Après trente-six années de recherches infructueuses, des aurores ont enfin été observées sur Neptune, la plus lointaine des planètes géantes du système solaire. Publiée dans la revue Nature Astronomy, l’étude s’appuie sur les observations du télescope spatial James Webb, qui révèlent un phénomène auroral s’étendant jusqu’aux latitudes équatoriales – une configuration inédite, loin des aurores polaires typiquement observées sur d’autres astres, dont la Terre.
Sur Terre, les aurores boréales et australes enchantent les cieux par leurs couleurs chatoyantes, fruits de l’interaction entre les particules solaires et les gaz de la haute atmosphère terrestre, concentrée aux pôles, où le champ magnétique canalise ces flux énergétiques. Mais ce spectacle céleste n’est pas l’apanage de notre planète.
Mars, Jupiter, Saturne, Uranus – et même certaines de leurs lunes – présentent des manifestations similaires, dont la diversité continue de surprendre. Sur Saturne, par exemple, les aurores prennent la forme de rayonnements ultraviolets, invisibles à l’œil nu, mais d’une intensité comparable.
Déjà en 1989, la sonde Voyager 2 de la NASA avait survolé Neptune, y décelant des indices d’une possible activité aurorale. Elle avait mis en évidence un champ magnétique singulier, incliné de 47 degrés par rapport à l’axe de rotation de la planète. Depuis, toutes les tentatives pour capter visuellement ces lueurs célestes – y compris avec le télescope Hubble – s’étaient soldées par des échecs.
« Les astronomes cherchent à détecter les aurores de Neptune depuis des décennies, sans succès », a confié au New York Times Henrik Melin, planétologue à l’Université de Northumbria (Angleterre) et coauteur de l’étude. Un échec que les capacités infrarouges du télescope spatial James Webb (JWST) ont permis de surmonter. « Si le JWST peut observer les premières galaxies de l’Univers, il vaut mieux qu’il soit capable de capter des aurores sur Neptune », a ironisé Heidi Hammel, astronome affiliée à l’Association des universités pour la recherche en astronomie et co-auteure de l’étude. « Et c’était effectivement le cas », s’est-elle réjouie.
Un instrument déterminant pour l’observation
C’est grâce à NIRSpec, le spectrographe proche infrarouge du JWST, que l’équipe a pu observer en juin 2023 les premières aurores de Neptune. Celles-ci, à la différence de leurs homologues terrestres, se manifestent à des latitudes intermédiaires.
Au-delà de l’imagerie, l’analyse spectroscopique a offert des données précieuses sur la composition et la température de l’ionosphère de la planète. Une raie d’émission caractéristique a notamment révélé la présence du cation trihydrogène (H₃⁺), molécule étroitement associée aux phénomènes auroraux. Ces aurores sont visibles, dans les clichés traités incluant les données de Webb, sous forme de taches cyan bien distinctes.
« H₃⁺ s’est révélé être un marqueur d’activité aurorale sur toutes les géantes gazeuses – Jupiter, Saturne, Uranus. Nous nous attendions à en observer également sur Neptune, que nous avons scrutée des années durant avec les meilleurs instruments terrestres », indique Heidi Hammel dans un communiqué de la NASA. « Seul un télescope tel que Webb pouvait enfin nous en fournir la preuve directe ».
Les données du JWST éclairent également une question non résolue depuis longtemps : pourquoi ces aurores étaient-elles invisibles jusqu’ici ? Lors de son survol de 1989, Voyager 2 avait mesuré une température de 400 °C dans la haute atmosphère de Neptune. Aujourd’hui, cette température s’est effondrée à environ 93 °C, rendant les aurores bien moins lumineuses.
Toutefois, cette chute thermique soulève une nouvelle interrogation : qu’est-ce qui a provoqué un tel refroidissement atmosphérique ? Hammel et ses collègues espèrent que les futures observations, prévues pour 2026, livreront des éléments de réponse.