Les humains passent en moyenne un tiers de leur vie à dormir. Et pendant longtemps, les neurosciences se sont posées la question de la raison d’une telle quantité de sommeil. Plusieurs hypothèses ont été émises : consolidation de la mémoire, formation des souvenirs, établissement de nouvelles connexions, nettoyage physiologique, etc. En outre, en fonction de l’âge, la quantité de sommeil nécessaire change également. Récemment, des avancées concernant la compréhension du fonctionnement du cerveau et de l’organisme en général pendant le sommeil ont apporté des éléments de réponse sur la fonction du sommeil chez l’Homme.
Deux théories principales expliquant pourquoi nous dormons se concentrent sur le cerveau : une théorie dit que le cerveau utilise le sommeil pour réorganiser les connexions entre ses neurones, en construisant des réseaux qui renforcent notre mémoire et notre capacité à apprendre ; l’autre théorie dit que le cerveau a besoin de temps pour nettoyer les déchets métaboliques qui s’accumulent tout au long de la journée. Les neuroscientifiques se sont donc demandés laquelle de ces fonctions était la principale raison du sommeil, mais une nouvelle étude révèle que la réponse peut être différente pour les bébés et les adultes.
Des chercheurs ont utilisé un modèle mathématique pour montrer que les nourrissons passent la plupart de leurs heures de sommeil en état de sommeil paradoxal (REM), tandis que leur cerveau établit rapidement de nouvelles connexions entre les cellules et grandit toujours plus. Ensuite, juste avant que les tout-petits atteignent l’âge de 2 ans et demi, leur quantité de sommeil paradoxal diminue considérablement lorsque le cerveau passe en mode maintenance, utilisant principalement le temps de sommeil pour le nettoyage et la réparation.
Une quantité de sommeil dépendant de la taille et du métabolisme du cerveau
Dans une étude précédente, publiée en 2007 dans la revue PNAS, les auteurs ont découvert que la taille du cerveau et le taux métabolique du cerveau d’un animal prédisent avec précision le temps de sommeil de ce dernier. En général, les gros animaux avec un gros cerveau et un faible taux métabolique cérébral dorment moins que les petits animaux aux caractéristiques opposées.
Cette règle s’applique à toutes les espèces et entre les membres de la même espèce ; par exemple, les souris dorment plus que les éléphants et les nouveau-nés dorment plus que les humains adultes. Cependant, sachant que le temps de sommeil diminue à mesure que le cerveau grossit, les auteurs se demandent à quelle vitesse ce changement se produit chez différents animaux et si cela est lié à la fonction du sommeil au fil du temps.
Bébés : ils passent majoritairement leur temps en sommeil profond
Pour répondre à ces questions, les chercheurs ont rassemblé les données existantes sur la quantité de sommeil des humains, en compilant plusieurs centaines de points de données provenant de nouveau-nés et d’enfants jusqu’à 15 ans. Ils ont également recueilli des données sur la taille du cerveau et le taux métabolique, la densité des connexions entre les cellules cérébrales, la taille corporelle et le taux métabolique, et le rapport entre le temps passé en sommeil paradoxal et le sommeil non paradoxal à différents âges ; les chercheurs ont tiré ces points de données de plus de 60 études.
Les bébés dorment environ deux fois plus que les adultes et passent une plus grande partie de leur temps de sommeil en REM, et pendant longtemps la question de la fonction d’un tel système s’est posée. Les auteurs de l’étude ont construit un modèle mathématique pour suivre tous ces points de données changeants dans le temps et voir quels modèles ont émergé entre eux.
De l’établissement de nouvelles connexions neuronales à la maintenance cérébrale
Ils ont constaté que le taux métabolique du cerveau était élevé pendant la petite enfance, lorsque l’organe construisait de nombreuses nouvelles connexions entre les cellules, ce qui à son tour était en corrélation avec plus de temps passé en sommeil paradoxal. Ils ont conclu que les longues heures de REM pendant la petite enfance favorisent un remodelage rapide du cerveau, à mesure que de nouveaux réseaux se forment et que les bébés acquièrent de nouvelles compétences. Ensuite, entre 2 et 3 ans, les connexions ne changent pas aussi rapidement, et le temps passé en REM diminue.
À ce stade, le taux métabolique des cellules du cortex cérébral change également. Dans la petite enfance, le taux métabolique est proportionnel au nombre de connexions existantes entre les cellules cérébrales, plus l’énergie nécessaire pour créer de nouvelles connexions dans le réseau. À mesure que le taux de construction ralentit, le taux métabolique relatif ralentit à son tour.
Au cours des premières années de la vie, le cerveau établit des tonnes de nouvelles connexions. Les psychologues du développement appellent cela une « période critique » de neuroplasticité — la capacité du cerveau à forger de nouvelles connexions entre ses cellules. Ce n’est pas que la plasticité disparaisse après cette période critique, mais la construction de nouvelles connexions ralentit considérablement, comme le suggère le nouveau modèle mathématique. Dans le même temps, le rapport entre le sommeil non-REM et le sommeil paradoxal augmente, ce qui confirme l’idée que le non-REM est plus important pour le maintien du cerveau que la neuroplasticité.