L’étude de la distribution de la matière et, plus généralement, des grandes structures de l’Univers, est un domaine important en cosmologie, car il permet de mieux contraindre les modèles théoriques décrivant l’évolution et la dynamique de notre univers, mais également de comprendre la manière dont celui-ci est globalement agencé. Ce modèle d’organisation structurelle prend le nom de « toile cosmique ».
En 1956, l’astrophysicien franco-américain Gérard de Vaucouleurs, publie un article dans lequel il met en évidence la présence d’une organisation structurelle dans la distribution de plusieurs galaxies répertoriées dans le catalogue galactique de Shapley-Ames. Il donne à cette organisation le nom de « supergalaxie ». En 1981, les astrophysiciens russes V. Arnold , S. Shandarin et I. Zeldovich (université de Moscou) démontrent que cette distribution est le produit de l’effondrement gravitationnel de fluctuations primordiales de densité à grande échelle.
Avec l’amélioration des performances et de la sensibilité des instruments, les observations permettent d’affiner de plus en plus la structure de l’univers observable, jusqu’à mettre en exergue une organisation en réseau, les superamas de galaxies étant connectés par des filaments galactiques et séparés par des vides. Ces nombreux travaux, dont l’astrophysicien américain John Huchra a été l’un des pionniers, combinés à des simulations complexes, contribueront à l’apparition du terme de « toile cosmique » pour décrire la distribution filamenteuse de matière dans l’Univers.
La structure de la toile cosmique est aujourd’hui expliquée par le Modèle standard de la cosmologie, le modèle Λ-CDM. Dans ce modèle, à l’issue de l’inflation, les fluctuations quantiques primordiales se transforment en fluctuations de densité à grande échelle qui, sous l’effet de la gravité, ont façonné cette distribution homogène de matière dans l’Univers observable, tout en accompagnant son expansion. Les données recueillies par la mission Planck ont permis de détecter des traces de ces fluctuations de densité dans le fond diffus cosmologique.
La toile cosmique se décompose en plusieurs éléments constitutifs. Les superamas de galaxies comme Laniakea, la Chevelure de Bérénice ou encore le superamas de Persée-Poissons constituent les « points » du réseau. Ces points contiennent des « nœuds » qui sont des concentrations locales de masse comme le Grand Attracteur, le Mur Austral, le nœud d’Hercule ou le nœud du Lièvre.
Ces nœuds sont reliés entre eux par des filaments galactiques, c’est-à-dire des structures filiformes composées de galaxies ou d’amas de galaxies, tels que le filament de la Grande Ourse ou le filament de Persée-Pégase. Entre les filaments galactiques se trouvent des vides cosmiques, c’est-à-dire des zones dont la densité de matière est extrêmement faible, comme le Vide local ou le Vide du Bouvier.
Malgré sa relative précision, la représentation de la toile cosmique souffre de certains problèmes observationnels comme l’obscuration (le disque de la Voie lactée nous masque certaines zones de l’Univers), la quantité de galaxies qui diminue proportionnellement à la distance, ou encore des zones simplement inaccessibles aux instruments.
Pour contourner ces problèmes, les astrophysiciens établissent également une toile cosmique des vitesses (Cosmic V-Web) de la manière suivante : grâce aux vitesses des galaxies répertoriées dans le catalogue Cosmicflows-2, les scientifiques reconstruisent en 3D les différentes densités galactiques, puis construisent un tenseur de cisaillement permettant de décrire la manière dont les propriétés galactiques varient spatialement, et enfin utilisent ce tenseur pour reconstituer les parties manquantes de la toile cosmique.
La toile cosmique prend également en compte la distribution de matière noire dans l’Univers observable. Selon les modèles théoriques, celle-ci agit comme un « ciment galactique » et permet de stabiliser l’organisation structurelle hiérarchique de l’Univers sur les grandes échelles. Pour ce faire, les cosmologistes sont obligés d’effectuer de puissantes simulations intégrant les données actuelles sur la matière noire, afin d’obtenir une distribution 3D cohérente de la matière baryonique et de la matière noire.