La première détection des ondes gravitationnelles par l’interféromètre LIGO a fait entrer l’astrophysique dans une nouvelle ère d’observation. L’étude de ces oscillations de l’espace-temps a permis de mieux comprendre certaines caractéristiques des trous noirs et comment ces objets cosmiques se comportent lors d’une fusion.
Le 14 septembre 2015, quelques jours à peine après que LIGO ait été activé pour la première fois, avec une sensibilité fortement améliorée, une onde gravitationnelle est passée à travers la Terre. Comme les milliards d’ondes similaires qui ont traversé la Terre au cours de son histoire, celle-ci a été générée par une collision et une fusion de deux objets massifs et ultra-lointains provenant de l’extérieur de la Voie lactée.
À plus d’un milliard d’années-lumière de distance, deux trous noirs ont fusionnés et le signal — se déplaçant à la vitesse de la lumière dans le vide — a finalement atteint la Terre. Les deux détecteurs LIGO ont vu leurs bras se dilater et se contracter d’une distance subatomique, mais cela était suffisant pour que le laser se déplace et produise un changement révélateur dans un motif d’interférence. Pour la première fois, les ondes gravitationnelles étaient détectées. Trois ans plus tard, un total de 11 étaient répertoriées, dont 10 provenaient de trous noirs.
Il y a eu deux runs de données LIGO : un premier du 12 septembre 2015 au 19 janvier 2016 et un deuxième, avec une sensibilité légèrement améliorée, du 30 novembre 2016 au 25 août 2017. Cette dernière analyse était, à mi-parcours, rejoint par le détecteur VIRGO en Italie, qui a non seulement ajouté un troisième détecteur, mais a aussi considérablement amélioré la capacité à localiser l’emplacement de ces ondes gravitationnelles.
LIGO est actuellement arrêté, car il fait l’objet de mises à niveau, ce qui le rendra encore plus sensible. En effet, l’instrument se prépare à une nouvelle campagne d’observation des données qui débutera au printemps 2019. Le 30 novembre, la collaboration scientifique LIGO a publié les résultats de son analyse améliorée, sensible aux étapes finales de la fusion d’objets entre environ 1 et 100 masses solaires.
Sur les 11 détections effectuées à ce jour, 10 d’entre elles représentant des fusions de trous noirs, et seulement GW170817 représente une fusion d’étoiles à neutrons. La fusion de ces étoiles à neutrons était l’événement le plus proche, à 130-140 millions d’années-lumière de distance. La fusion la plus massive jamais vue — GW170729 — provient d’un endroit qui, avec l’expansion de l’Univers, se situe maintenant à 9 milliards d’années-lumière.
Sur le même sujet : Comment les ondes gravitationnelles s’échappent-elles des trous noirs ?
Ces deux détections sont également les fusions d’ondes gravitationnelles les plus légères et les plus lourdes jamais détectées : GW170817 provenant de la collision d’étoiles à neutrons de 1.46 de 1.27 masses solaires, et GW170729 provenant de la fusion de trous noirs de 50.6 et 34.3 masses solaires.
1. Les fusions impliquant les trous noirs les plus massifs sont les plus faciles à détecter
L’un des avantages de l’étude des ondes gravitationnelles est qu’il est plus facile de les observer lorsqu’elles sont émises de loin, que les sources de lumière. Les étoiles apparaissent plus faibles proportionnellement à leur distance au carré. Tandis que les ondes gravitationnelles sont plus faibles proportionnellement à leur distance : la fusion de trous noirs 10 fois plus éloignés produit 10% du signal.
En conséquence, il est possible de détecter des objets très massifs sur de très grandes distances. Toutefois, aucune fusion de trous noirs n’a impliqué des objets de plus de ~50 masses solaires. Des masses de 20 à 50 masses solaires sont courantes mais, au-delà, aucune observation n’a encore pu en révéler.
2. Ajouter un troisième détecteur augmente le taux de détection et la précision de localisation des ondes gravitationnelles
Lors de son premier run, LIGO a tourné pendant 4 mois, puis pendant 9 mois lors de son second run. Toutefois, presque plus de la moitié des détections totales ont été effectuées lors du dernier mois d’observation, après l’ajout de Virgo. En 2017, les ondes gravitationnelles ont été détectées :
- le 29 juillet (fusion de trous noirs de 50.6 et 34.3 masses solaires)
- le 9 août (fusion de trous noirs de 35.2 et 23.8 masses solaires)
- le 14 août (fusion de trous noirs de 30.7 et 25.3 masses solaires)
- le 17 août (fusion d’étoiles à neutrons de 1.46 et 1.27 masses solaires)
- le 18 août (fusion de trous noirs de 35.5 et 26.8 masses solaires)
- le 23 août (fusion de trous noirs de 39.6 et 29.4 masses solaires)
3. Lorsque des trous noirs fusionnent, ils libèrent plus d’énergie que l’ensemble des étoiles de l’Univers observable
Le Soleil est l’étoile de référence en physique stellaire. Il produit une puissance totale de 4×1026 W, l’équivalent de la transformation de 4 millions de tonnes de matière en pure énergie, toutes les secondes. Avec environ 1023 étoiles dans l’Univers observable, la puissance totale produite par toutes les étoiles qui brillent dans le ciel est supérieure à 1049 W à n’importe quel moment.
Mais pendant quelques millisecondes, au moment crucial de la fusion, chacune des 10 détections a montré une énergie supérieure à celle de toutes les étoiles de l’Univers observable combinées.
4. Durant la fusion, environ 5% de la masse totale des deux trous noirs est transformée en pure énergie
Les oscillations de l’espace-temps détectées par les interféromètres tirent leur énergie de la conversion de la masse des trous noirs par la relation E = mc². Selon les détections effectuées et l’analyse de l’amplitude des ondes gravitationnelles, au moment de la fusion, les trous noirs perdent 5% de leur masse totale sous forme d’énergie gravitationnelle. Ces événements sont les plus puissants connus depuis le Big Bang, produisant plus d’énergie que les fusions d’étoiles à neutrons, les sursauts gamma et les supernovas.
- GW170608, la fusion la plus légère (trous noirs de 10.9 et 7.6 masses solaires), a converti 0.9 masse solaires en énergie
- GW170729, la fusion la plus massive (trous noirs de 50.6 et 34.3 masses solaires), a converti 4.8 masses solaires en énergie
- GW150914, la première fusion détectée (trous noirs de 35.6 et 30.6 masses solaires), a converti 3.1 masses solaires en énergie
5. De nombreuses et fréquentes fusions impliquant des trous noirs de faible masse sont encore à détecter
Les fusions de trous noirs les plus massives produisent les signaux d’amplitude la plus grande, et sont donc les plus faciles à détecter. Mais étant donné la façon dont le volume et la distance sont liés, deux fois plus de distance signifie huit fois plus de volume. À mesure que LIGO devient plus sensible, il est plus facile de repérer des objets volumineux à plus grande distance que des objets proches de faible masse.
Bien que les observations aient montré que de très nombreux trous noirs stellaires de masse comprises entre 7 et 20 masses solaires existent dans l’Univers, il est bien plus facile pour LIGO et Virgo de détecter des fusions de trous noirs très massifs à grande distance. Avec l’amélioration de la sensibilité des interféromètres et l’existence de trous noirs binaires de masses très différentes, les scientifiques espèrent pouvoir détecter à l’avenir, davantage de fusions de ce type.