La matière noire représente environ 85% de la matière totale de l’Univers, contre 15% pour la matière baryonique. Dans le modèle standard de la cosmologie, elle permet d’expliquer la courbe de rotation des galaxies et la formation des grandes structures cosmiques. À ce titre, elle interagit donc par le biais de la gravité. Dès lors, pour quelles raisons ne peut-elle pas s’effondrer en trous noirs ?
Dans les premiers instants de l’Univers, ce dernier est rempli d’un plasma quarks-gluons, c’est-à-dire une « soupe » de quarks et de gluons libres à très haute densité et température. Une fraction de seconde plus tard, les quarks et les gluons se regroupent au sein des hadrons pour former les premiers noyaux atomiques. Ils sont parallèlement accompagnés par les électrons, les neutrinos, les photons et la matière noire.
Tous ces objets évoluent ensemble et interagissent les uns avec les autres. Bien qu’ils soient tous sensibles à la gravité, y compris les photons, celle-ci n’est pas la seule interaction à jouer un rôle. Les photons et les électrons subissent majoritairement les effets de l’interaction électromagnétique : ils entrent sans cesse en collision et sont diffusés en permanence, échangeant énergie et quantité de mouvement. Les noyaux atomiques, étant plus massifs, subissent déjà un peu moins ces effets.
Les neutrinos, quant à eux, ne sont sensibles qu’à la gravité et l’interaction faible, rendant les collisions avec d’autres particules extrêmement peu fréquentes. Mais en matière de liberté, c’est la matière noire la grande gagnante. Celle-ci n’interagissant que par l’intermédiaire de la gravité, elle n’est impliquée dans aucune collision, et peut seulement attirer, et être attirée, par la matière baryonique.
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Les collisions et les interactions empêchent la matière baryonique de former des agglomérats denses et de s’effondrer gravitationnellement. Tandis que la matière noire, dénuée de ces obstacles, voit sa densité augmenter progressivement dans certaines régions de l’Univers. Toutefois, le phénomène est différent que pour la matière ordinaire.
Dans le cas d’un gaz de matière baryonique, la gravité permet effectivement au gaz de devenir plus dense. Mais les atomes (ou molécules) qui le composent sont également liés les uns aux autres par l’intermédiaire de l’électromagnétisme, permettant au gaz de devenir encore plus dense et de s’effondrer pour former étoiles, planètes et autres objets du cosmos.
Mais sans l’interaction électromagnétique pour former une structure densément liée, seule une structure faiblement liée et diffuse sous forme de halo ou de filament est possible. C’est pourquoi la matière noire ne peut former que ces deux types de structures, et pas d’autres objets.
Sans la possibilité d’entrer en collision inélastique, d’échanger énergie, quantité de mouvement et moment cinétique, les amas de matière noire, aussi denses soient-ils, ne peuvent que former des structures diffuses, façonnant l’Univers autour d’eux via la gravité, sans pour autant pouvoir s’effondrer eux-mêmes en étoiles, planètes ou trous noirs.