce mois-ci, les résultats du rover Perseverance de la NASA, utilisant son microphone SuperCam pour enregistrer les sons d’un diable de poussière martien (un tourbillon de poussière) ont été publiés. Le diable de poussière est passé directement au-dessus de Perseverance le 27 septembre 2021, le 215e jour martien de la mission.
Au même moment où le microphone de SuperCam enregistrait le diable de poussière, les capteurs météorologiques de Perseverance (mesurant le vent, la pression, la température et la poussière) et la caméra de navigation gauche du rover étaient allumés. Cela a permis aux scientifiques de combiner le son, l’image et les données atmosphériques. La combinaison unique de ces données, ainsi que la modélisation atmosphérique, a permis aux chercheurs d’estimer les dimensions du diable de poussière : 25 mètres de large, au moins 118 mètres de haut et se déplaçant à environ 19 km/h.
Il faut savoir que les vents sur Mars peuvent à la fois aider et nuire aux engins spatiaux. En effet, une image publiée en juin 2021 montre des taches sombres : elles sont créées par des jets de gaz qui proviennent de sous cette glace, traversent les fissures et libèrent la poussière. Le vent emporte alors cette poussière et la dépose à la surface en formant des bandes. À partir de cette image, il est alors aisé pour les scientifiques de conclure sur les directions et forces des vents.
Toutes ces données vont permettre d’estimer les potentiels sites d’atterrissage pour la mise en place des bases humaines pour l’exploration durable de Mars.