Un procédé bat des records pour transformer le CO₂ en ressource de grande valeur

Le CO2 a été converti en alcool allylique, un composé aux larges applications industrielles.

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| Jaeyoung Lee
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Des chercheurs sud-coréens ont mis au point un nouveau procédé électrochimique permettant de convertir le CO₂ en alcool allylique, un composé aux nombreuses applications industrielles, avec un rendement record. Ils ont notamment atteint un rendement Faraday de 66,9 %, soit environ quatre fois supérieur aux rendements des meilleures techniques existantes. La technique pourrait ouvrir la voie à une mise à l’échelle industrielle du recyclage du CO₂ en produits chimiques utiles, un défi de longue date pour les technologies de ce type.

Alors que les émissions de carbone atteignent des niveaux record et que le réchauffement climatique qui en résulte se fait toujours plus sentir, le développement de technologies permettant de recycler le CO₂ devient urgent. Conformément aux objectifs mondiaux pour la neutralité carbone, les techniques de transformation du CO₂ en carburants ou autres produits chimiques utiles suscitent un intérêt croissant.

En particulier, les techniques permettant la conversion du CO₂ en composés à base d’alcool (avec au moins trois atomes de carbone) sont prometteuses en raison de la haute valeur économique de ces produits. En effet, la production conventionnelle de ces composés repose sur des procédés tels que le craquage catalytique, la distillation du pétrole brut et l’oligomérisation. Or, ces méthodes sont fortement dépendantes de ressources fossiles et nécessitent des procédés très énergivores, ce qui entraîne des émissions de carbone substantielles.

En revanche, la conversion du CO₂ en composés multicarbonés par le biais de procédés électrochimiques constituerait une alternative plus durable, surtout si elle est alimentée par des sources d’énergie renouvelables. D’autre part, ces procédés s’effectuent dans des conditions douces ou ambiantes, réduisant ainsi significativement les besoins énergétiques. Cependant, malgré son potentiel, la technique se heurte à des difficultés d’application à l’échelle industrielle.

Des chercheurs de l’Institut des sciences et technologies de Gwangju (GIST), en Corée du Sud, ont réalisé une avancée significative dans le domaine en atteignant un record dans la conversion électrochimique du CO₂ en composé multicarboné, notamment en alcool allylique (C 3 H 6 O), utilisé comme matière première essentielle dans diverses industries telles que les plastiques, les adhésifs, les stérilisateurs et les parfums.

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Résumé graphique de l’étude. © Minjun Choi et al.

Un rendement 4 fois plus élevé que les techniques précédentes

La conversion électrochimique du CO₂ en composés multicarbonés s’est longtemps heurtée à plusieurs défis. L’un des défis est leur incapacité à fournir un rendement de Faraday élevé. Le rendement de Faraday se définit par le rapport entre la quantité de composé réellement produit et la quantité théoriquement attendue. Pour les méthodes de conversion existantes, moins de 15 % de l’énergie électrique utilisée sert effectivement à produire le composé souhaité, tandis que le reste est gaspillé.

De plus, la réaction est complexe et les composés intermédiaires présentent une faible stabilité, augmentant l’inefficacité du procédé. « L’alcool allylique (C 3 H 6 O) est une substance très utile qui peut être utilisée dans diverses réactions chimiques, mais la production de ces composés à haute valeur ajoutée à l’état liquide est difficile en raison de la formation complexe de liaisons carbone-carbone (C–C) et de la faible stabilité de l’intermédiaire réactionnel », explique dans un communiqué Jaeyoung Lee, qui a dirigé l’étude publiée dans la revue Nature Catalysis.

La nouvelle technique développée par les chercheurs consiste à utiliser un catalyseur au cuivre enrichi en phosphore, du phosphure de cuivre (Cu₃P), au sein d’un assemblage membrane-électrodes, ainsi qu’un catalyseur d’oxydation nickel-fer (NiFe). Cela a permis d’atteindre un rendement de Faraday de 66,9 %, indiquant la bonne sélectivité du catalyseur.

En outre, la technique a démontré une densité de courant partiel de 735,4 mA·cm −2 et un taux de production de 1 643 μmol·cm −2 h −1 dans un procédé appliquant 1 100 mA·cm⁻² sur la surface de l’électrode. D’après l’équipe, ces mesures représentent les performances les plus élevées enregistrées à ce jour pour ce type de technologie.

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Système d’électrolyse du CO2 pour la production de composés multicarbonés. © Minjun Choi et al.

Un bon potentiel d’application à grande échelle

Les résultats de l’équipe suggèrent un bon potentiel d’application à grande échelle pour la nouvelle technique. Alors que les méthodes précédentes s’appuient sur un processus utilisant le monoxyde de carbone, cette technique suit une nouvelle voie réactionnelle au cours de laquelle les liaisons carbone-carbone se forment par la conversion d’un groupement intermédiaire du formiate en formaldéhyde. D’après les chercheurs, cela augmenterait significativement la valeur économique des produits obtenus car ils sont produits directement à partir de liquides plus faciles à stocker et à transporter.

« Cette technologie de conversion du CO₂ pourrait ouvrir de nouvelles perspectives commerciales aux industries du charbon, de la pétrochimie et de l’acier, confrontées à des pressions croissantes en matière d’émissions », suggère Lee. « Nous la considérons comme une étape vers une production plus neutre en carbone grâce à des technologies améliorées », ajoute-t-il.

Par ailleurs, l’approche pourrait être améliorée en utilisant des systèmes d’assemblage membrane-électrode à flux continu, de sorte à permettre une production évolutive de produits chimiques utiles à partir du CO₂. « Ces résultats, à la pointe de la recherche sur la réduction électrochimique du CO₂, marquent une étape vers la production durable de produits chimiques », concluent les chercheurs dans leur document.

Source : Nature Catalysis
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