Des scientifiques élucident le mécanisme à l’origine du grisonnement des cheveux

mécanisme cheveux gris
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C’est inévitable : avec l’âge, les cheveux perdent leur couleur et virent au gris. Pour la plupart des individus, le changement s’opère progressivement à partir de l’âge de 30 ou 40 ans. Pour d’autres, le grisonnement peut survenir beaucoup plus tôt (causé par certains facteurs génétiques ou un traumatisme). Une équipe de la NYU Grossman School of Medicine affirme avoir élucidé le mécanisme à l’origine du phénomène. Leurs résultats pourraient mener à un traitement visant à stopper voire inverser le processus.

Chaque individu possède 100 000 à 150 000 cheveux et en perd plusieurs dizaines chaque jour. Leur couleur est liée à la pigmentation des follicules pileux, elle-même déterminée par deux types de mélanine — la phéomélanine et l’eumélanine, dont les concentrations respectives déterminent la couleur finale. Plus de 95% de la teneur en mélanine des cheveux noirs et bruns est de l’eumélanine, tandis que les cheveux blonds et roux présentent des concentrations élevées de phéomélanine.

Les cheveux gris et blancs sont dus, quant à eux, à un manque de pigmentation (on parle d’achromotrichie) : avec l’âge, pour des raisons inconnues, les cellules situées à la base des follicules pileux — les cellules souches mélanocytaires (CSM) — cessent de produire des pigments. Des chercheurs ont examiné l’évolution de ces cellules chez la souris, afin de déterminer pourquoi ces cellules souches « s’essoufflent » beaucoup plus tôt que les autres populations de cellules souches adultes.

Une dépigmentation due à la perte de motilité des cellules

La couleur des cheveux est déterminée par le fait que des groupes de CSM — non fonctionnelles, mais se multipliant continuellement dans les follicules pileux — reçoivent le signal leur indiquant d’évoluer en cellules matures, qui fabriquent alors les pigments protéiques responsables de la couleur. Pour mieux comprendre leur fonctionnement et leur capacité d’auto-renouvellement, les chercheurs ont examiné les CSM présentes sur la peau de souris, dont ils ont accéléré le vieillissement des follicules pileux par épilation répétée et repousse forcée.

perte cellules souches mélanocytaires souris
Au septième télogène (dernière phase du cycle de vie d’un cheveu), les follicules pileux « âgés » des souris affichaient une perte significative de CSM ; les rongeurs présentaient des poils grisonnants. © Q. Sun et al.

Grâce à des techniques récentes d’imagerie 3D intravitale, ils ont découvert que les CSM étaient dotées d’une grande plasticité. Au cours de la croissance du poil, elles se déplacent continuellement d’avant en arrière sur « l’axe de maturité », autrement dit, elles passent de l’état de cellule souche le plus primitif à celui de cellules de transit — une étape intermédiaire lors de laquelle elles commencent à devenir matures tout en continuant à se diviser.

Ce changement d’état s’effectue en passant d’un compartiment à l’autre du follicule pileux en développement ; à l’intérieur de ces compartiments, les CSM sont exposées à différents niveaux de signaux protéiques influençant leur maturité.

Il semblerait toutefois que cette faculté de mouvement s’amoindrisse avec l’âge. Les chercheurs ont en effet constaté qu’à mesure que les poils de souris vieillissent, tombent, puis repoussent, un nombre croissant de CSM demeurent « coincées » dans le bulbe du follicule pileux. Avant l’épilation des souris, 15% des CSM se trouvaient dans le bulbe; leur nombre avoisinait les 50% après le vieillissement forcé.

déplacement cellules souches mélanocytaires
Au septième télogène, de nombreuses CSM dans les follicules pileux avaient changé d’emplacement et étaient dispersées dans le bulbe, plutôt que d’être étroitement agrégées dans le compartiment germinal. © Q. Sun et al.

Un processus potentiellement réversible chez l’Homme

Ainsi bloquées, les cellules deviennent incapables de se régénérer ou de se transformer en mélanocytes producteurs de pigments. Ceci est dû au fait qu’elles ne sont plus suffisamment exposées à la signalisation WNT, qui normalement, les incitent à se différencier en cellules pigmentaires.

Des travaux antérieurs, menés par la même équipe de recherche, avaient indiqué en effet que les CSM étaient des billions de fois moins exposées à la signalisation WNT dans le bulbe du follicule pileux que dans le compartiment du germe pileux, qui est situé directement sous le bulbe. C’est pourquoi le follicule pileux, qui lui, continue de croître, forme un poil gris/blanc.

À l’inverse, les CSM qui ont conservé la capacité de se déplacer entre le bulbe du follicule et le germe du cheveu ont continué à se régénérer, à mûrir en mélanocytes et à produire du pigment pendant toute la durée de l’étude, soit deux ans. La motilité des cellules souches mélanocytaires et la différenciation réversible apparaissent donc comme essentielles pour conserver des cheveux colorés.

À noter que la plasticité observée est propre aux CSM et n’est pas présente dans d’autres cellules souches auto-régénératrices, telles que celles qui composent le follicule pileux lui-même. Ces dernières se déplacent tout le temps dans la même direction, selon une chronologie bien établie, à mesure qu’elles mûrissent ; elles ne reviennent jamais à un état de maturation antérieur. Cela explique en partie pourquoi les cheveux peuvent continuer à pousser même si leur pigmentation s’estompe, explique le Dr Qi Sun, chercheur principal de l’étude.

« Les mécanismes nouvellement découverts soulèvent la possibilité que le même positionnement fixe des cellules souches mélanocytaires puisse exister chez l’homme. Si c’est le cas, cela représente une voie potentielle pour inverser ou prévenir le grisonnement des cheveux humains », a déclaré le Dr Sun.

Pour ce faire, il suffirait de trouver le moyen de débloquer les cellules et de les amener à se déplacer à nouveau d’un compartiment à l’autre du follicule pileux. L’équipe prévoit ainsi d’étudier les moyens de restaurer la motilité des CSM et/ou de les ramener physiquement dans leur compartiment germinal, où elles peuvent produire du pigment.

Source : Q. Sun et al., Nature

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