Un rรฉseau de panneaux solaires mis en place dans lโespace pourrait en thรฉorie fournir une รฉnergie propre, renouvelable et abordable au monde entier. Lโidรฉe implique toutefois de nombreux dรฉfis technologiques, tant pour la collecte dโรฉnergie solaire que pour la transmission de cette derniรจre vers la Terre. Une รฉquipe de l’Institut de technologie de Californie (Caltech) vient dโenvoyer un prototype de panneau solaire spatial en orbite, pour tester diffรฉrentes technologies.
Face ร la flambรฉe des prix de lโรฉnergie, mais aussi pour prรฉserver notre planรจte, une exploitation accrue des รฉnergies renouvelables semble aujourdโhui incontournable. Bien que les panneaux photovoltaรฏques bรฉnรฉficient des progrรจs technologiques et deviennent de plus en plus performants, ils se heurtent tous ร la mรชme problรฉmatique : ils ne fonctionnent quโen prรฉsence du Soleil โ donc pas la nuit, ni en cas de mauvais temps โ et ne peuvent fournir de lโรฉnergie en continu.
Pour contourner ce problรจme et faire en sorte que les panneaux solaires fonctionnent 24h/24, la solution est รฉvidente : il faut les placer bien au-delร de la couverture nuageuse, dans lโespace, lร oรน la lumiรจre solaire les frapperait sans rencontrer aucun obstacle. Le concept reste toutefois ร รฉtudier, tant pour รฉvaluer le coรปt de la mise en orbite des panneaux que pour trouver le moyen dโacheminer efficacement lโรฉnergie produite vers la Terre. Afin de tester la faisabilitรฉ du projet, des chercheurs du California Institute of Technology viennent dโexpรฉdier en orbite un prototype de module dโรฉnergie solaire spatial, le Space Solar Power Demonstrator (SSPD).
Trois technologies majeures sur le banc de test
ยซ Peu importe ce qui se passe, ce prototype est un grand pas en avant ยป, a dรฉclarรฉ dans un communiquรฉ le co-directeur du projet et professeur de gรฉnie รฉlectrique et mรฉdical ร Caltech, Ali Hajimiri. Sโil est un jour rรฉellement mis en ลuvre, ce rรฉseau de production dโรฉnergie solaire sera constituรฉ dโune constellation de vaisseaux spatiaux modulaires, qui seront chargรฉs de collecter la lumiรจre du soleil, de la transformer en รฉlectricitรฉ, puis de transmettre cette รฉlectricitรฉ (sans fil) sur Terre, ยซ y compris dans des endroits qui n’ont actuellement pas accรจs ร une alimentation fiable ยป.
Dans un premier temps, il sโagit ici de tester un module dโenviron 50 kg, qui embarque trois expรฉriences distinctes visant ร tester les technologies clรฉs du projet. La premiรจre est DOLCE (Deployable on-Orbit ultraLight Composite Experiment), une structure dรฉployable dโenviron 2 mรจtres sur 2, destinรฉe ร tester (ร petite รฉchelle) l’architecture et les mรฉcanismes de dรฉploiement envisagรฉs pour la constellation de vaisseaux qui formeront la centrale รฉlectrique spatiale.

ร travers lโexpรฉrience ALBA, lโรฉquipe du projet va tester et comparer lโefficacitรฉ de plus dโune trentaine de types de cellules photovoltaรฏques, afin dโidentifier celles qui rรฉsistent le mieux aux conditions difficiles de lโespace. Enfin, lโexpรฉrience MAPLE (Microwave Array for Power-transfer Low-orbit Experiment) โ sans doute la plus cruciale โ vise ร tester la transmission sans fil de lโรฉnergie produite sur de longues distances. Pour ce faire, lโengin embarque un rรฉseau d’รฉmetteurs de puissance micro-ondes, qui transmettront de l’รฉnergie ร deux rรฉcepteurs cibles dans l’espace.
Les panneaux solaires sont gรฉnรฉralement lourds et encombrants ; lโรฉquipe a donc dรป faire preuve dโingรฉniositรฉ pour crรฉer un systรจme qui soit ร la fois suffisamment lรฉger pour rรฉduire les coรปts de lancement dans lโespace, et ร la fois suffisamment robuste pour rรฉsister ร un environnement particuliรจrement difficile. ยซ [DOLCE] exploite la derniรจre gรฉnรฉration de matรฉriaux composites ultraminces pour atteindre une efficacitรฉ et une flexibilitรฉ de conditionnement sans prรฉcรฉdent ยป, a dรฉclarรฉ Sergio Pellegrino, professeur dโaรฉrospatiale et de gรฉnie civil ร Caltech, et co-directeur du projet.
Un mode de transmission complรจtement repensรฉ
De mรชme, alors que les panneaux solaires traditionnels nรฉcessitent un cรขblage important pour la transmission de lโรฉnergie, il a รฉtรฉ nรฉcessaire de tout rรฉinventer pour MAPLE. ยซ Lโensemble du rรฉseau MAPLE flexible, ainsi que ses puces รฉlectroniques de transfert dโรฉnergie sans fil et ses รฉlรฉments de transmission de base, ont รฉtรฉ conรงus ร partir de zรฉro. Il n’a pas รฉtรฉ fabriquรฉ ร partir d’รฉlรฉments que l’on peut acheter, car ils n’existaient mรชme pas ยป, explique Ali Hajimiri.
La vidรฉo suivante montre comment ces diffรฉrents รฉlรฉments sont installรฉs sur un vaisseau Vigoride, dรฉveloppรฉ par Momentus Space.
Le lancement du prototype, via une fusรฉe Falcon 9 de SpaceX, sโest dรฉroulรฉ sans encombre le 3 janvier. Lโรฉquipe de Caltech prรฉvoit de commencer ร mener ses expรฉriences dans les quelques semaines ร venir. Dรจs quโils auront accรจs au SSPD, ils commenceront pas commander le dรฉploiement de DOLCE ; une camรฉra embarquรฉe permettra de savoir immรฉdiatement si celui-ci sโest dรฉroulรฉ correctement ou non.
Il faudra en revanche jusquโร six mois pour รฉvaluer les performances des diffรฉrentes cellules photovoltaรฏques et une longue sรฉrie de tests devront รชtre rรฉalisรฉs dans le cadre de MAPLE. Plusieurs camรฉras permettront de surveiller le module tout au long de lโexpรฉrience. Toutes les technologies ont bien entendu รฉtรฉ testรฉes sur Terre et ont passรฉ avec succรจs les รฉtapes rigoureuses requises pour un lancement dans lโespace.
Quelle que soit lโissue des tests spatiaux, lโรฉquipe en tirera profit. ยซ Nous pensons que les expรฉriences spatiales nous fourniront de nombreuses informations supplรฉmentaires utiles qui guideront le projet ร mesure que nous continuerons ร avancer ยป, a dรฉclarรฉ Ali Hajimiri. Ce prototype permettra surtout de dรฉterminer si le concept dโรฉnergie solaire spatiale mรฉrite ou non que lโon y consacre davantage de ressources et de moyens.

