Il avait refusé de prendre des mesures pour empêcher le virus de se propager sur son territoire. Pierre Nkurunziza, président du Burundi, affirmait que Dieu protégerait sa nation. Il est décédé le 8 juin, officiellement d’une crise cardiaque, officieusement du COVID-19 selon la presse africaine. Son épouse et trois de leurs gardes du corps sont soignés – pour des raisons non communiquées – depuis une quinzaine de jours dans un hôpital au Kenya.
De nombreuses personnes ont, comme lui, minimisé la gravité de la pandémie. Certains affirmaient publiquement que les mesures mises en place pour empêcher la propagation du virus étaient exagérées, que les personnes respectant le confinement étaient paranoïaques… D’autres parlaient de fake news, de stratagème politique… Malheureusement, comme Pierre Nkurunziza, certains de ces sceptiques ont finalement succombé au virus.
Une pandémie qui s’accélère en Afrique
Le SARS-CoV-2 est arrivé sur le continent africain relativement tard. C’est au Nigeria, fin février, que l’on a enregistré le premier cas de contamination au COVID-19. Le 11 juin, selon le décompte de l’AFP sur la base de sources officielles, l’Afrique enregistrait plus de 210’000 cas et plus de 5600 morts. Le continent ne représente pour l’instant que 3% des cas de contamination recensés dans le monde, mais l’OMS annonce une nette accélération de la pandémie sur ce territoire : « Il a fallu 98 jours pour atteindre la barre des 100’000 cas et 18 jours seulement pour franchir celle des 200’000 », a souligné Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique.
En nombre de cas de contamination, l’Afrique du Sud (25% des cas), le Nigeria et le Ghana sont les pays les plus touchés. Plus de 70% des décès sont enregistrés dans seulement cinq pays : Afrique du Sud, Algérie, Nigeria, Égypte et Soudan. Malgré les infrastructures de santé limitées, on peut néanmoins constater que les nombres de cas et de morts du COVID-19 demeurent bien inférieurs à ceux des autres continents. La raison ? Certains évoquent une meilleure expérience dans la gestion d’épidémie, ainsi qu’une population relativement plus jeune (que l’on sait moins vulnérable au nouveau coronavirus). De plus, l’arrivée plus « tardive » du virus a permis à la plupart des pays africains de prendre des mesures pour limiter la propagation virale.
La plupart des pays, mais pas le Burundi. Son président a tout simplement refusé de prendre des mesures particulières et a maintenu toutes les manifestations sportives et autres rassemblements publics. Il avait notamment expulsé les équipes de l’OMS, accusant l’organisme « d’ingérence inacceptable dans sa gestion du coronavirus ». Une décision prise quelques jours seulement avant que les Burundais ne se rendent aux urnes, le 20 mai, pour élire leur nouveau président et les membres de l’Assemblée nationale.
Pourtant, selon The Guardian, les cas se multiplient. Des responsables du ministère de la Santé, sous couvert d’anonymat, rapportent que des patients admis à l’hôpital avec des symptômes typiques du COVID-19 ne sont pas testés. Plusieurs patients « présentant tous les symptômes du coronavirus » décèdent. Des citoyens malades, présentant fièvre et détresse respiratoire, se voient refuser des tests de dépistage. L’Institut national de santé publique, seul endroit à effectuer des tests, a vu six de ses employés chargés de prélever des échantillons tomber malades du virus. « Depuis lors, toute activité est paralysée, aucun test ne peut être effectué, c’est une catastrophe », a confirmé un employé de l’institut, sous couvert d’anonymat.
Un homme d’État antiscience
Les autorités burundaises ont évoqué la protection divine pour expliquer le taux d’infection relativement bas du pays et ont exhorté les citoyens à mener leur vie quotidienne sans crainte. « Le Burundi est une exception parmi d’autres nations parce que c’est un pays qui a donné la première place à Dieu, un Dieu qui nous protège et nous protège de tout malheur », déclarait un porte-parole de Nkurunziza au mois de mars.
Au 15 juin, le Burundi rapportait officiellement 94 cas de contamination et un seul décès, selon les derniers chiffres de l’OMS. Des chiffres qui paraissent peu probables pour ce pays de plus de 11,8 millions d’habitants ; d’autant plus que les tests y sont à priori peu pratiqués…
Le président Nkurunziza, âgé de 55 ans, a été transporté d’urgence à l’hôpital la semaine dernière. Il a été déclaré mort le 8 juin. Jusqu’à présent, les chaînes officielles du pays n’ont évoqué qu’une crise cardiaque comme cause de décès. Là encore, une explication peu crédible sachant que l’épouse du président a elle-même été traitée pour le COVID-19 quelques jours avant. Un diplomate occidental aurait déclaré au Star (journal quotidien kényan) : « Il avait le coronavirus, mais personne ne le dira parce que le président l’a minimisé tout le temps ».
Malheureusement, sa mort survient deux jours après qu’il ait assisté à un match de volley, parmi la foule… S’il est effectivement décédé du COVID-19, il a donc potentiellement pu contaminer plusieurs autres personnes (sans compter les membres du gouvernement qu’il côtoyait…). Ce serait également le premier chef d’État à succomber à cette maladie.
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Nkurunziza dirigeait le pays depuis 15 ans ; son dauphin désigné, Évariste Ndayishimiye, qui a remporté les élections au premier tour, prendra le relais. Nkurunziza était connu pour ses idées antiscientifiques et ses répressions sévères envers les citoyens LGBT. Si son arrivée au pouvoir en 2005 a aidé à stopper les conflits entre Tutsis et Hutus, il a néanmoins été responsable de nombreuses violations des droits de l’Homme dans son pays. Le gouvernement du Burundi a d’ailleurs fait l’objet d’une enquête pour crimes contre l’humanité et Nkurunziza allait potentiellement être arrêté par la Cour pénale internationale.