Pourquoi les Bermudes semblent flotter ? Une structure cachée de 20 km sous l’archipel apporte un nouvel éclairage

Une formation en contradiction avec celle de la plupart des îles volcaniques.

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Image satellite (Landsat 8) des Bermudes. | NASA Earth Observatory
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Des géologues ont découvert une étrange couche de roche de 20 kilomètres d’épaisseur, enfouie sous la croûte océanique, sous les Bermudes. Cette structure expliquerait son altitude inhabituelle (l’archipel semble flotter sur l’eau), malgré une activité volcanique qui a cessé depuis longtemps. Sa formation serait ainsi en contradiction avec celle de la plupart des îles volcaniques, offrant un nouvel aperçu de la manière dont ces reliefs peuvent se former.

Les archipels volcaniques comme les Tonga et Hawaï se forment généralement par le biais de panaches mantelliques profonds. Il s’agit de matériaux chauds en fusion remontant à la surface depuis la limite entre le noyau et le manteau jusqu’à la lithosphère océanique. Ce processus fait se soulever le plancher océanique, créant un relief bombé (gonflement bathymétrique) qui surélève la plaque tectonique située au-dessus.

Cependant, les Bermudes, l’archipel situé en plein océan Atlantique nord, célèbre pour les nombreuses superstitions qui l’entourent, intriguent les géologues en raison de leurs caractéristiques inhabituelles. Elles constituent notamment une anomalie géologique, car elles semblent fondamentalement différentes des autres îles volcaniques. En effet, si leur altitude suggère la présence d’un gonflement bathymétrique, aucune trace de panache mantellique chaud n’a jusqu’ici été identifiée.

De manière plus simple, l’archipel semble flotter sur l’océan, sans rien qui ne le retienne en dessous. D’autre part, bien que la question d’une potentielle activité volcanique sous l’archipel fasse l’objet de débats, aucune éruption volcanique n’a formellement été détectée aux Bermudes depuis plus de 30 millions d’années.

Une étude publiée récemment dans la revue Geophysical Research Letters pourrait apporter un élément de réponse, en faisant notamment état d’une épaisse couche de roche jusqu’ici non identifiée sous l’archipel. « Nous avons identifié des caractéristiques associées à une couche rocheuse d’environ 20 km d’épaisseur située sous la croûte océanique, qui n’avait pas encore été signalée. Cette épaisse couche sous-croûtale s’est probablement mise en place lors d’une phase d’activité volcanique aux Bermudes, il y a 30 à 35 millions d’années, et pourrait être à l’origine du soulèvement bathymétrique », expliquent les auteurs de l’étude.

Une densité conférant la flottabilité apparente de l’archipel

Pour mener leur enquête, les chercheurs de la nouvelle étude ont utilisé les données d’une station sismique installée sur place, issues de séismes importants survenus à travers le globe. Les ondes sismiques de ces séismes produisent des échos qui se propagent à travers les roches avant d’atteindre la station. Cette méthode a permis de cartographier avec précision les reliefs souterrains jusqu’à environ 50 kilomètres sous l’archipel.

En analysant les points où les ondes sismiques présentent de brusques variations, l’équipe a identifié une couche rocheuse exceptionnellement épaisse et moins dense que la roche environnante. « Normalement, on a la base de la croûte océanique, puis on s’attend à trouver le manteau », explique à Live Science William Frazer, sismologue à Carnegie Science, à Washington, D.C., et auteur principal de l’étude. « Mais aux Bermudes, il existe une autre couche située sous la croûte, à l’intérieur de la plaque tectonique sur laquelle repose l’archipel. »

D’après le chercheur, cette structure pourrait contribuer à expliquer la question persistante de la surélévation des Bermudes. L’archipel reposerait au-dessus d’une zone où la croûte océanique est anormalement surélevée par rapport aux fonds marins environnants. Celle-ci ne serait pas le résultat d’une activité volcanique récente, mais plutôt d’une phase d’activité volcanique survenue il y a plusieurs dizaines de millions d’années, au cours de laquelle de la roche mantellique aurait été injectée à l’intérieur de la croûte. Cette roche se serait ensuite figée sur place, formant une sorte de plateforme capable de soulever le fond océanique d’environ 500 mètres.

En outre, ce serait la différence de densité entre cette roche et le manteau environnant qui conférerait la flottabilité nécessaire au gonflement bathymétrique soutenant l’archipel, plutôt que la chaleur ou une activité volcanique encore active. Frazer et son équipe examinent actuellement d’autres îles volcaniques océaniques afin de déterminer si certaines présentent une couche sous-jacente similaire à celle mise en évidence aux Bermudes.

« Comprendre un endroit comme les Bermudes, qui constitue un cas extrême, est essentiel pour mieux appréhender des situations moins extrêmes. Cela nous donne une idée à la fois des processus plus ordinaires à l’œuvre sur Terre et de ceux qui le sont davantage », conclut le géologue.

Source : Geophysical Research Letters
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