L’initiative Breakthrough Starshot est un projet ambitieux visant à envoyer des centaines de minuscules vaisseaux propulsés par photovoile vers les étoiles et systèmes potentiellement habitables les plus proches. Pour ce faire, les scientifiques ambitionnent de créer un laser d’une puissance de 100 gigawatts afin que ces vaisseaux puissent atteindre 20% de la vitesse de la lumière.
Parmi les fondateurs et collaborateurs de Starshot, citons le regretté Stephen Hawking, l’astronome Avi Loeb de l’Université Harvard et le milliardaire russo-américain Yuri Milner. Le concept repose sur plus de 80 études scientifiques sur les voyages interstellaires. Milner et d’autres investisseurs de la Silicon Valley ont même déboursé 100 millions de dollars US pour couvrir les dix premières années de recherche et développement.
« Ils nous ont demandé d’étudier différentes approches pour envoyer un objet vers une autre étoile » déclare Peter Klupar, directeur technique de la fondation à but non lucratif Breakthrough et de son initiative Starshot. « Nous avons fini par décider que la seule façon crédible de le faire aujourd’hui était de construire un grand laser basé probablement au Chili ».
Le projet espère propulser environ 1000 minuscules vaisseaux spatiaux « StarChip » vers Alpha du Centaure (Alpha Centauri), le système stellaire le plus proche de la Terre, à 20% de la vitesse de la lumière. Chaque vaisseau pèserait 1 gramme ou moins.
Un laser de 100 gigawatts pour voyager vers les étoiles les plus proches
Une autre destination à l’étude est Proxima Centauri, qui est encore plus proche de la Terre et pourrait posséder une planète habitable. Dans les deux cas, les StarChips pourraient commencer à s’échapper du Système solaire au milieu des années 2030. Chacun d’eux accéderait en quelques minutes à sa vitesse de croisière grâce au puissant faisceau laser projeté dans l’espace depuis la Terre.
Mais Klupar a noté qu’un projecteur laser de 100 gigawatts serait assez puissant pour « enflammer une ville entière en quelques minutes » s’il était réfléchi par un miroir dans l’espace et de nouveau sur Terre. Mais vaporiser des villes n’est pas l’objectif du projet. Si le plan fonctionne, les vaisseaux pourraient envoyer à l’humanité les premières photos rapprochées de mondes de la taille de la Terre d’ici les années 2060 (le voyage prendrait environ 25 ans, puis la réception des données nécessiterait 4 années supplémentaires, selon la destination).
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Starshot a été dévoilé en 2016 et Klupar a déclaré que les travaux sur le projet avaient bien avancé depuis. « On pourrait penser que tout cela est impossible, mais des employés de Caltech, de l’Université de Southampton et de l’Université d’Exeter travaillent actuellement sur une cinquantaine de contrats pour que tout cela se produise » indique Klupar. « Personne n’a identifié d’obstacles que nous ne puissions contourner pour le moment. Tout semble réel ».
Un projet ambitieux semé d’obstacles techniques
Klupar et les autres ne se font toutefois pas d’illusions sur les nombreux obstacles de Starshot. Même les propres études du projet font régulièrement place à des impasses. Une partie de la recherche interne s’inquiète du coût potentiellement insoutenable de la construction d’une installation laser.
D’autres documents analysent le concept de photovoile : une voile qui capterait le faisceau laser et convertirait son énergie en mouvement. Certains chercheurs se demandent si une telle voile se désagrégerait sous l’effet de la chaleur ou d’une accélération abrupte (environ 60’000 fois la force de gravité exercée à la surface de la Terre). Il y a également un risque que la voile dirige un StarChip complètement en dehors de la trajectoire initiale.
« La voile est très fine. Elle a une épaisseur d’environ 400 atomes, pèse environ un demi-gramme et fait quatre mètres de diamètre » explique Klupar. « Je l’imagine comme une « brume réfléchissante » ».
Il y a aussi le problème du gaz et de la poussière qui se cachent entre les étoiles ; un tel milieu pourrait transformer un engin spatial à mouvement rapide en passoire. Néanmoins, les ingénieurs et les scientifiques de Starshot voient des solutions à tous ces problèmes (par exemple, accepter qu’une majorité d’engins spatiaux n’arriveront pas), ou pensent que les progrès technologiques futurs pourraient résoudre nombre de problèmes en quelques décennies.
