Alliées du bien-être domestique grâce à leurs effluves de pin, de vanille ou d’agrumes, les bougies parfumées, cires fondues et autres désodorisants connaissent un véritable engouement. Cependant, une étude récente met en lumière un impact méconnu : en modifiant la composition chimique de l’air intérieur, ces produits génèrent une pollution parfois comparable à celle des moteurs diesel. En cause, des particules nanométriques si fines qu’elles s’infiltrent profondément dans les poumons, avec des risques notables pour la santé.
Dès leur apparition sur le marché, les bougies parfumées ont séduit par leur double fonction : allier esthétique et diffusion d’une atmosphère olfactive apaisante. Pourtant, nombre d’utilisateurs ont signalé des maux de tête, des irritations oculaires ou des gênes respiratoires après une exposition prolongée, suscitant l’intérêt des chercheurs.
Plusieurs études ont été menées afin d’évaluer leurs effets sur la qualité de l’air intérieur. Parmi elles, celles réalisées en décembre 2024 par l’Université de Galway et l’University College Cork ont révélé que ces produits émettent des composés organiques volatils (COV) et des particules fines. Dans des espaces mal ventilés, des polluants tels que le formaldéhyde peuvent atteindre des niveaux préoccupants pour les voies respiratoires.
Bien que les cires parfumées soient une alternative aux bougies, sans flamme ni fumée, leur innocuité reste à démontrer. C’est précisément la question qu’a explorée une équipe de chercheurs de l’Université Purdue, qui a mis en évidence la libération de particules nanométriques par ces produits, posant un risque pour la santé respiratoire.
« Une forêt est un environnement vierge, mais si vous tentez de la recréer chez vous avec des produits d’aromathérapie et de nettoyage à base de parfums chimiques, vous générez en réalité une pollution intérieure conséquente, nuisible à votre santé », souligne Nusrat Jung, professeure adjointe à la Lyles School of Civil and Construction Engineering de l’Université Purdue et co-auteure de l’étude. Dans un communiqué, elle précise, aux côtés de Brandon Boor, professeur de génie civil, que l’air intérieur peut contenir des concentrations de nanoparticules comparables à celles de l’atmosphère urbaine polluée.
Une réaction chimique propice à la formation de nanoparticules
Les recherches antérieures avaient déjà montré que les cires parfumées et autres diffuseurs libèrent des terpènes, des composés odorants qui réagissent avec l’ozone ambiant, favorisant la formation de nanoparticules. Plus concentrées en huiles parfumées que les bougies classiques, ces cires émettent davantage de terpènes, accentuant le phénomène. Par ailleurs, d’autres sources comme les diffuseurs d’huiles essentielles, les assainisseurs d’air et les désinfectants s’avèrent être d’importants générateurs de ces particules ultrafines.
Pour analyser précisément ce phénomène, les chercheurs ont mené leur étude au sein du laboratoire zEDGE (zero-Energy Design Guidance for Engineers), une « micro-maison » instrumentée en capteurs de pointe et dirigée par Jung depuis 2020. Ce cadre expérimental a permis d’observer la formation et l’évolution des particules en suspension dans un environnement domestique.
« Pour comprendre le processus, nous avons mesuré les plus petites nanoparticules, jusqu’à un nanomètre de diamètre. Cela nous a permis d’étudier leur formation dès les premières étapes, lorsqu’elles naissent des interactions entre parfums et ozone », explique Brandon Boor. « Ces particules évoluent ensuite rapidement et se transforment dans l’air que nous respirons », poursuit-il.
Les résultats sont préoccupants : les bougies parfumées et cires fondues émettent des concentrations alarmantes de nanoparticules, dont la taille, inférieure à 100 nanomètres, leur permet de pénétrer profondément dans l’organisme. Leur densité dans l’air intérieur dépasse fréquemment un million de particules par centimètre cube, un niveau équivalent aux émissions des moteurs diesel et des cuisinières à gaz. À l’inverse, l’expérience a montré qu’aucune émission significative n’était détectée lors de la chauffe de cires non parfumées.
L’étude a par ailleurs analysé le taux d’inhalation de ces particules : jusqu’à 483 millions d’entre elles peuvent être inspirées chaque seconde, avec un dépôt massif dans les voies respiratoires supérieures. De par leur extrême finesse, elles sont susceptibles d’atteindre la circulation sanguine, voire des organes sensibles comme le cerveau.
Si les conséquences précises sur la santé nécessitent encore des recherches approfondies, les chercheurs soulignent la rapidité de formation et la concentration élevée de ces particules dans l’air intérieur. « Nos travaux démontrent que les produits parfumés ne se contentent pas de diffuser une fragrance agréable : ils modifient activement la chimie de l’air intérieur, générant des nanoparticules à des niveaux préoccupants pour la santé », conclut Jung.