Une randonneuse découvre par hasard un écosystème lacustre de 280 millions d’années dans les Alpes italiennes

Des empreintes de pas et de glissement de reptiles témoignent de la richesse de l’écosystème avant la « Grande extinction ».

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Représentation artistique de l'écosystème lacustre tel qu'il aurait été il y a 280 millions d'années. | Fabio Manucci
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En marchant dans le parc de Valtellina Orobie, dans les Alpes italiennes, une randonneuse a découvert accidentellement les traces d’un ancien écosystème lacustre datant de 280 millions d’années, situé à une latitude qui était probablement tropicale à l’époque. Il s’agit notamment de nombreuses empreintes de pas et de glissement de reptiles, témoignant de la richesse de l’écosystème avant la Grande extinction du Permien-Trias. Cette découverte pourrait fournir de précieuses informations sur les grands bouleversements à venir dus au réchauffement climatique actuel.

Depuis les années 1850, le réchauffement climatique d’origine anthropique a conduit à la perte de 30 à 40% de la surface des glaciers alpins et de près de la moitié de leur volume. Bien que dramatique d’un point de vue écosystémique, cela a paradoxalement permis de mettre au jour de nombreuses traces et fossiles préhistoriques.

Claudia Steffensen faisait une randonnée dans le parc montagneux de Valtellina Orobie, en Lombardie, lorsqu’elle est tombée sur quelques-unes de ces traces. « J’ai posé mon pied sur un rocher, ce qui m’a semblé étrange, car cela ressemblait plus à une dalle de ciment. J’ai alors remarqué ces étranges dessins circulaires avec des lignes ondulées. J’ai regardé de plus près et j’ai réalisé qu’il s’agissait d’empreintes de pas », a-t-elle déclaré au Guardian.

La randonneuse est ensuite entrée en contact avec des experts du Musée d’Histoire Naturelle de Milan, de l’Université de Pavie et du Musée d’histoire naturelle de Berlin, qui ont confirmé qu’il s’agissait bien d’empreintes fossilisées exceptionnellement bien conservées. Le nombre et la diversité des traces suggèrent qu’il s’agissait d’un ancien écosystème extrêmement riche. Les découvertes ont été présentées la semaine dernière lors d’une conférence de presse du Musée d’histoire naturelle de Milan, après la récupération des dalles par le biais d’opérations aéroportées.

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L’écosystème ancien a été découvert dans le parc national de Valtellina Orobie (sur l’image), dans les Alpes italiennes. © Musée d’histoire naturelle de Milan

Des centaines d’empreintes d’au moins 5 espèces différentes

Les empreintes découvertes par Steffensen se trouvent à 1 700 mètres d’altitude et appartiendraient à un grand reptile de 2-3 mètres de long, soit à peu près de la même taille que les dragons de Komodo (Varanus komodoensis) actuels. Les traces indiquaient des doigts très fins, des traînées laissées par le glissement de longues queues flexibles, ainsi que des empreintes de peau écailleuse.

L’analyse des sédiments suggère qu’ils vivaient dans la zone vers la fin du Permien (la dernière période du Paléozoïque précédant celle des dinosaures) il y a environ 280 millions d’années. « À cette époque, les dinosaures n’existaient pas encore, mais les auteurs des plus grandes empreintes trouvées devaient avoir des dimensions considérables : jusqu’à 2-3 mètres de longueur », affirme dans un communiqué Cristiano Dal Sasso, paléontologue au Musée d’histoire naturelle de Milan et le premier expert à avoir été contacté au sujet de la découverte.

Des fouilles antérieures ont permis de cartographier des centaines d’autres traces fossilisées jusqu’à 3 000 mètres d’altitude, notamment au niveau des parois verticales du Pizzo del Diavolo di Tenda, Pizzo dell’Omo et Pizzo Rondenino, ainsi que dans des gravats accumulés par des glissements de terrain en contrebas. Les roches stratifiées, même celles de quelques mètres de large, présentaient des empreintes de tétrapodes (reptiles et amphibiens) et d’invertébrés (insectes et arthropodes) dont l’alignement suggère qu’elles forment des pistes. Ces traces appartiendraient à au moins 5 espèces différentes d’animaux.

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Empreintes fossilisées d’écailles observées sur l’une des dalles du site. © Musée d’histoire naturelle de Milan

Des indices sur les impacts du réchauffement climatique sur les écosystèmes

Les dalles analysées par les chercheurs indiquent des marques de vagues heurtant les rives de ce qui serait apparemment d’anciens lacs. Des traces de gouttes de pluie ont également été relevées. L’état de conservation remarquable de ces traces et empreintes proviendrait du fait qu’elles ont été faites lorsque les couches de grès et de schistes étaient encore du sable et de la boue imbibés d’eau. L’eau se retire périodiquement et laisse les couches de sédiments exposées au soleil, ce qui les durcit. Plutôt que d’effacer les traces, le retour de l’eau les recouvre d’une nouvelle couche argileuse protectrice.

« La forme et la taille des traces indiquent une qualité de conservation et une paléo-biodiversité notable, probablement encore supérieures à celles observées dans d’autres gisements du même âge géologique dans les secteurs d’Orobic et de Brescia », indique Lorenzo Marchetti du Musée d’histoire naturelle de Berlin. En plus des empreintes d’animaux, des fragments fossilisés de tiges et de graines ont également été mis au jour.

Ces découvertes pourraient fournir de précieuses informations sur les impacts du réchauffement climatique sur les écosystèmes. Le Permien est en effet caractérisé par une élévation rapide des températures comparable à celle actuelle et a culminé avec la Grande extinction, une période charnière de l’histoire de la Terre qui a éliminé environ 90 % des espèces. D’intenses activités volcaniques ont provoqué une augmentation des gaz à effet de serre, ce qui a, à son tour, provoqué la fonte des calottes glaciaires et le développement d’environnements tropicaux de plus en plus arides, engendrant l’extinction de nombreux animaux. « Le passé a beaucoup à nous apprendre sur ce vers quoi nous risquons de faire tomber le monde aujourd’hui », affirment les chercheurs.

Toutefois, davantage de recherches sont nécessaires afin de confirmer si ces découvertes peuvent véritablement appuyer les modélisations climatiques. « Il reste encore beaucoup à faire, car les recherches en sont à leurs prémices et il faudra également résoudre de nombreux problèmes liés à la logistique », indique Doriano Codega, président du Parc Orobie Valtellinesi. Ce dernier a accordé une allocation de fonds préliminaire pour poursuivre les recherches.

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