Au milieu des années 1960, alors que les États-Unis et la Russie se sont lancés dans une course effrénée à l’espace, les ingénieurs réfléchissent à la possibilité d’améliorer les moteurs de fusée en modifiant à la fois le rapport du mélange hydrogène/oxygène utilisé comme propergols et le mode de détonation du moteur. Ils proposent alors un fonctionnement basé sur une détonation rotative continue. Jusqu’à maintenant, les tests de grande envergure visant à faire fonctionner cette technologie avaient échoué. Mais récemment, des chercheurs de l’université centrale de Floride sont enfin parvenus à la réaliser expérimentalement.
Le système, appelé moteur de fusée à détonation rotative, permettra aux fusées destinées aux missions spatiales de devenir plus légères, de voyager plus loin et de brûler leur carburant plus efficacement. Les résultats de l’équipe ont été publiés dans la revue Combustion and Flame.
« L’étude présente, pour la première fois, des preuves expérimentales d’une détonation propulsive d’hydrogène et d’oxygène sûre et fonctionnelle dans un moteur de fusée à détonation rotative », déclare Kareem Ahmed, professeur au Département de génie mécanique et aérospatial de l’UCF. Les détonations rotatives sont continues, des explosions à Mach 5 qui tournent à l’intérieur d’un moteur-fusée, et les explosions sont maintenues en injectant de l’hydrogène et de l’oxygène dans le système à la juste quantité.
Un délicat équilibre dans le mélange des propergols
Ce système améliore l’efficacité du moteur-fusée de sorte que plus de puissance est générée tout en utilisant moins de carburant que les fusées traditionnelles, allégeant ainsi la charge de la fusée et réduisant ses coûts et ses émissions. Les détonations à Mach 5 créent des sursauts d’énergie qui voyagent à entre 7200 et 9000 km/h, ce qui est plus de cinq fois la vitesse du son. Elles sont contenues dans une structure durable en cuivre et laiton.
La technologie est étudiée depuis les années 1960, mais n’a pas montré de succès en raison des agents propulseurs chimiques utilisés ou de la façon dont ils ont été mélangés. Le groupe d’Ahmed l’a fait fonctionner en équilibrant soigneusement le taux de propergols, d’hydrogène et d’oxygène, libérés dans le moteur.
« Nous devons régler la taille des jets libérant les propergols pour améliorer le mélange pour un mélange local d’hydrogène et d’oxygène. Donc, lorsque l’explosion rotative est produite, elle est toujours soutenue par la réaction. Car si le mélange n’est pas exactement proportionné, il aura tendance à se déflagrer ou à brûler lentement au lieu de détoner », explique Ahmed.
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Tracer la formation et l’évolution des ondes de détonation rotatives
L’équipe d’Ahmed a également dû recueillir des preuves du bon fonctionnement de leur technologie. Ils l’ont fait en injectant un traceur dans le flux d’hydrogène et en quantifiant les ondes de détonation à l’aide d’une caméra à grande vitesse. « On a besoin du traceur pour voir réellement cette explosion qui se produit à l’intérieur et suivre son mouvement. Le développement de cette méthode pour caractériser la dynamique des ondes de détonation est une autre contribution de cet article ».
« En tant que spectroscopiste des propulsions avancées, j’ai reconnu certains des défis les plus uniques dans l’observation des structures à détonation d’hydrogène. Après avoir consulté le professeur Ahmed, nous avons pu formuler un appareil expérimental légèrement modifié qui a considérablement augmenté la puissance du signal », explique William Hargus, directeur de l’Air Force Research Laboratory’s Rotating Detonation Rocket Engine Program.
« Ces résultats de recherche ont déjà des répercussions sur la communauté internationale de la recherche. Plusieurs projets réexaminent maintenant la combustion de la détonation d’hydrogène dans les moteurs-fusées à détonation en raison de ces résultats. Je suis très fier d’être associé à cette recherche de haute qualité », conclut Hargus.