Si actuellement aucun indice concret ne permet d’envisager l’existence de civilisations extraterrestres, l’Homme a tout de même commencé à élaborer des protocoles visant à gérer la détection et le potentiel premier contact avec l’une d’elles. Appelés « protocoles post-détection » (PDD), ces ensembles de règles et lignes directrices visent à encadrer la réponse des politiques et des institutions à un tel événement.
Selon la collaboration scientifique SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence), le rôle des protocoles post-détection est de constituer un ensemble de règles et lignes directrices concernant « la détection, l’analyse et la réponse » à des signaux ou messages dont l’origine confirmée serait une civilisation extraterrestre. Actuellement, si aucun PPD n’a été adopté de manière officielle et réglementaire par des organismes gouvernementaux, les membres de l’ONU ont toutefois intégré certaines de ces recommandations.
Les protocoles post-détection : encadrer la découverte de l’existence d’une intelligence extraterrestre
Toutefois, la communauté scientifique oeuvre à l’élaboration de plans d’action rapides et cohérents, dont le plus abouti est la « Déclaration de principes relative aux activités après la détection du renseignement extraterrestre ». Cette dernière a été développée par l’Académie Internationale d’Astronautique (IAA, une ONG réunissant plusieurs universités, laboratoires et centres technologiques) en collaboration avec le programme SETI, la Fédération Internationale d’Astronautique et l’Institut International du Droit Spatial. En 1992, elle est officiellement adoptée par le Comité International de la Recherche Spatiale et par l’Union Astronomique Internationale. Cette déclaration a également été envoyée à tous les gouvernements membres de l’ONU, ainsi qu’à différentes ONG.
D’autres ébauches de PPD ont également été élaborées. En 1960, la NASA commande un rapport à la Brookings Institution (un groupement de scientifiques américains réfléchissant sur des questions sociales, économiques, politiques et éthiques) concernant les activités humaines dans le domaine spatial. Intitulé « Proposed Studies on the Implications of Peaceful Space Activities for Human Affairs », le rapport Brookings contient une section nommée « Implications de la découverte d’une vie extraterrestre », proposant plusieurs scénarios post-détection destinés aux gouvernements ainsi que les circonstances sous lesquelles une telle information devrait ou non, être révélée au public.
En règle générale, les PPD se basent sur les recherches théoriques et expérimentales menées par les projets SETI, Active SETI (ou METI pour Messaging to Extra-Terrestrial Intelligence) et CETI (Communication with ExtraTerrestrial Intelligence). Ces recherches ne concernent pas la découverte d’une vie extraterrestre non-intelligente (unicellulaire, microbienne, végétale, etc) dont les aspects relèvent plus spécifiquement de l’astrobiologie et de la protection/contamination planétaire. Elles s’orientent plutôt vers la détection et l’analyse de signaux radioélectriques (ondes électromagnétiques de basse énergie), qui constituent classiquement la technosignature d’une civilisation maîtrisant des systèmes de communication.
En 1990, le physicien, ingénieur et sociologue Zbigniew Paprotny (Société Polonaise d’Astronautique) publie un article dans le journal Acta Astronautica intitulé « Signals from ETI detected — What next ? » dans lequel il formule plusieurs suggestions concernant la gestion de la détection d’une civilisation extraterrestre. Il met en évidence trois facteurs, qui constituent aujourd’hui le pilier autour duquel s’articulent les PPD. Tout d’abord, la capacité des gouvernements et des populations à accepter la nouvelle de la détection d’une civilisation ET. Deuxièmement, la façon dont cette nouvelle est rendue publique et relayée. Troisièmement, l’intelligibilité du message contenu dans le signal.
La nécessité de déterminer l’importance d’un signal extraterrestre
Afin de gérer au mieux la détection ou le contact avec une civilisation extraterrestre, il est crucial de pouvoir jauger l’importance des signaux et des transmissions reçues. L’évaluation d’un signal est primordiale, car elle conditionne directement les actions à mener. Pour ce faire, les scientifiques ont élaboré deux échelles permettant de quantifier et qualifier l’importance de potentielles communications entre la Terre et une intelligence ET.
La première à avoir été élaborée est l’échelle de Rio, proposée par les astronomes Iván Almár et Jill Tarter afin de guider les politiques publiques dans le choix d’une réponse initiale appropriée, et sur l’évaluation des conséquences d’une potentielle détection. Officiellement adoptée par le Groupe d’Etude Permanent (PSG) du SETI à l’IAA, cette échelle — qui se base sur l’échelle de Turin utilisée pour évaluer la menace des astéroïdes géocroiseurs — possède un double objectif : encadrer les allégations de détection d’une civilisation extraterrestre et prévenir les faux-positifs, dont les conséquences pourraient être désastreuses. L’échelle va de 0 à 10.
