Ayant dépassé la simple nécessité de prévenir les effets pathologiques de la maladie cœliaque, le régime sans gluten a aujourd’hui conquis des centaines de millions de personnes à travers le monde, dont plusieurs millions en France. Tandis que les ventes ne cessent de croître de manière vertigineuse, les scientifiques avertissent les consommateurs sur les potentiels méfaits d’un tel régime lorsqu’il n’est pas médicalement justifié.
Le gluten est une substance visco-élastique obtenue après extraction de l’albumen des grains de blé lors du pétrissage. Le gluten contient différentes protéines (albumines, globulines, gluténines, etc.), ainsi que de l’amidon, des sucres réducteurs, des lipides et des minéraux. Le gluten est donc présent dans un grand nombre de produits disponibles à la consommation issus directement ou indirectement, de l’industrie agroalimentaire.
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Certaines personnes souffrent d’une maladie auto-immune entraînant la dégradation de la paroi de l’intestin grêle et conduisant à la malabsorption pathologique de plusieurs composés du gluten. Cette maladie, appelée « maladie cœliaque », prend la forme d’une intolérance permanente au gluten qui, en l’absence de traitement médical, oblige ces personnes à suivre toute leur vie un régime sans gluten. Cette pathologie doit être distinguée de l’allergie alimentaire au gluten et de la sensibilité au gluten (controversée).
En Europe, la fréquence de la maladie cœliaque va de 1 personne sur 100 (France, Royaume-Uni) à 1 personne sur 500 selon les régions considérées. En outre, elle touche plus souvent les femmes que les hommes à raison de 3 femmes pour 1 homme. Au-delà de la nécessité thérapeutique d’adopter un régime sans gluten, de nombreuses personnes (environ 4 millions en France) suivent un tel régime à des fins purement non-médicales, le plus souvent dans l’idée de s’astreindre à un style de vie « sain ».
Les coûts prohibitifs des produits sans gluten
Un choix qui pourrait s’avérer plus néfaste qu’autre chose indiquent les scientifiques. Tout d’abord, le « sans gluten » se révèle bien plus coûteux que les produits ordinaires, jusqu’à 11 fois plus chers pour certains produits. Une étude récente de l’université de Bologne (Italie) pointe du doigt ces différences parfois exorbitantes.
En analysant les données issues d’une enquête nationale britannique sur les coûts de la vie et de la consommation, les chercheurs montrent que dans la catégorie « Pains et céréales », le prix moyen des produits sans gluten est de 1.26 €/100g (£ 1.12) contre 0.66 €/100g (£ 0.59) pour les produits avec gluten.
Ainsi, les auteurs estiment que toute personne souhaitant suivre un régime sans gluten doit ajouter 11.22 € à son budget alimentation hebdomadaire, ce qui correspond à 29% de ce budget. Pour les consommateurs possédant de faibles revenus, cela contribue à une chute de 34% du bien-être. Ces coûts prohibitifs sont donc responsables d’un effet néfaste sur le pouvoir d’achat.
La qualité des ingrédients utilisés — la farine de riz plutôt que la farine de blé par exemple — et les techniques de production employées sont les raisons généralement avancées par les producteurs pour justifier ces prix. Toutefois, bénéficiant de l’effet de mode généré par des personnalités publiques vantant les bienfaits du sans gluten, certains revendeurs n’hésitent pas à gonfler artificiellement les prix, allant même parfois jusqu’à proposer des produits estampillés sans gluten pour des produits naturellement sans gluten.
Produits sans gluten : une qualité nutritionnelle pauvre
En dehors du prix, les produits sans gluten révèlent également une pauvre qualité nutritionnelle. C’est notamment le cas des produits destinés aux enfants, selon une étude d’août 2018 publiée dans la revue Pediatrics et menée par l’université de Calgary (Canada).
Après avoir acheté 374 produits infantiles sans gluten dans deux grands supermarchés différents, les chercheurs ont analysé leur teneur nutritionnelle à la lumière des critères imposés par l’Organisation Américaine de la Santé.
Bien que ces produits aient montré des teneurs en sel, graisses et graisses saturées inférieures aux produits ordinaires, ils se sont également révélés bien plus pauvres en protéines.
Environ 80% des produits sans gluten analysés ont révélé une teneur en sucre similaire voire plus élevée que les produits contenant du gluten, et 88% d’entre eux sont classés comme ayant une pauvre qualité nutritionnelle. Non seulement ces produits ne sont pas plus avantageux, mais ils peuvent même s’avérer plus dangereux à cause de leur forte teneur en sucres.
Maladies cardiovasculaires, cancers et diabète : les risques d’un régime sans gluten
Dans une étude de mai 2017 parue dans la revue British Medical Journal et menée par une équipe de médecins américains, les auteurs montrent que l’adoption d’un régime sans gluten sans raisons médicales est néfaste pour la santé des consommateurs. Pour ce faire, les scientifiques ont analysé les données recueillies à partir d’une étude conduite entre 1986 et 2010, ayant réuni 110’017 personnes sans maladie cœliaque.
Les résultats ont montré qu’il n’existait aucune différence significative dans le risque de survenue d’affections cardiaques entre les personnes mangeant peu voire pas du tout de gluten et celles qui en consomment de grandes quantités. « Nos résultats indiquent que le régime sans gluten n’a aucun bénéfice, tout du moins en terme de prévention des attaques cardiaques, pour les personnes sans maladie cœliaque » explique Benjamin Lebwohl, médecin au Centre Médical de l’université de Columbia.
Au contraire, les auteurs indiquent même que le risque de pathologies cardiaques pourrait être plus élevé dans le cas d’un régime sans gluten à cause d’une consommation réduite de graines complètes, ces dernières ayant la propriété d’améliorer les défenses cardiaques.
En plus d’une augmentation potentielle du risque de maladies cardiaques, le régime sans gluten est également impliqué dans l’augmentation du risque de développement du diabète de type 2. C’est le résultat d’une étude présentée devant l’Association Américaine de Cardiologie en mars 2017. Menée de 1984 à 2013 sur 199’794 participants, cette étude a montré qu’une consommation normale de gluten tend à diminuer de 13% le risque de diabète de type 2.
« La nourriture sans gluten contient souvent très peu de fibres et autres micronutriments, la rendant nutritionnellement plus pauvre et plus coûteuse. Les personnes sans maladie cœliaque devrait sérieusement reconsidérer l’opportunité d’un tel régime, notamment concernant le risque de diabète » avertit Geng Zong, médecin nutritionniste à l’université d’Harvard.
En effet, les produits sans gluten souffrent d’une mauvaise composition nutritionnelle qui, au mieux, n’apporte rien de plus aux consommateurs en bonne santé et, au pire, placent leur santé en danger. Leur faible teneur en fibres prive les consommateurs d’un facteur important de protection contre certaines maladies endocriniennes comme le diabète. Quant à leur faible teneur protéique, celle-ci peut conduire à d’importantes carences organiques sur le long terme.
Mais ce n’est pas tout, car les produits sans gluten contiennent également des taux généralement élevés en sodium et sucre, entraînant un apport calorique global plus important que les produits ordinaires. L’indice glycémique de certains ingrédients est ainsi particulièrement élevé et, combiné à une teneur plus importante en lipides, peut conduire à des troubles organiques pathologiques.
Pour finir, le sans gluten ne signifie pas l’abandon des additifs chimiques et des conservateurs, ceux-ci étant parfois plus élevés que dans les produits avec gluten.