Du poulet cultivé en laboratoire bientôt dans l’assiette ?

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Une poitrine de poulet dérivée de cellules souches cultivées chez UPSIDE Foods à Emeryville, en Californie. | ABC News
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La consommation de viande dans le monde, ainsi que l’élevage industriel et les cultures qui sous-tendent ce marché contribuent largement au réchauffement climatique. Les animaux et l’agriculture liée à leur alimentation représentent aujourd’hui près de 15% des émissions de CO2. À cela s’ajoutent des conditions d’élevage souvent peu respectueuses du bien-être animal. La solution ? La viande de synthèse, cultivée en laboratoire. Deux sociétés américaines spécialisées dans ce domaine viennent d’obtenir le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA) pour commercialiser leurs produits.

La demande de produits carnés continue d’augmenter à l’échelle mondiale. Or, une étude publiée dans Science en 2019 a montré que l’élevage ne fournit que 18% des calories et 37% des protéines, alors qu’il occupe 83% des terres agricoles ! L’adoption de régimes alimentaires plus sains et durables pourrait être essentielle pour protéger les ressources de la planète tout en subvenant aux besoins des milliards d’individus qui la peuplent. Une équipe de l’Oxford Martin School a estimé, quant à elle, que l’adoption généralisée de régimes végétariens réduirait les émissions liées à l’alimentation de 63% et éviterait 7,3 millions de décès par an d’ici 2050.

Tout le monde n’est cependant pas prêt à se passer complètement de viande. D’où l’intérêt de proposer de la viande de synthèse, à l’instar de UPSIDE Foods et de GOOD Meat, qui proposent de la viande de poulet cultivée en laboratoire à partir de vraies cellules animales. Toutes deux sont autorisées à vendre leurs produits, qui pourraient donc se retrouver bientôt dans les rayons des supermarchés ou au menu des restaurants américains. « C’est un moment décisif, car cela ne s’était jamais produit auparavant dans l’histoire de l’humanité », a déclaré à ABC News le Dr Uma Valeti, fondateur et PDG d’UPSIDE Foods.

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Une initiative soutenue officiellement par un décret

Non seulement l’élevage industriel, en particulier celui des ruminants, contribue largement aux émissions de gaz à effet de serre — selon certaines estimations, ces émissions seraient même équivalentes à la part de celles produites par le secteur des transports — mais il consomme également énormément d’eau. En outre, il amplifie le phénomène d’antibiorésistance bactérienne via les antibiotiques administrés au bétail pour le protéger des maladies.

Selon UPSIDE Foods, GOOD Meat et les autres professionnels du secteur, le développement de substituts de viande solutionnerait tous ces problèmes. Cette viande cultivée est produite dans des bioréacteurs en acier à partir de cellules souches animales, alimentées par un mélange de vitamines, de graisses, de sucres et d’oxygène. Ce processus permet d’obtenir de véritables tissus carnés.

Selon les données du Département de l’agriculture des États-Unis, les Américains ont consommé environ 34 milliards de kilogrammes de viande rouge et de poulet en 2022 ; cela représente près de 100 kg par individu. Les laboratoires de viande synthétique pourront-ils satisfaire la demande ? Dans un premier temps, il s’agira surtout de compléter l’offre actuelle et non de la remplacer : UPSIDE affirme pouvoir produire environ 22 000 kg de poulet cultivé par an en utilisant la technologie actuelle ; selon le Dr Valeti, la production ne serait limitée que par l’infrastructure. L’entreprise aurait besoin d’investissements supplémentaires importants pour passer à une production de 180 000 kg/an — l’objectif qu’elle s’est fixé.

UPSIDE a déjà bénéficié de financements de la part de Bill Gates, Richard Branson et John Mackey — le fondateur de Whole Foods Market, une entreprise de distribution alimentaire de produits biologiques. Les investisseurs, comme les défenseurs du droit animal, affirment que la viande cultivée pourrait considérablement élargir l’offre alimentaire mondiale actuelle. À noter que le président Joe Biden a également apporté son soutien à cette initiative en signant, en septembre 2022, un décret ordonnant au Département de l’agriculture de soutenir « la culture de sources alimentaires alternatives ».

Des doutes persistent quant à la viabilité de cette production

UPSIDE Foods a reçu l’approbation de la FDA en novembre 2022, devenant la première entreprise au monde à recevoir une lettre « No Questions » de l’organisme — qui indique qu’il n’y a pas lieu de s’interroger sur l’innocuité de cette viande cultivée et qui rapproche un peu plus ce produit des assiettes des consommateurs. GOOD Meat a obtenu le feu vert le mois dernier.

Les critiques s’interrogent cependant sur la viabilité financière de cette industrie sur le long terme. La production de viande cultivée engendre en effet des coûts importants. Ricardo San Martin, directeur de l’Alternative Meat Lab de l’Université de Californie à Berkeley, souligne que les bioréacteurs « coûtent très cher » et sont gérés par des personnes extrêmement qualifiées. Ces bioréacteurs consomment, en outre, beaucoup d’énergie.

Une étude publiée en 2020 dans Frontiers in Sustainable Food Systems a révélé que la viande cultivée ne produit qu’environ 20% des émissions de gaz à effet de serre produites par l’élevage bovin traditionnel. Ces émissions restent toutefois bien plus élevées (5 à 21 fois) que celles liées aux cultures de protéines végétales. Les aliments d’origine végétale restent finalement la solution la plus abordable et la plus durable.

Les autorités du Département américain de l’agriculture sont en train de déterminer de quelle manière étiqueter la viande cultivée destinée à la vente publique, et comment inspecter les installations qui la produisent. Ces lignes directrices sont attendues dans le courant de l’année ; elles constituent la dernière étape à franchir avant que les produits ne se retrouvent en rayons. Les professionnels de l’élevage espèrent évidemment un étiquetage clair, qui distingue très nettement leurs viandes de cette viande de laboratoire.

Une fois cet étiquetage défini, le poulet d’UPSIDE Foods devrait faire son entrée dans les menus de certains restaurants californiens. Selon le PDG de la société, au départ, le prix de la livre de poulet devrait être légèrement plus élevé que le prix du poulet bio. L’objectif est de pouvoir rivaliser avec le poulet d’élevage d’ici cinq à quinze ans. En dehors d’UPSIDE Foods et GOOD Meat, des dizaines d’autres jeunes entreprises se préparent à produire et à vendre du bœuf, de l’agneau, du porc et même des fruits de mer cultivés à partir de cellules animales. Reste à savoir si les consommateurs se montreront réceptifs…

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