Parmi les nombreux phénomènes météorologiques étranges, les pluies de sang occupent certainement le haut du podium. Elles se manifestent par des pluies colorées de nuances de rouge, couvrant généralement des zones limitées. Depuis plusieurs siècles ce phénomène est observé. Pourtant, ce n’est que récemment qu’un consensus scientifique a pu être établi quant à son origine.
La première mention des pluies de sang remonte à la Grèce antique dans l’Iliade du poète Homer, où Zeus fait pleuvoir du sang au cours d’une bataille. De la même manière, dans la Rome antique, les auteurs Tite-Live et Pline l’Ancien rapportent des cas de pluies de sang interprétées comme de mauvais présages. De l’Europe à l’Asie, des pluies de sang sont rapportées un peu partout par de nombreux auteurs et écrits.
Dans la plupart des cas, le phénomène est décrit comme le signe annonciateur d’une catastrophe. Certains cas de pluie de sang ayant précédé des invasions, des épidémies ou des famines, ces situations n’ont fait que renforcer le caractère prophétique de ces pluies. En effet, de l’Antiquité jusqu’à la fin du 17ème siècle, le phénomène est considéré comme un châtiment divin ou le signe du mécontentement céleste.
Il faut attendre la première interprétation scientifique de Giuseppe Maria Giovene, prêtre, géologue et météorologiste, qui en 1803, propose que la pluie rouge tombée sur la ville d’Apulia avait été causée par l’explosion de l’Etna ou du Vésuve et que les scories ainsi que le sable et les cendres portés par le vent s’étaient mélangés à la pluie, lui donnant cette couleur rougeâtre. Le phénomène retient peu l’attention des scientifiques, jusqu’à ce qu’en 2001 puis 2012, des pluies de sang observées en Inde focalisent l’attention des chercheurs du monde entier.
En 2015, un consensus scientifique s’établit lorsqu’une étude démontre que les pluies de sang au Kerala en 2001 et 2012 étaient causées par la présence de spores aériens de la microalgue verte Trentepohlia. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé la phylogénétique moléculaire afin de comparer le génome de la microalgue T. annulata recueillies dans un échantillon de la pluie de 2012 au Kerala, avec le génome de la T. annulata australienne.
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Les résultats ont suggéré que la microalgue indienne provenait bien d’Australie et y avait été transportée par le mouvement des nuages au-dessus de l’océan, un phénomène de dispersion des espèces bien connu pour les bactéries et les champignons, mais encore jamais observé pour les algues.
La façon dont ces nuages stratosphériques bas se sont chargés en microalgues est encore inconnue, mais les chercheurs envisagent d’utiliser une technique d’analyse appelée High-Efficiency Particulate Air Filters couplée à la métagénomique afin d’étudier la manière dont des populations d’algues peuvent exister au sein des nuages, et le processus par lequel les nuages peuvent intégrer des spores et ensuite les disperser, particulièrement lors des moussons.
La présence de spores n’est pas la seule cause des pluies de sang. En effet, les poussières chargées en oxydes ferriques peuvent également donner cette coloration rouge en se mélangeant aux précipitations. D’autres hypothèses comme les tâches solaires et les aurores polaires ont été avancées mais demeurent marginales au sein de la communauté scientifique.