Des « sprites » comme preuves de concept
Comme exemple de progrès démontrable, Klupar a mis en avant des satellites expérimentaux de 4 grammes, appelés « sprites », construits et testés par Cornell. En juin 2017, une flotte de six sprites est montée dans l’espace à bord d’une fusée de fabrication indienne. « Ce premier jet était juste un test destiné à déterminer si cela fonctionnerait » déclare Klupar.
Le lancement a été un succès — les sprites ont utilisé un capteur de température et ont transmis les données à la Terre avec un signal radio. Ce minuscule vaisseau spatial pourrait être considéré comme un précurseur de StarChips selon Klupar.
« Cela ressemble beaucoup à ce que CubeSats proposait il y a 20 ans », faisant référence à un vaisseau spatial de la taille d’une boîte, qui est omniprésent aujourd’hui. « Les gens disaient : Ce sont des jouets, ils ne deviendront jamais rien. Et aujourd’hui, regardez-les : des centaines de millions de dollars sont dépensés sur les CubeSats ».
Starshot souhaite lancer plus de sprites de 4 grammes l’année prochaine, mais avec quelques améliorations significatives qui seront essentielles au développement d’un StarChip. Ces sprites comporteront des caméras et d’autres instruments de mesure élaborés afin d’approfondir les tests.
Klupar a déclaré que les cinq prochaines années de travail de Starshot seraient consacrées à apprendre à assembler ces systèmes de manière à ce qu’ils fonctionnent comme Starshot l’envisage. Mais avant que les vaisseaux n’atteignent les systèmes stellaires Centauri, leur cible est beaucoup plus proche : le Système solaire.
Voile et laser : atteindre Mars en seulement quelques jours
Vers 2030, le projet espère construire une station de base comportant un faisceau laser d’1 gigawatt, quelque part dans les montagnes de la Sierra Nevada (à condition d’obtenir des fonds supplémentaires). Une telle installation testerait ensuite les concepts des missions StarChip interstellaires à commande laser, mais à un coût environ 10 fois inférieur. L’idée est de propulser les sondes au-delà des planètes, des lunes, des astéroïdes et plus encore, à 1% de la vitesse de la lumière.
« Il s’avère qu’avec un laser de 1 gigawatt et une voile de 10 mètres, vous pouvez vous rendre sur Mars en quelques jours, sur Jupiter en quelques semaines, ou sur Pluton en quelques mois » explique Klupar. Il estime que l’effort total coûterait environ un milliard de dollars, la majeure partie de l’investissement étant consacrée au laser. Une fois cette installation construite, l’exploration simple et fréquente dans l’espace lointain pourrait être relativement peu coûteuse.
Selon une étude préliminaire réalisée par un chercheur de Starshot, chaque lancement d’un StarChip à travers le Système solaire peut coûter des dizaines de milliers de dollars, voire seulement des milliers de dollars. Cette estimation suppose des baisses optimistes du coût des lasers, de l’énergie et du stockage de l’énergie, mais cela s’avère toujours moins coûteux que le milliard de dollars généralement requis pour envoyer un robot sur une autre planète.
La variante StarChip conçue pour notre Système solaire serait d’environ 100 grammes, a déclaré Klupar — environ 100 fois plus massive que le type interstellaire. Mais il a ajouté que le lancement de tout StarChip nécessiterait la participation de nombreux pays et son approbation.
En effet, lancer un faisceau laser de 1 gigawatt dans l’espace est non seulement lumineux, mais pourrait également endommager les satellites de passage (ce qui pourrait notamment poser un problème pour les « constellations » planifiées d’Internet par satellite, tels que le projet Starlink de SpaceX). Avec le projet interstellaire Starshot, la nécessité d’une collaboration mondiale est encore plus importante.
« Le laser de 100 gigawatts peut être vu à travers la galaxie. Il sera plus brillant que le soleil. Une telle émission laser transformerait la Terre en un phare brillant qui diffuserait à haute voix « La vie intelligente existe ici ! », pour toute civilisation extraterrestre qui regarderait en direction de notre planète » conclut Klupar.