Découverte d’un nouveau type d’anneau planétaire théoriquement « impossible », dans notre système solaire

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Vue d’artiste de l’anneau autour de Quaoar, avec à gauche sa lune Weywot et à droite le Soleil. | ESA, CC BY-SA 3.0 IGO
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Les anneaux planétaires sont observés autour des planètes géantes et des petits corps tels que le centaure Chariklo et la planète naine Haumea. Jusqu’à présent, tous les anneaux denses connus étaient situés suffisamment près de leur corps parent, empêchant les matériaux de s’agréger en un satellite. Récemment, des astronomes ont repéré une planète naine glacée nommée Quaoar, au-delà de Neptune, dont l’anneau se situe beaucoup plus loin de son corps que ne le prévoit la théorie de la limite de Roche, laissant les scientifiques perplexes.

Les systèmes d’anneaux sont relativement rares dans le système solaire. Outre les anneaux bien connus autour des planètes géantes Saturne, Jupiter, Uranus et Neptune, seules deux autres planètes mineures possèdent des anneaux — Chariklo et Haumea. Tous les systèmes d’anneaux connus sont capables de perdurer, car ils orbitent près du corps parent, de sorte que les forces de marée empêchent le matériau de l’anneau de s’accréter et de former des satellites naturels.

En effet, tout objet céleste avec un champ gravitationnel suffisant possède une limite dans laquelle un objet céleste s’approchant est mis « en pièces ». C’est ce qu’on appelle la limite de Roche. Des systèmes d’anneaux denses devraient exister à l’intérieur de la limite de Roche, ce qui est le cas pour Saturne, Chariklo et Haumea.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Récemment, pendant une pause dans l’observation des planètes autour d’autres étoiles, la mission CHaracterising ExOPlanet Satellite (Cheops) de l’ESA a observé une planète naine de notre système solaire, Quaoar, présentant un anneau dense de matière autour d’elle. Associé aux observations menées par un groupe international de chercheurs avec HiPERCAM — une caméra extrêmement sensible montée sur le plus grand télescope optique du monde à La Palma —, il est admis par tous que l’anneau de Quaoar ne devrait pas exister. En effet, ce dernier se trouverait en dehors de la limite théorique pour laquelle les anneaux sont considérés comme stables, remettant en question les théories actuelles sur la façon dont les systèmes d’anneaux sont formés. La découverte est publiée dans la revue Nature.

Une planète naine bien entourée

Quaoar fait partie d’une collection de petits mondes lointains connus sous le nom d’objets transneptuniens (TNO). Elle fait environ la moitié de la taille de Pluton et orbite autour du Soleil au-delà de Neptune. Mais l’étude de ces planètes naines est difficile, en raison de leur petite taille et de leurs distances extrêmes. Quaoar se situe par exemple à près de 44 fois la distance Soleil-Terre.

C’est pourquoi les scientifiques utilisent un outil particulièrement précieux : les occultations, lorsque la lumière d’une étoile est occultée par le passage d’un objet céleste. Les données obtenues permettent de savoir si l’objet en question possède une atmosphère par exemple.

Ainsi, l’anneau a été découvert grâce à une série d’observations qui ont eu lieu entre 2018 et 2021. À l’aide d’une collection de télescopes au sol, dont le Gran Telescopio Canarias de 10,4 mètres de diamètre (GTC) à La Palma et du télescope spatial Cheops, les astronomes ont observé Quaoar passant devant une succession d’étoiles lointaines, bloquant brièvement leur lumière durant le passage.

Ces événements ont duré moins d’une minute, mais ont tous été précédés et suivis de manière inattendue par deux baisses de lumière, indiquant un système d’anneaux autour de Quaoar.

La clarté des données de Cheops

Bruno Morgado, de l’Universidade Federal do Rio de Janeiro (Brésil), a dirigé l’analyse et combiné les données de Cheops avec celles de grands observatoires du monde entier et de citoyens scientifiques amateurs, qui avaient tous observé diverses étoiles occultées par Quaoar au cours des dernières années.

Néanmoins, la clarté des données de Cheops s’est avérée décisive pour reconnaître le système d’anneaux de Quaoar, car elle a permis aux chercheurs d’éliminer la possibilité que les baisses de lumière aient été causées par un effet parasite dans l’atmosphère terrestre.

B. Morgado déclare dans un communiqué de l’ESA : « Quand nous avons tout assemblé, nous avons vu des baisses de luminosité qui n’étaient pas causées par Quaoar, mais qui indiquaient la présence de matière sur une orbite circulaire autour de lui ».

Un anneau qui remet en question les théories actuelles

Ce qui rend le système d’anneaux autour de Quaoar remarquable est qu’il se trouve à une distance de plus de sept rayons planétaires — deux fois plus loin que ce que l’on pensait auparavant être le rayon maximum selon la « limite de Roche ».

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Illustration montrant l’emplacement des anneaux de la planète naine Quaoar, par rapport à la limite de Roche, qui était jusqu’ici considérée comme la distance maximale à laquelle les anneaux planétaires pouvaient se former. © Observatoire de Paris/Live Science

Selon la pensée conventionnelle, tout objet céleste avec un champ gravitationnel appréciable possède une limite dans laquelle un objet céleste s’approchant est mis en pièces, comme mentionné précédemment. De plus, les anneaux au-delà de la limite de Roche fusionneraient le cas échéant en une petite lune, en quelques décennies seulement. Des systèmes d’anneaux denses devraient exister à l’intérieur de la limite de Roche. À titre de comparaison, les anneaux principaux autour de Saturne se situent dans trois rayons planétaires. Cette découverte a donc obligé à repenser les théories de la formation des anneaux.

Giovanni Bruno, de l’Observatoire d’astrophysique de l’INAF à Catane, en Italie, explique : « Donc, ce qui est si intrigant dans cette découverte autour de Quaoar, c’est que l’anneau de matière est beaucoup plus éloigné que la limite de Roche ne le permet ». Il ajoute : « À la suite de nos observations, la notion classique selon laquelle les anneaux denses ne survivent qu’à l’intérieur de la limite de Roche d’un corps planétaire doit être complètement révisée ».

Le professeur Vik Dhillon, co-auteur de l’étude du département de physique et d’astronomie de l’Université de Sheffield et son équipe, expliquent dans un communiqué que l’anneau de Quaoar s’est formé de la même manière que les autres anneaux du système solaire : les collisions de lunes en orbite autour de la planète mère ont créé des débris qui se sont déposés dans un anneau composé de particules de roche, de glace et de poussière.

Les premiers résultats suggèrent que les températures glaciales de Quaoar pourraient jouer un rôle en empêchant les particules de glace de se coller. En effet, ce revêtement extérieur glacé engendre des collisions élastiques. Il s’agit de collisions dans lesquelles deux objets rebondissent l’un sur l’autre plutôt que de s’agglutiner, comme une balle en caoutchouc frappant le sol. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour établir le mécanisme de formation de ce système d’anneaux et sa persistance.

Source : Nature

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