Voyage à l’intérieur d’un trou noir
Juste avant de passer l’horizon des événements, un voyageur se retrouverait face à la sphère de photons. Tout corps peut se satelliser autour d’un objet massif à condition de posséder la vitesse adéquate. Plus le corps est proche de l’objet, plus sa vitesse est élevée. Un peu avant l’horizon des événements, le champ gravitationnel est si intense que la vitesse de satellisation atteint celle de la lumière dans le vide. La sphère de photons est donc une collection de photons orbitant autour du trou noir.
À ce stade, la survie du voyageur dépend du type de trou noir rencontré. Pour un trou noir stellaire, c’est-à-dire un trou noir peu massif, les forces de marées gravitationnelles sont extrêmement violentes. En effet, la taille d’un trou noir, plus précisément son rayon de Schwarzschild est donnée par la relation :
Avec « G » la constante gravitationnelle, « M » la masse du trou noir et « c » la vitesse de la lumière dans le vide. La taille d’un trou noir est donc directement proportionnelle à sa masse : plus un trou noir est massif, plus il est grand. Plus il est grand, plus l’espace entre la singularité (à l’origine du champ gravitationnel) et l’horizon des événements est grand. Donc, un trou noir supermassif est un trou noir peu dense et la gravité à sa périphérie est relativement faible. Au contraire, un trou noir peu massif est très dense et son champ gravitationnel périphérique est extrêmement puissant.
Dans le cas d’un trou noir stellaire, le voyageur se ferait « spaghetiffier », c’est-à-dire fortement étirer, puis déchiqueter jusqu’au niveau atomique bien avant d’atteindre l’horizon des événements. Dans le cas d’un trou noir supermassif, le voyageur poursuivrait sa chute à travers l’horizon des événements sans remarquer de changements notables autour de lui ni sur sa montre (son temps propre continue de s’écouler normalement). Cela est dû au principe d’équivalence d’Einstein, qui veut qu’il n’y ait aucune différence observable entre l’apesanteur et la chute libre.
À ce niveau là, si l’hypothèse du « mur de feu » (firewall) est correcte, l’explorateur est désintégré par un mur d’extrême énergie. En effet, en 2013, une équipe de physicien dirigée par Joe Polchinski publie un article proposant l’existence d’un mur d’énergie au niveau de l’horizon des événements, dans le cas où l’information serait effectivement conservée en mécanique quantique. Cependant, cette hypothèse ne fait aujourd’hui pas consensus au sein de la communauté scientifique, car elle irait contre le principe d’équivalence.
Au fur et à mesure que l’astronaute poursuit sa progression dans le trou noir, le diagramme espace-temps de Penrose montre que la géométrie de l’espace-temps se distord au point que les dimensions spatiales et temporelle s’inversent : il y a permutation de l’espace et du temps. L’explorateur pénètre dans le futur du trou noir et est inexorablement attiré vers la singularité centrale. Les photons absorbés accompagnent sa progression, lui donnant une image distordue de l’univers et conduisant à des aberrations optiques de plus en plus prononcées.
Les singularités gravitationnelles ne sont pas des objets physiques tangibles, mais leur présence indique simplement une limite mathématique de la relativité générale. Les équations d’Einstein ne sont pas capables de fournir une description cohérente de ces phénomènes et la solution indéfinie qui en ressort est une singularité. En effet, à cette échelle, la gravité est réputée être dominée par des effets quantiques.
Les théories de la gravité quantique actuelles suppriment l’existence des singularités gravitationnelles en les remplaçant par des phénomènes physiquement descriptibles. En théorie des supercordes, l’intérieur d’un trou noir est un condensat (agglomérat) de cordes entremêlées. Tandis qu’en gravité quantique à boucle, c’est un rebond quantique prévenant la formation d’une singularité. Dans les deux cas, l’observateur serait détruit par les effets gravitationnels extrêmes.
Un article publié en 2016 dans le journal Classical and Quantum Gravity propose une autre hypothèse. Les auteurs montrent que dans le cas d’un trou noir de Kerr-Newman, c’est-à-dire un trou noir en rotation chargé, pour une certaine valeur du ratio masse-charge, la singularité centrale disparaît et est remplacée par une zone aux propriétés finies. Dès lors, la géométrie de l’espace-temps est restaurée et s’apparente à une solution de type trou de ver. La matière absorbée par ce type de trou noir serait donc éjectée dans une autre zone de l’univers via un trou blanc. Cette hypothèse demeure toutefois spéculative et actuellement peu étayée.