Le problème de la taille du proton est une question physique actuellement sans réponse — le problème concerne plus précisément son rayon de charge. Avant 2010, les mesures effectuées sur la taille du proton donnaient des résultats quasiment identiques et convergeaient vers une valeur particulière. Cependant, en 2010, de nouvelles mesures ont révélé une valeur plus petite que les précédentes. L’origine de cet écart est aujourd’hui activement débattue.
La mesure du rayon de charge du proton fait historiquement intervenir deux méthodes différentes. La première, la méthode par spectroscopie, utilise les niveaux d’énergie des électrons atomiques, l’énergie de ces niveaux étant liée au rayon du noyau atomique. Dans le cas de l’hydrogène, dont le noyau est composé d’un seul proton, la mesure de ces niveaux d’énergie permet de déterminer la taille du proton (le rayon de charge).
La spectroscopie donne une valeur de (8.768 ± 0.069)×10−16 m, avec 1% d’incertitude. La seconde, la méthode par diffusion électronique, consiste à projeter des électrons contre le proton et, en analysant la façon dont ce dernier diffuse les électrons, à déterminer la taille de celui-ci. La diffusion électronique donne une valeur de (8.775 ± 0.005)×10−16 m. En combinant ces deux résultats, le Comité de Données pour la Science et la Technologie (CODATA) retient donc la valeur de 0.877 ± 0.007 fm pour le rayon de charge du proton.
Toutefois, en 2010, une équipe de physiciens de l’Institut Paul Scherrer dirigée par Randolf Pohl, publie les résultats d’une nouvelle mesure de la taille du proton grâce à une troisième méthode. Les physiciens ont utilisé de l’hydrogène muonique, c’est-à-dire un atome d’hydrogène dont l’électron a été remplacé par un muon. La masse du muon amène celui-ci à orbiter 207 fois plus près du proton (noyau) que l’électron, une méthode dérivée de la spectroscopie permet donc d’obtenir une mesure précise de la taille du proton, grâce à sa proximité avec le muon.
L’analyse des résultats a révélé une taille du proton de 0.842 ± 0.001 fm, soit une valeur de 4% inférieure aux précédentes, avec une incertitude de 0.1%. De nouvelles mesures utilisant des électrons ont par la suite été réalisées et ont permis de diminuer la valeur précédente jusqu’à (8.751±0.061)×10−16 m, avec une incertitude de mesure encore plus basse, creusant d’autant plus l’écart avec la valeur déterminée par l’équipe de Pohl.
En 2016, Pohl effectue une nouvelle mesure du rayon de charge du proton en utilisant du deutérium muonique. Ce protocole expérimental a permis d’atteindre une précision 2.7 fois plus importante qu’en 2010, et a de nouveau confirmé l’écart existant. En 2017, le physicien allemand mène une nouvelle expérience de mesure en utilisant un atome d’hydrogène excité par deux sources laser différentes ; en mesurant l’énergie émise par les électrons retombant au niveau de plus basse énergie, les physiciens ont pu calculer la constante de Rydberg pour ensuite déterminer la taille du proton. La valeur s’est encore une fois révélée être 5% inférieure à celle retenue par le CODATA.
Actuellement, cette différence entre les mesures n’est toujours pas expliquée et constitue un domaine de recherche actif. Le principal objectif des physiciens est de répliquer les résultats de mesure de Pohl afin de confirmer ou non l’existence d’une anomalie.
Certains chercheurs ont déjà commencé à proposer des hypothèses expliquant potentiellement cet écart : l’interaction entre la gravité et la force faible, la présence de dimensions supplémentaires, interaction dépendante de la saveur des particules, l’existence d’un nouveau boson ou encore l’hypothèse du π+ quasi-libre. Pour Pohl, même si l’intervention d’une nouvelle physique serait intéressante, l’explication se trouve certainement dans la détermination incorrecte de la constante de Rydberg par les expériences précédentes.