Les essais cliniques du premier médicament de régénération dentaire au monde auront lieu en septembre à l’hôpital universitaire de Kyoto, au Japon. Basé sur un anticorps désactivant une protéine appelée USAG-1, le composé cible en premier lieu les patients nés avec plusieurs ou toutes les dents manquantes (agénésie dentaire congénitale). À terme, les chercheurs espèrent étendre la thérapie aux personnes ayant perdu des dents accidentellement ou des suites d’une infection.
Alors que chez l’Homme en bonne santé le nombre de dents définitives est strictement limité à 32, il est plus important (hyperdontie, ou dents surnuméraires) ou inférieur (agénésie dentaire) de manière congénitale chez environ 1 % de la population. L’agénésie dentaire résulte d’un arrêt prématuré du développement des dents et englobe l’hypodontie (absence de 1 à 5 dents définitives), l’oligodontie (absence de plus de 6 dents) et l’anodontie (absence de toutes les dents).
Si plusieurs gènes ont été identifiés comme responsables de l’agénésie dentaire congénitale, des études ont suggéré qu’une protéine en particulier régule la formation de nouvelles dents. Il s’agit de la protéine USAG-1, qui inhibe l’activation des facteurs BMP (protéines morphogénétiques osseuses) et Wnt, deux molécules de signalisation essentielles au développement osseux et dentaire.
Des expériences ont montré que la déficience en USAG-1 induit la croissance de dents surnuméraires chez les modèles animaux. Des chercheurs de l’Université de Kyoto (au Japon) ont alors suggéré qu’un anticorps anti-USAG-1 pourrait stimuler la croissance de dents germinales « dormantes » chez les personnes souffrant d’agénésie dentaire. En effet, alors qu’on croyait qu’il n’existait que deux ensembles de dents chez les humains (dents de lait et définitives), les « bourgeons endormis » d’un troisième sous-ensemble ont été récemment découverts.
« Nous voulons faire quelque chose pour aider ceux qui souffrent de perte ou d’absence de dents. Bien qu’il n’existe jusqu’à présent aucun traitement offrant une guérison permanente, nous pensons que les attentes des gens en matière de croissance dentaire sont élevées », explique au média The Mainichi Katsu Takahashi, co-auteur principal de l’étude et chef du département de dentisterie et de chirurgie buccale de l’hôpital Kitano (à Osaka).
Une commercialisation d’ici 2030 ?
Pour étayer leur hypothèse, les chercheurs japonais ont effectué plusieurs essais in vivo sur des souris et des furets, le dernier datant de l’année dernière. Les essais évaluaient l’efficacité et l’innocuité d’une gamme d’anticorps anti-USAG-1 à induire la croissance de dents surnuméraires. Plus précisément, les anticorps bloquaient l’interaction de l’USAG-1 avec la BMP et la Wnt. Résultat : les animaux ont enregistré de plus faibles taux de natalité et de survie pour la voie Wnt, étant donné son implication dans le développement squelettique dès le stade embryonnaire. En revanche, une seule administration a suffi pour générer une dent surnuméraire de troisième génération pour la voie BMP.
En collaboration avec la start-up japonaise Toregem Biopharma, les chercheurs prévoient maintenant de passer aux essais cliniques. La première phase se déroulera entre septembre de cette année et août 2025. L’anticorps sera administré par voie intraveineuse à 30 hommes en bonne santé âgés de 30 à 64 ans, mais à qui il manque au moins une dent. Une fois l’efficacité et l’innocuité du composé confirmé, la seconde phase des essais consistera à administrer le composé à des enfants âgés de 2 à 7 ans et présentant une hypo- ou une oligodontie congénitale (au moins 4 dents manquantes).
Ciblant principalement les personnes souffrant d’oligodontie — une condition que l’on croyait jusqu’à récemment irréversible, le médicament pourrait être disponible dans le commerce dès 2030. À terme, l’équipe espère également proposer le traitement aux personnes à qui il manque des dents en raison d’une blessure ou de caries, et qui désirent se passer de prothèses.