Ce lundi, le rapport de l’IPBES (Nations Unies) a été publié et son constat est très alarmant : l’activité humaine provoque un effondrement sans précédent de la biodiversité. À présent, seuls des changements radicaux en profondeur pourront éventuellement enrayer ce déclin.
Le terme « extinction de masse » fait généralement penser à l’astéroïde ayant provoqué la mort des dinosaures. Cependant, un autre événement d’extinction de masse absolument dévastateur se produit aujourd’hui à l’échelle de la planète. En effet, ce phénomène touche toute la faune et la flore à une échelle mondiale, et ce sur plusieurs fronts, à cause (notamment) du réchauffement des océans, de la déforestation et du changement climatique, qui entraînent une diminution sans précédent des populations animales.
Un million d’espèces animales et végétales seraient aujourd’hui menacées d’extinction, selon le rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) placée sous l’égide de l’ONU, publié ce lundi. En d’autres termes, une espèce sur huit pourrait disparaître à moyen terme si l’humanité ne réagit pas rapidement. « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier », explique Robert Watson, président du groupe d’experts de l’Onu sur la biodiversité. Pour lui, le rapport publié ce lundi est sans appel : l’urgence est là.
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Le rapport, qui est la première analyse de ce type depuis 2005, évalue le nombre d’espèces menacées d’extinction et pourquoi elles le sont, établit combien d’espèces ont déjà été perdues, et examine également d’autres paramètres tels que la croissance démographique et l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
À noter que le document fait quelque 1800 pages et regroupe les recherches de plus de 15’000 articles universitaires et publications scientifiques. L’ONU espère que ce dernier pourra informer les décideurs politiques quant aux meilleures manières d’agir face aux effets du changement climatique.
Dans ce rapport, tous les voyants de la biodiversité sont ainsi dans le rouge : il s’agit d’un véritable « taux d’extinction sans précédent » au cours de ces cinquante dernières années, qui de plus, s’accélère. « La réponse mondiale actuelle est insuffisante et des changements transformateurs sont nécessaires pour protéger la nature (…). Les intérêts particuliers doivent être mis de côté pour le bien de tous », est-il expliqué dans le rapport.
Aujourd’hui, 75 % de l’environnement terrestre et 66% de l’environnement marin ont été « gravement altérés » par l’Homme
En effet, les trois-quarts de l’environnement terrestre sont aujourd’hui altérés par l’activité humaine. Depuis 1900, les espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres ont diminué d’au moins 20% en moyenne. De plus, 66% de l’environnement marin a lui aussi été modifié par l’Homme et son activité. Il s’agit de 40% d’espèces d’amphibiens, 33 % de récifs coralliens et, au total, plus d’un tiers de tous les mammifères marins qui en sont ainsi menacés. 267 espèces marines sont touchées (tortures marines, oiseaux, mammifères marins, etc.). À noter également que les principaux stocks de poissons marins disparaissent en raison de la surpêche : un tiers des stocks de poissons marins a été exploité à des niveaux non durables.
Ce rapport est en accord avec ce que de nombreux scientifiques décrivent depuis des années : le début de la 6ème extinction de masse (non mentionnée dans le rapport) et la première dont l’Homme est principalement responsable. Cependant, les chercheurs gardent espoir, car comme cette extinction est principalement provoquée par l’être humain, elle pourrait potentiellement être « stoppée si nous agissons de manière décisive, maintenant », souligne Mark Tercek, président de l’ONG Nature Conservancy.
Les cinq principaux coupables sont clairement identifiés dans le rapport, sur lequel ont travaillé 450 experts durant trois ans : dans l’ordre, l’utilisation des terres (agriculture, déforestation), l’exploitation directe des ressources (pêche, chasse), le changement climatique, la pollution et les espèces invasives.
Première cible, premier problème : le système agro-alimentaire mondial. Selon le rapport, nourrir 10 milliards de personnes en 2050 de manière durable implique une transformation de la production agricole, mais aussi des habitudes de consommation. « Nous saluons l’appel à un changement des régimes alimentaires, vers une nourriture basée davantage sur les végétaux, afin de réduire la consommation de viande et de produits laitiers, ce qui a des impacts négatifs bien connus sur la biodiversité, le changement climatique et la santé humaine », a ajouté Eric Darier, de Greenpeace.
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Quant à cette thématique de l’agro-alimentaire, le rapport propose notamment les actions suivantes : promouvoir des bonnes pratiques, promouvoir la transparence des pratiques des entreprises agro-alimentaires, réduire le gaspillage alimentaire. Mieux gérer les écosystèmes d’eau douce est également un élément d’une importance cruciale : il faut adopter une gestion plus collaborative de l’eau, augmenter le stockage général de l’eau et mettre en place des critères de durabilité plus clairs dans les projets liés à l’eau.
Le rapport aborde également le problème de la pollution plastique : cette dernière a été multipliée par 10 depuis les années 1980. De plus, entre 300 et 400 millions de tonnes de métaux lourds, de solvants, de boues toxiques et autres déchets issus des sites industriels sont également déversés chaque année dans les eaux du monde.
Quant aux engrais qui arrivent dans les écosystèmes côtiers, ils ont produit plus de 400 « zones mortes » dans les océans : soit une superficie totale de 245’000 kilomètres carrés (égale à celle du Royaume-Uni). De ce fait, le rapport estime qu’il est primordial de créer plus de zones marines protégées et réduire globalement la pollution des océans.
Tandis que le rapport évoque des pistes quant à des potentielles solutions, tout en évitant d’être prescriptif, il reste encore à savoir si les États membres de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique (COP15) fixeront, lors de leur réunion en Chine l’an prochain, les objectifs espérés par les défenseurs de l’environnement pour une planète pour durable en 2050 et après.
Le rapport souligne fortement la nécessité « d’une réforme majeure de l’économie, avec des contrôles très forts », notamment des « systèmes financiers ». En bref, nos modes de vie et de consommation doivent changer le plus rapidement possible, dans l’optique de peut-être réussir à sauver la nature telle qu’elle est aujourd’hui et par conséquent, la vie telle que nous la connaissons sur la planète Terre.
Nous rappelons que ce rapport est dans un premier temps destiné aux gouvernements du monde entier. Yunne-Jai Shin, une chercheuse à l’Institut de recherche pour le développement, et également co-auteure du rapport, espère que ce dernier pourra pousser les politiques « à être plus créatifs », en réalisant l’ampleur de ce problème mondial.
Elle souligne aussi le fait que le grand public doit également prendre conscience de l’état d’urgence actuel : « Des sacrifices ne pourront être acceptés que si les citoyens sont conscients que la biodiversité est essentielle, pour le patrimoine de l’humanité mais aussi pour notre santé et notre subsistance alimentaire. Alors on ne parlera plus de sacrifices, mais d’action collective dans la bonne direction ».