Une journée sur Terre comporte 24 heures, le temps que met notre planète pour faire un tour complet sur son axe de rotation. Outre l’alternance jour/nuit dont la longueur varie selon la saison, la durée totale d’une journée, depuis 2020, s’allonge de manière inattendue par rapport aux horloges atomiques, selon des chercheurs australiens. Certes, les variations de vitesse de rotation de la Terre sont connues pour être irrégulières, influencées par les mouvements terrestres internes, ceux des océans et des masses atmosphériques. Néanmoins, ce soudain ralentissement est encore inexplicable pour la science, et pourrait impacter le chronométrage, le réseau Internet, le GPS et d’autres technologies qui régissent la vie actuelle.
La Terre effectue un tour complet sur elle-même en environ 24 heures, c’est pourquoi le Soleil semble se lever et se coucher tous les jours. En général, sur de longues périodes, la rotation de la Terre ralentit, notamment en raison des effets de friction associés aux marées entraînées par la Lune. Chaque siècle, la Terre implique quelques millisecondes ou plus pour effectuer une rotation. D’ailleurs, il y a quelques milliards d’années, un jour terrestre ne durait qu’environ 19 heures.
Dans ce modèle général, cependant, la vitesse de rotation de la Terre fluctue, et depuis 20 000 ans, la Terre accélère. D’un jour à l’autre, le temps que met la Terre pour effectuer une rotation augmente ou diminue. Une journée ne dure donc pas exactement 86 400 secondes. Ainsi, le 29 juin 2022 la Terre a enregistré son jour le plus court depuis que les scientifiques ont commencé à utiliser des horloges atomiques pour mesurer sa vitesse de rotation, effectuant un tour complet avec 1,59 milliseconde de moins que les 24 heures classiques.
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Mais malgré ce record, depuis 2020, cette « accélération constante s’est curieusement transformée en ralentissement » selon des scientifiques de l’Université de Tasmania, signant un article dans The Conversation. Les jours s’allongent donc à nouveau, et la raison est pour le moment inconnue.
Une vitesse de rotation « constamment irrégulière »
Comme mentionné précédemment, depuis 20 000 ans, un processus autre que les frictions associées aux marées, ne ralentit plus la Terre. En effet, la modification de sa forme, due au retrait des calottes polaires depuis la dernière période glaciaire, accélère la rotation de la planète. Ainsi, les masses terrestres auparavant recouvertes de glace ont été mises à nues et rebondissent, un phénomène appelé rebond post-glaciaire ou ajustement isostatique. Cela a entraîné une réduction du tassement de la Terre sur son axe, et le manteau terrestre a commencé « à se déplacer progressivement vers les pôles » comme l’expliquent les auteurs. Ce processus raccourcit chaque journée d’environ 0,6 milliseconde par siècle.
De plus, des modifications du niveau des mers, des courants océaniques et atmosphériques, ainsi que les forces électromagnétiques entre le noyau de la Terre et son manteau rocheux ont également un impact sur la rotation de la Terre, tout comme les précipitations ou la couverture neigeuse. Les tremblements de terre majeurs peuvent modifier la durée du jour, comme le soulignent les auteurs. Par exemple, le grand tremblement de terre de Tōhoku de 2011 au Japon, d’une magnitude de 8,9, aurait accéléré la rotation de la Terre de 1,8 microseconde (ce qui est relativement faible).
Un ralentissement soudain aux hypothèses multiples
À partir des années 1960, les radiotélescopes ont commencé à obtenir des estimations très précises quant à la vitesse de rotation de la Terre. Les auteurs, en comparant ces estimations et celles des horloges atomiques, ont conclu à une durée de jour apparemment de plus en plus courte au cours des dernières années, la Terre tournant de plus en plus vite jusqu’en 2020.
Mais une fois les fluctuations de la vitesse de rotation dues aux marées et aux effets saisonniers éliminées, la trajectoire à long terme semble être passée d’un raccourcissement à un allongement depuis 2020. Ce changement est sans précédent au cours des 50 dernières années. Certains pensent que ce phénomène serait lié à l’oscillation de Chandler. Cette oscillation de l’axe de rotation de la Terre se traduit par un mouvement irrégulier des pôles géographiques à la surface du globe, d’environ trois à quatre mètres, avec une période d’environ 430 jours. Sans compter que depuis 2017, cette oscillation semble s’être considérablement réduite, en adéquation avec le ralentissement de la Terre.
Finalement, les chercheurs australiens avancent une autre hypothèse : « [Étant donné que] rien de spécifique n’a changé à l’intérieur ou autour de la Terre, il pourrait simplement s’agir d’effets de marée à long terme fonctionnant en parallèle avec d’autres processus périodiques pour produire un changement temporaire de la vitesse de rotation de la Terre ».
Il semble alors que l’explication se trouve dans une accumulation de diverses causes, l’accélération de la fonte des calottes glaciaires, de la pollution modifiant les courants atmosphériques, tout autant que les éruptions volcaniques importantes ; mais également dans des changements dans les systèmes météorologiques, avec des événements La Niña consécutifs.
Néanmoins, si ce ralentissement tend à perdurer, notre chronométrage et les autres technologies dépendantes de ces estimations précises de la vitesse de rotation de la Terre, comme le GPS, vont être mis à mal, imposant alors une rectification de l’heure officielle.
Vers une seconde intercalaire négative et un effondrement d’Internet ?
Lorsque la vitesse de la Terre varie trop par rapport à l’horloge atomique, une seconde intercalaire est demandée par le Service international de la rotation terrestre et des systèmes de référence. Mais l’impact sur les réseaux Internet n’est pas négligeable, comme le rapporte Arstechnica. Meta, et de nombreuses grandes entreprises technologiques, tentent de chronométrer un réseau mondial de serveurs par rapport aux secondes intercalaires, qui ajoutent entre 0,1 et 0,9 seconde au temps universel coordonné (UTC) toutes les années. Concrètement, à minuit le jour désigné, les horloges sont réglées de 23:59:59 à 00:00:00.
Il faut savoir qu’il y a eu 27 secondes intercalaires ajoutées depuis 1972, toutes positives. La dernière fois qu’il a été question d’une décision officielle, en 2015 lors de la Conférence mondiale des radiocommunications à Genève, l’Union internationale des télécommunications (UIT) a repoussé la décision à 2023. La prochaine grande conférence des chronométreurs aura lieu fin 2023 à Dubaï, à l’expiration d’un contrat déléguant le chronométrage UTC à l’UIT.
En conséquence du changement de vitesse de rotation de la Terre, la prochaine seconde intercalaire ajoutée pourrait être négative, afin de maintenir le temps civil — basé sur les horloges atomiques — en phase avec le temps solaire — basé sur le mouvement du Soleil dans le ciel. En d’autres termes, une seconde intercalaire négative signifierait que nos horloges sauteraient une seconde, ce qui pourrait avoir un effet dévastateur sur les logiciels reposant sur des minuteries ou des planificateurs.
Cependant, Leonid Zotov de l’Université d’État Lomonossov de Moscou, lors de la dernière réunion annuelle de l’Asia Oceania Geosciences Society, a déclaré : « Je pense qu’il y a 70% de chances que nous soyons au minimum [du ralentissement de la Terre], nous n’aurons pas besoin d’une seconde intercalaire négative », du moins dans l’immédiat. Ceci ravira Meta et les autres sociétés technologiques, qui appellent depuis quelques années à abandonner ces secondes intercalaires.