Au cours de la cérémonie de remise des prix organisée par le Comité Nobel le lundi 7 octobre, le prix Nobel de physiologie ou médecine a été attribué à trois médecins américains et britanniques — William G. Kaelin Jr., Peter J. Ratcliffe et Gregg L. Semenza — pour leurs découvertes sur la façon dont les cellules détectent et s’adaptent à la quantité d’oxygène disponible. Ces travaux sont fondamentaux car de nombreux processus physiologies dépendent de la façon dont l’organisme gère l’apport en oxygène cellulaire, et c’est notamment le cas de maladies comme le cancer les AVC.
Les découvertes du trio ont mis en lumière ce que le Comité Nobel a appelé « l’un des processus d’adaptation les plus essentiels de la vie », répondant à des questions essentielles sur le fonctionnement du corps et offrant de nouvelles voies thérapeutiques potentielles pour traiter le cancer et d’autres maladies.
Les trois chercheurs, travaillant indépendamment, ont révélé la cascade d’événements moléculaires qui permettent aux cellules de détecter et de répondre à différents niveaux d’oxygène. Cela permet au corps humain de s’adapter à la haute altitude en générant plus de globules rouges pour transporter l’oxygène.
Déficit en oxygène : un dénominateur commun à de nombreuses maladies
Mais ces résultats peuvent également s’appliquer à différentes pathologies et constituer de nouvelles cibles de traitement : les cellules cancéreuses exploitent ces commutateurs moléculaires pour prospérer, par exemple, et une tolérance accrue des cellules au manque d’oxygène pourrait constituer un moyen de traiter les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux.
« Si vous pensez aux principales causes de décès aux États-Unis, trois sur cinq sont liées au manque d’oxygène, notamment les crises cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et les maladies respiratoires » déclare Isha Jain, de l’Université de Californie à San Francisco. « Comprendre comment le corps perçoit et réagit au manque d’oxygène est assez fondamental pour toutes ces maladies ».
Comprendre comment l’organisme réagit au manque d’oxygène
Les travaux ont débuté dans les années 1990, lorsque Semenza a identifié des gènes activés lorsque les niveaux d’oxygène étaient bas pour augmenter les niveaux d’érythropoïétine (EPO), une protéine qui accentue la production de globules rouges. Un médicament contre l’anémie qui augmente le nombre de globules rouges en ciblant ce mécanisme de base a récemment été approuvé en Chine.
Les chercheurs ont travaillé séparément pour comprendre ce mécanisme dans les cellules, mais ils ont discuté et partagé des données non publiées — parfois lors d’une réunion scientifique, parfois au bar, révèle Kaelin. L’article scientifique de Semenza décrivant la protéine qui réagit à un manque d’oxygène a déjà été cité des milliers de fois, mais il avait été rejeté par de nombreux journaux réputés.
« Nous avons soumis nos travaux à ces soi-disant journaux de premier plan. Ils n’ont pas trouvé le sujet suffisamment intéressant pour justifier sa publication » explique Semenza. Aujourd’hui, certaines des applications les plus intéressantes de la recherche concernent le cancer. Les cellules situées au centre d’une tumeur peuvent prospérer dans un environnement dépourvu d’oxygène, loin des vaisseaux sanguins qui transportent l’oxygène.
Sur le même sujet : Cancer : comment camoufler les molécules chimiothérapeutiques pour tromper les tumeurs ?
La survie des cellules cancéreuses en milieu anoxique
La chimiothérapie traditionnelle ou les traitements de radiothérapie tuent généralement les cellules tumorales situées à la périphérie, pas celles du centre, qui se sont adaptées à un environnement pauvre en oxygène, explique Qing Zhang, biologiste au centre médical Southwestern de l’Université du Texas.
Les cellules résistantes qui survivent peuvent former des métastases pour provoquer de nouveaux cancers, l’un des plus grands défis auxquels sont confrontés les patients et les oncologues. « La question fondamentale est de savoir comment les cellules cancéreuses peuvent survivre au manque d’oxygène et comment ce qui ne les tue pas peut les rendre plus fortes » déclare Zhang.
Randall Johnson, membre de l’Assemblée Nobel, a comparé la machinerie moléculaire découverte par les médecins à un commutateur garantissant que le corps a toujours le bon niveau d’oxygène.
Bien que cette découverte ait des applications médicales, Kaelin explique que le prix souligne l’importance de faire de la recherche pour la curiosité et démêler la biologie fondamentale. Avec les autres chercheurs, il espérait, sans le savoir, que comprendre la façon dont les cellules perçoivent l’oxygène pouvait donner naissance à de nouvelles approches pour lutter contre les maladies humaines, notamment les accidents vasculaires cérébraux et le cancer.