Le premier médicament de régénération dentaire au monde bientôt en essai clinique

medicament regeneration dentaire
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Si l’on croyait jusqu’ici que le manque (congénital) ou la perte de dents définitives était irréversible, un nouveau médicament à base d’anticorps semble changer la donne. Pour la première fois, un composé destiné à faire repousser de nouvelles dents (précédemment testé avec succès sur des souris) est sur le point d’entamer les essais cliniques. Une annonce prometteuse pour celles et ceux qui rêvent d’une alternative non invasive et naturelle aux prothèses et implants dentaires.

Chez l’Homme, le nombre de dents définitives est strictement limité à 32. Cependant, ce nombre peut génétiquement diminuer (c’est le cas pour 1% de la population) dans le cadre d’un phénomène appelé anodontie congénitale. L’anodontie se caractérise par l’absence de toutes les dents, tandis que l’absence de plus de 6 dents est appelée « oligodontie ». Ces conditions dites « agénésies dentaires » se manifestent dès le plus jeune âge et entravent la capacité à s’alimenter ou à parler correctement.

D’un autre côté, 1% de la population dans le monde présente une condition congénitale inverse : l’hyperdontie, une affection entraînant un nombre de dents supérieur à la normale. D’après des chercheurs de l’Université de Kyoto et Fukui, ce phénomène serait dû à la croissance d’un troisième ensemble de dents, une capacité que la plupart d’entre nous auraient perdue au cours l’évolution.

En effet, certains animaux comme les requins ou quelques espèces de reptiles et de rongeurs peuvent indéfiniment faire repousser leurs dents, tout au long de leur vie. Et, alors que l’on croyait qu’il n’existait que deux ensembles de dents chez les humains, des chercheurs ont récemment découvert les « bourgeons endormis » d’un troisième sous-ensemble. La stimulation de ces bourgeons pourrait plus ou moins conférer la même capacité de régénération dentaire observée chez les animaux susmentionnés.

« L’idée de faire pousser de nouvelles dents est le rêve de tous les dentistes », déclare Katsu Takahashi, chercheur principal et directeur du département de dentisterie et de chirurgie buccale de l’hôpital de Kitano (à Osaka). Dans leur étude parue dans Science Advances, Takahashi et ses collègues ont identifié une voie génétique prometteuse, spécifiquement impliquée dans le contrôle de notre développement dentaire et de la croissance de notre troisième sous-ensemble de dents.

Leur découverte leur a permis de développer un anticorps monoclonal ciblant spécifiquement le gène impliqué. Si la molécule est initialement destinée aux enfants de 2 à 6 ans souffrant d’anodontie congénitale, elle pourrait également être utilisée pour traiter la perte pathologique (caries avancées, érosion des alvéoles dentaires, …) ou traumatique de dents. « Dans tous les cas, nous espérons voir un moment où la médecine de la repousse des dents sera un troisième choix aux côtés des prothèses dentaires et des implants », explique Takahashi.

Un médicament à base d’anticorps monoclonaux

La croissance des dents individuelles dépend de l’interaction entre plusieurs molécules, notamment la BMP (Bone Morphogenic Proteine) et la voie de signalisation Wnt. Des études ont antérieurement démontré que la BMP contribuait à la formation de dents supplémentaires, tandis que la Wnt induit la formation de dents surnuméraires dans des conditions telles que l’hyperdontie.

pousse dents souris
Chez les souris déficientes en USAG-1, les traces d’incisives caduques survivent et éclatent sous forme de dents en excès. © Université de Kyoto/Katsu Takahashi

Cependant, l’implication des deux voies de signalisation dans la détermination stricte du nombre de dents (32 dans notre cas) n’était pas claire. De plus, elles sont impliquées dans beaucoup d’autres processus biologiques, mis à part la croissance des dents, tels que le développement du squelette. Certains de ces processus sont modulés dès l’état embryonnaire. De ce fait, cibler directement leur activation comporte des risques non négligeables.

Pour pallier les risques éventuels, les chercheurs japonais ont alors ciblé l’USAG-1, une protéine bifonctionnelle antagoniste de la voie BMP et Wnt. Étant donné qu’elle inhibe la croissance dentaire en tant qu’antagoniste, sa désactivation par le biais d’un anticorps peut réactiver cette croissance. « L’ingénierie tissulaire conventionnelle n’est pas adaptée à la régénération dentaire. Notre étude montre que la thérapie moléculaire acellulaire est efficace pour un large éventail d’agénésies dentaires congénitales », indique Manabu Sugai de l’Université de Fukui, coauteur de l’étude.

Pour corroborer leur hypothèse, les chercheurs ont testé une gamme d’anticorps monoclonaux anti-USAG-1 chez des souris. Plusieurs d’entre eux ont induit un faible taux de natalité et de survie, confirmant le rôle essentiel de BMP et de Wnt dans le développement embryonnaire. En revanche, ils ont plus de succès avec un anticorps bloquant uniquement l’interaction d’USAG-1 avec la BMP. Au cours des expériences, une seule administration a suffi pour générer une dent de troisième génération. Les experts ont également découvert que la signalisation était fortement impliquée dans la détermination du nombre de dents, chez les souris.

pousse dents furets
(A à D) Incisives maxillaires de furets à différentes doses d’administration d’anticorps anti-USAG-1. (E à G) Image de tomodensitométrie (micro-CT). (H et I) Immunolocalisation de Smad1/5/8 phosphorylé (pSmad1/5/8) pour les dents surnuméraires. © A. Murashima-Suginami, Université de Kyoto

En réitérant l’expérience chez les furets, une septième dent supplémentaire a poussé. Étant donné que la dent a poussé entre celles déjà existantes et possédait la même forme, les chercheurs ont déduit qu’il s’agissait d’une dent de troisième génération. Prochainement, l’innocuité et l’efficacité de l’anticorps seront éprouvées in vivo chez d’autres animaux. Le médicament pourrait ainsi passer en phase d’essai clinique dès juillet 2024.

Source : Science Advances

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