Climat : une reconstitution de 66 millions d’années suggère que le CO2 est encore plus néfaste qu’estimé

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Une étude internationale, qui a permis la reconstitution de 66 millions d’années d’histoire climatique, indique que les températures mondiales pourraient être encore plus sensibles aux niveaux de dioxyde de carbone que ne l’estiment les modèles actuels. Cette analyse met également en évidence les effets durables des gaz à effet de serre. Les résultats pourraient permettre d’orienter les politiques climatiques futures.

Dans un monde confronté à une crise climatique sans précédent, marquée notamment par des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents, cette étude sur l’histoire du dioxyde de carbone (CO2) sur 66 millions d’années arrive à un moment critique. Cette recherche exhaustive, menée par un consortium international regroupant plus de 80 scientifiques, apporte un éclairage nouveau sur les niveaux historiques de CO2 et leur corrélation avec les températures terrestres.

En retraçant l’évolution du CO2 depuis l’ère des dinosaures jusqu’à nos jours, elle fournit des indices essentiels pour comprendre non seulement l’histoire climatique de la Terre, mais aussi l’impact profond et potentiellement durable des activités humaines sur notre climat. Publiés dans la revue Science, les résultats indiquent que le climat mondial pourrait être plus sensible aux niveaux de CO2 que ne l’estiment les modèles actuels.

Une perspective historique sur le CO2

En remontant jusqu’à 66 millions d’années, la reconstitution révèle que les niveaux actuels de CO2, principalement dus à l’activité humaine, sont comparables à ceux observés il y a 14 millions d’années. Ce constat remet en partie en question les évaluations antérieures sur l’évolution du CO2.

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont analysé des données diverses et complexes. Ils ont notamment examiné les bulles d’air piégées dans les carottes de glace, qui fournissent un enregistrement direct de l’atmosphère passée, ainsi que de la chimie des sols anciens et des sédiments océaniques. Ces différentes sources de données ont permis de construire une courbe détaillée des niveaux de CO2 sur une période extrêmement longue, révélant ainsi des tendances et des variations qui étaient auparavant méconnues ou mal comprises.

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Températures et concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone nouvellement estimées au cours des 66 derniers millions d’années. Les couleurs plus chaudes indiquent des périodes distinctes de températures plus élevées ; le bleu plus profond indique les périodes aux températures plus basses. La ligne continue en zigzag représente les niveaux contemporains de dioxyde de carbone ; la zone ombrée qui l’entoure reflète l’incertitude de la courbe. Les indications sur la période et le CO2 mettent en évidence les extrema et les transitions climatiques notables, tels que décrits dans l’étude. © Adapté de CenCO2PIP, Science 2023

Les implications de cette étude sont profondes et quelque peu alarmantes. Les résultats suggèrent que pour chaque doublement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, la température moyenne de la Terre peut augmenter de 5 à 8 °C. Cette estimation dépasse largement les prévisions antérieures, indiquant une sensibilité climatique bien plus élevée aux gaz à effet de serre que ce qu’indiquent les modèles actuels. Ce constat souligne l’importance des effets à long terme des émissions de CO2, qui pourraient induire des changements climatiques durables et profonds, s’étendant sur des millénaires.

Conséquences sur l’écosystème et la politique climatique

L’étude a mis en évidence un lien direct entre les hausses historiques de CO2 et les périodes les plus chaudes sur Terre. Un exemple frappant est celui d’il y a environ 50 millions d’années, où les niveaux de CO2 ont grimpé jusqu’à 1600 parties par million (ppm), bien au-delà des niveaux actuels. Cette période, connue sous le nom d’Éocène, a été marquée par des températures globales considérablement plus élevées, dépassant de 12 °C les températures actuelles. Cette corrélation souligne l’influence significative des gaz à effet de serre sur le climat terrestre.

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La limite de la calotte glaciaire du Groenland, où la fonte récente a laissé le sol nu. © Kevin Krajick/Earth Institute

Plus important encore, ces fluctuations de CO2 n’ont pas seulement eu un impact sur le climat ; elles ont également eu des répercussions majeures sur les écosystèmes. Durant ces périodes chaudes, la répartition des plantes et des animaux a subi des changements drastiques, avec l’apparition de nouvelles espèces et l’extinction d’autres. Ces changements écologiques reflètent la manière dont les variations climatiques peuvent remodeler profondément la biodiversité et les écosystèmes.

Les implications de cette étude dépassent la simple compréhension historique du climat et s’étendent aux politiques climatiques contemporaines. Bien que l’étude ne fournisse pas de prédictions spécifiques pour les températures de l’année 2100, elle éclaire les décideurs sur les conséquences potentielles à long terme des niveaux actuels de CO2.

Les chercheurs espèrent que cette étude servira de base solide pour les modèles climatiques futurs. En intégrant ces observations robustes, les scientifiques pourront mieux comprendre les processus opérant à différentes échelles temporelles.

Les auteurs insistent sur l’importance de considérer les effets en cascade des gaz à effet de serre, qui pourraient persister pendant des millénaires. Cette perspective à long terme est cruciale pour élaborer des stratégies climatiques efficaces. Elle souligne également la nécessité d’agir rapidement pour réduire les émissions de CO2, afin de limiter les impacts sur les écosystèmes. En mettant en lumière la relation étroite entre les niveaux de CO2 et les changements climatiques et écologiques à grande échelle, cette étude renforce l’argument en faveur d’une action climatique ambitieuse et immédiate.

Source : Science

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