Révolution industrielle : une innovation jamaïcaine usurpée par un Britannique

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Temperate House des Kew Gardens à Londres, la plus grande serre au monde du type victorien, bâtie sur le principe de la méthode Cort. | RBG Kew
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L’histoire de la Révolution industrielle britannique est réécrite par une étude récente qui révèle que la méthode Cort, essentielle à l’essor de l’industrie du fer, a été appropriée à partir d’un savoir-faire jamaïcain. Cette découverte remet en question les récits traditionnels de l’innovation, soulignant le rôle des métallurgistes jamaïcains réduits à l’esclavage. Les implications sont profondes, nécessitant une réévaluation de l’histoire de l’innovation et une reconnaissance des contributions des personnes réduites à l’esclavage à la science et à la technologie.

La Révolution industrielle britannique, qui s’est déroulée de 1760 à 1840, a marqué un tournant dans l’histoire de l’humanité, transformant non seulement le paysage économique de la Grande-Bretagne, mais aussi celui du monde entier. Au cœur de cette transformation se trouvait l’industrie du fer, dont l’essor a été largement attribué à l’entrepreneur britannique Henry Cort et à sa méthode révolutionnaire de production du fer. Cependant, de nouvelles recherches suggèrent une histoire différente, révélant que cette innovation majeure pourrait avoir été appropriée à partir d’un savoir-faire jamaïcain.

Cette étude, menée par Jenny Bulstrode, maître de conférences en histoire des sciences et de la technologie à l’University College de Londres, remet en question les récits traditionnels de l’innovation. Elle soulève des questions importantes sur la réparation et la reconnaissance des contributions des personnes réduites en esclavage à la science et à la technologie. Les implications de cette découverte sont profondes, non seulement pour notre compréhension de l’histoire de la Révolution industrielle, mais aussi pour notre vision de l’innovation et du progrès technologique. L’étude a été publiée dans la revue History and Technology.

Les véritables innovateurs : les métallurgistes jamaïcains

L’analyse menée par Jenny Bulstrode a permis de mettre en lumière un aspect méconnu de l’histoire de la Révolution industrielle. En examinant minutieusement des correspondances, des registres de navigation et des rapports de journaux de l’époque, elle a découvert que l’innovation clé de la production de fer avait été développée non pas en Grande-Bretagne, mais dans une fonderie située près de Morant Bay, en Jamaïque.

Cette fonderie était dirigée par 76 métallurgistes noirs. Ces hommes, dont beaucoup étaient des personnes réduites en esclavage, étaient des experts dans le travail du fer. Ils étaient originaires d’Afrique de l’Ouest et centrale, des régions qui étaient alors connues pour leurs industries de travail du fer florissantes. Ces métallurgistes ont mis au point une méthode permettant de produire du fer de haute qualité à partir de ferraille, une innovation qui allait jouer un rôle central dans la Révolution industrielle.

La vérité cachée derrière l’avancée de Henry Cort et ses impacts durables

Cette découverte remet en question la croyance largement répandue selon laquelle la méthode Cort, du nom de l’entrepreneur britannique Henry Cort, était à l’origine de cette avancée majeure. Au lieu de cela, il semble que cette méthode ait été développée par ces métallurgistes jamaïcains, dont le savoir-faire et l’expertise ont été appropriés et exploités sans reconnaissance ni compensation adéquate. Concrètement, Henry Cort aurait acquis sa machinerie et son innovation de la fonderie jamaïcaine, qui a été fermée de force. Il a ensuite expédié le tout en Angleterre et a breveté la technique.

L’appropriation de cette innovation par Cort a eu des conséquences durables. Non seulement elle a permis à la Grande-Bretagne de devenir un producteur majeur de fer, mais elle a également transformé le paysage du pays avec des « palais de fer », comme le Crystal Palace et la Temperate House des Kew Gardens. De plus, elle a contribué à l’émergence de la Grande-Bretagne en tant que superpuissance économique.

Un nouveau regard sur notre passé

La révélation de l’origine véritable de la méthode Cort a des répercussions significatives sur notre compréhension de l’histoire de l’innovation et du progrès technologique. Pendant des siècles, les récits dominants ont souvent attribué les avancées majeures à des individus ou à des groupes spécifiques, souvent en omettant ou en minimisant les contributions d’autres acteurs. Cette révélation remet en question ces récits et souligne la nécessité d’une réévaluation plus large et plus inclusive de l’histoire de l’innovation.

En particulier, cette découverte soulève des questions importantes sur la manière dont nous reconnaissons et valorisons les contributions des personnes réduites en esclavage à la science et à la technologie. Malgré les obstacles et les injustices qu’ils ont dû affronter, ces individus ont joué un rôle crucial dans le développement de techniques et de technologies qui ont eu un impact profond sur le monde. Il est donc essentiel de reconnaître leur contribution et de réfléchir à la manière dont nous pouvons réparer les torts du passé.

En outre, cette révélation met en lumière l’importance de reconsidérer l’histoire de l’innovation et du progrès technologique. Plutôt que de voir l’innovation comme le produit d’individus isolés ou de groupes spécifiques, nous devons reconnaître qu’elle est souvent le résultat d’un effort collectif qui transcende les frontières, les cultures et les époques. Cette perspective plus nuancée et plus inclusive peut nous aider à mieux comprendre le processus d’innovation et à valoriser les contributions de tous ceux qui y participent.

Source : History and Technology

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