Le Royaume-Uni est le premier pays à avoir donné son feu vert au vaccin anti-COVID-19 développé par Pfizer et BioNTech. Ainsi, cette semaine, le pays a entamé une campagne de vaccination : le produit a été administré pour la première fois à des individus en dehors du cadre des essais cliniques, uniquement à des soignants et des personnes âgées pour le moment. Or, deux personnes au profil allergique ont particulièrement mal réagi au produit ; elles sont aujourd’hui hors de danger, mais l’événement suscite des interrogations sur la composition exacte de ce vaccin.
Les résultats complets des essais de l’alliance Pfizer-BioNTech viennent d’être publiés, dans le New England Journal of Medicine, une prestigieuse revue médicale américaine. La revue corrobore la grande efficacité du vaccin BNT162b2 : deux doses confèrent une protection de 95% contre la COVID-19 chez les personnes de 16 ans ou plus. Un comité d’experts de la Food and Drug Administration (FDA) a dès lors commencé à examiner les données, afin de pouvoir se prononcer sur une éventuelle autorisation de mise sur le marché.
Mais depuis quelques mois, plusieurs rumeurs encadrent les vaccins anti-COVID-19. Des rumeurs plus ou moins farfelues : Bill Gates aurait l’intention d’y introduire des micropuces (une théorie du complot soutenue par 44% des Américains républicains) ; l’utilisation de luciférase — une enzyme luminescente qui permettrait de distinguer rapidement les personnes vaccinées des non-vaccinées — est assimilée à un produit du diable ; les vaccins à ARN changeraient notre ADN pour nous transformer ; etc…
Une liste d’ingrédients pas si compliquée
Dans un rapport de la FDA, il est possible de prendre connaissance de la composition exacte du vaccin de Pfizer-BioNTech : « The vaccine contains a nucleoside-modified messenger RNA (modRNA) encoding the viral spike glycoprotein (S) of SARS-CoV-2. The vaccine also includes the following ingredients: lipids ((4-hydroxybutyl)azanediyl)bis(hexane-6,1-diyl)bis(2-hexyldecanoate), 2-[(polyethylene glycol)-2000]-N,N-ditetradecylacetamide, 1,2-distearoyl-snglycero-3-phosphocholine, and cholesterol), potassium chloride, monobasic potassium phosphate, sodium chloride, dibasic sodium phosphate dihydrate, and sucrose ». En résumé, le vaccin contient un ingrédient actif (l’ARN messager modifié codant pour la protéine de pointe du SARS-CoV-2), des lipides, des sels et du saccharose.
Tout comme beaucoup d’étiquettes apposées sur les produits alimentaires du quotidien, la dénomination des ingrédients est incompréhensible pour quiconque n’a pas de diplôme en chimie ! Des spécialistes du MIT se sont donc chargés d’expliciter la liste de ces ingrédients, à commencer par le constituant principal : l’ARN messager (ou ARNm). Effectivement, ce vaccin est unique en son genre : jamais un vaccin à ARNm n’avait jusqu’à présent été autorisé pour un usage sur l’homme.
Dans l’organisme, le rôle de l’ARNm est de transporter les instructions génétiques destinées à l’assemblage des protéines. Pour élaborer ce vaccin, l’ARNm a été directement prélevé sur le SARS-CoV-2 et code pour sa protéine de pointe. Introduites dans les cellules humaines, ces dernières commenceront alors à synthétiser cette protéine, jusqu’à ce que l’ARNm finisse par se dégrader. Le système immunitaire va ainsi apprendre à reconnaître cette protéine virale et à la combattre. Notez bien que seule la protéine de pointe du coronavirus sera fabriquée par les cellules et non le virus tout entier ; par conséquent, il n’y a pas de risque d’infection. Ce composant est toutefois très fragile et requiert d’être conservé à très basse température (-73 °C environ).
Nos cellules étant dotées de moyens de défense, elles pourraient toutefois détruire cet ARNm étranger avant qu’il ne puisse accomplir sa tâche. Pour éviter cela, les concepteurs du vaccin ont remplacé certains composants par des « nucléosides modifiés » ; mais Pfizer n’a pas apporté plus de précision quant à la nature de la séquence d’ARNm remplacée, ni des nucléosides en question.
Du gras, du sel, du sucre et zéro conservateur !
Continuons avec les excipients. Les lipides correspondent aux nanoparticules utilisées pour encapsuler l’ARNm. Il s’agit de minuscules sphères graisseuses, d’environ 100 nanomètres de diamètre, qui protègent l’ARN tout en facilitant son insertion dans les cellules. Pfizer liste quatre lipides différents ; le principal est le 4-hydroxybutyl)azanediyl)bis(hexane-6,1-diyl)bis(2-hexyldecanoate), ou plus simplement, ALC-0315. Il s’agit d’un composé ionisable, autrement dit, il peut être chargé positivement ; l’ARN ayant une charge négative, les deux ont une grande affinité. Il s’agit également d’un excipient pouvant entraîner des effets secondaires, tels que des réactions allergiques. Les autres lipides contribuent à maintenir l’intégrité structurelle des nanoparticules.
Les quatre sels qui entrent également dans la composition du vaccin de Pfizer-BioNTech — dont le chlorure de sodium, qui est en fait du sel de table ordinaire — constituent ce que l’on appelle un « tampon phosphate salin » (ou PBS, pour phosphate buffered saline). Il s’agit d’une solution tampon couramment utilisée en biologie, dont le rôle est de maintenir le pH du produit à une certaine valeur (ici, au plus proche du pH plasmatique, qui se situe entre 7,35 et 7,45). Une substance qui n’aurait pas le même pH que le corps humain pourrait endommager les cellules.
La molécule de sucre, le saccharose, joue quant à lui le rôle de stabilisant et de cryoprotecteur : il protège les nanoparticules de lipides lorsqu’elles sont congelées (et les empêchent notamment de s’agglutiner). Le saccharose est lui aussi utilisé dans de nombreux vaccins. À noter également que le vaccin est mélangé à une solution saline, contenant du chlorure de sodium, à l’instar de nombreux médicaments qui sont administrés par voie intraveineuse. L’objectif étant que la substance injectée contienne la même concentration en sel que le sang humain, pour ne pas perturber l’équilibre osmotique.
Pfizer souligne par ailleurs que ce vaccin BNT162b2 ne contient aucun conservateur ; ceux-ci sont habituellement utilisés pour éviter toute contamination une fois le flacon ouvert, mais n’ont pas de réel intérêt lorsqu’il est prévu de conditionner le vaccin sous forme de doses uniques. Par le passé, le thiomersal (ou thimérosal), un conservateur utilisé dans plusieurs vaccins depuis les années 1930, a suscité quelques inquiétudes. Composé à 49% de mercure, il est susceptible d’entraîner de graves effets secondaires (on l’a notamment suspecté de causer l’autisme) ; bien qu’aucun risque neurologique n’a clairement été établi, les autorités sanitaires américaines et européennes ont finalement décidé de limiter son utilisation par prévention.
Voilà donc l’ensemble des composants qui seront introduits dans votre organisme si l’on vous administre le vaccin développé par Pfizer et BioNTech. Il se trouve que plusieurs de ces ingrédients se trouvent déjà dans le corps humain, ce qui est plutôt rassurant. À savoir que le comité de la FDA en charge des vaccins a voté en faveur d’une autorisation d’utilisation d’urgence, qui devrait être accordée dans les prochains jours. Après le Royaume-Uni, les États-Unis seront donc le deuxième pays à vacciner officiellement une partie de sa population contre la COVID-19.