La seconde échelle, proposée en 2005 par Iván Almár, est l’échelle de San Marino. Contrairement à l’échelle de Rio, elle permet de quantifier le risque lié aux transmissions volontaires depuis la Terre ; transmissions qui pourraient être captées et faire l’objet d’une réponse. Elle prend en compte l’intensité du signal et le message qu’il contient. Elle est officiellement adoptée par le PSG du SETI en septembre 2007. L’échelle de San Marino va de 1 à 10.
Au-delà de la qualification du signal et de son importance, d’autres paramètres entrent en jeu dans l’élaboration d’un PPD efficace. C’est particulièrement le cas du type et de la nature de la forme de vie découverte (morphologie, organisation), de la présence ou non d’un langage particulier et déchiffrable, de la localisation du signal, du contenu du message et de son implication, ainsi que de l’ouverture d’esprit des sociétés humaines. Ainsi, en fonction de ces variables, une grande variété de scénarios doivent être prévus, corrélés à des stratégies de communication contrôlée.
Prédiction, encadrement et gestion des réactions lors de l’annonce d’une détection extraterrestre
Le rôle d’un PPD est également de prédire et s’adapter aux conséquences socio-culturelles d’une détection ET confirmée. La presse, les religions, les populations, les gouvernements et la communauté scientifique sont autant d’acteurs dont les réactions sont variables et différèrent généralement les unes des autres. Il est ainsi crucial d’entreprendre des études socio-culturelles comparatives et d’agréger toutes les métadonnées possibles concernant les schémas comportementaux établis, les réactions historiques et les disparités religieuses, dans le but de pouvoir délivrer rapidement une information publique adaptée.
Une des solutions proposées lors du colloque international sur les implications sociales de l’astrobiologie de 1999, serait d’explorer la capacité des religions à « constituer une ressource permettant d’absorber l’impact d’une telle découverte et de maintenir des relations bénéfiques avec la civilisation détectée ».
Un PPD doit également tenir compte des motivations politiques des organes gouvernementaux, et prédire la façon dont des organisations politiques pourraient utiliser la nouvelle de la détection d’une intelligence ET à leur avantage. Les conséquences de cette nouvelle pourraient être minimisées ou accentuées, présentées comme bénéfiques pour l’espèce humaine ou, au contraire, comme dangereuse et nécessitant la méfiance.
Le PPD doit aussi encadrer la communication de la nouvelle, et la vitesse à laquelle celle-ci est transmise. En outre, tout PPD doit s’interroger sur le bien fondé d’une communication trop rapide. En règle générale, il est admis que si le contenu du message reçu est ambigu ou complexe à déchiffrer, l’information doit être retenue jusqu’à ce que l’ambiguïté soit levée ou que le message soit, à tout le moins partiellement, décrypté.
Un PPD doit également gérer la situation où la découverte serait effectuée par une entité gouvernementale qui se refuserait à partager l’information, une situation qui provoquerait un conflit politique international, d’autant plus si l’entité en question est la seule à posséder la technologie permettant de communiquer avec la civilisation ET.
Comprendre le signal et formuler une réponse : deux points clés de la gestion d’un premier contact
L’un des aspects importants à prendre en compte est l’opportunité d’une réponse depuis la Terre ainsi que le contenu de cette potentielle réponse. Cet aspect du PPD s’appuie fortement sur les recherches menées par le CETI, qui se consacre à l’étude et l’élaboration de moyens et plans de réponse à une intelligence ET.
Dans le cas où le message reçu nous serait intelligible, la première étape serait de lever toute ambiguïté possible, afin de s’assurer que le contenu du message a été correctement compris et appréhendé. La seconde étape serait alors de définir le moyen par lequel la réponse serait envoyée, ainsi que le contenu de cette réponse. En outre, si cette réponse peut être transmise par plusieurs acteurs, doit-elle être collective ou être à la discrétion de chacun ?
La réponse envoyée doit être également claire et sans ambiguïté. Elle doit être explicite et facilement appréhendée par une civilisation ne possédant ni langage écrit ni langage oral. Plusieurs scientifiques ont proposé des langages mathématique, algorithmique, pictural ou symbolique. Dans tous les cas, le contenu du message doit être suffisamment universel et simple pour être compris. Considérant que l’élaboration d’une réponse collective internationale pourrait être extrêmement longue, chaque PPD doit fournir des lignes directrices communes sur la conduite à tenir en cas de formulation d’une réponse.
Pour finir, un PPD doit s’interroger sur les implications de l’existence de disparités technologiques entre la Terre et une civilisation extraterrestre. Tout d’abord, il est possible qu’une différence technologique importante existe entre nos instruments de communications astronomiques, conditionnant la qualité et l’intégrité des messages échangés. En outre, cette différence technologique peut également exister au niveau de l’armement. Dans ce cas, il serait alors potentiellement dangereux de révéler à une intelligence ET les coordonnées exactes de la Terre, notamment si ses intentions ne sont pas clairement perceptibles.