Selon un rapport récent sur l’état du climat, 25 des 35 indicateurs vitaux de la planète affichent une détérioration sans précédent. Une étude menée par une collaboration internationale de chercheurs ajoute un nouvel indicateur alarmant, qui n’a pas encore été intégré dans les modèles climatiques : les puits de carbone naturels frôlent l’effondrement. En 2023, la capacité des sols, des océans et des forêts à absorber le dioxyde de carbone a chuté de manière spectaculaire, ce qui pourrait accélérer le dérèglement climatique bien au-delà des prévisions actuelles.
Par le biais de la photosynthèse, les arbres jouent un rôle clé dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, contribuant ainsi au refroidissement de la planète. Le zooplancton participe également à ce processus : il remonte à la surface la nuit pour se nourrir d’algues microscopiques avant de redescendre dans les profondeurs marines à l’aube, éliminant ainsi des millions de tonnes de dioxyde de carbone chaque année. Les puits de carbone naturels de la Terre, comprenant les océans, les forêts et les sols, absorbent près de la moitié des émissions de carbone d’origine humaine.
Cependant, l’année dernière, les températures de surface des mers ont dépassé les moyennes habituelles et des vagues de chaleur inédites ont frappé l’Inde, le Mexique, la Chine et la Grèce. Les cours d’eau ont aussi atteint des niveaux de sécheresse alarmants. Avec un réchauffement climatique de plus en plus perceptible à l’échelle mondiale, les climatologues craignent que les processus d’absorption de CO2 par les puits de carbone ne finissent par s’interrompre. Une inquiétude confirmée par une étude récente menée par une équipe internationale de chercheurs, incluant des climatologues des universités de Tsinghua et de Paris-Saclay.
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Les résultats préliminaires, publiés sur le serveur arXiv, montrent qu’en 2023, la végétation n’a absorbé que 730 millions de tonnes de carbone, contre une moyenne de 2 milliards de tonnes au cours des dix années précédentes. Un autre rapport sur les émissions de CO2 en 2023 révèle qu’un record de 37,4 milliards de tonnes de carbone a été atteint l’année dernière, soit 86 % de plus que l’année précédente. Ces chiffres troublants signalent, selon les auteurs de l’étude, « un affaiblissement sans précédent des puits terrestres et océaniques, soulevant la question du lieu et des raisons de cette réduction ».
Ces conclusions font écho à des recherches précédentes publiées dans la revue Nature en août 2023. Ces travaux avaient établi un lien entre la fonte des glaces et la capacité d’élimination du dioxyde de carbone par le zooplancton. Les glaciers du Groenland et les calottes polaires de l’Arctique fondent à un rythme accéléré, perturbant le courant océanique du Gulf Stream et exposant le zooplancton plus longtemps à la lumière du jour, ce qui entrave sa migration et ralentit l’absorption du carbone.
Comme le rapporte The Guardian, Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Potsdam, a déclaré lors d’un événement de la Semaine du climat à New York, qui s’est tenue en septembre : « Nous voyons des fissures dans la résilience des systèmes terrestres. Les écosystèmes perdent leur capacité de stockage et d’absorption du carbone, et les océans montrent aussi des signes d’instabilité ».
Puits de carbone : souvent négligés dans les modèles climatiques
Au fil du temps, la nature s’est adaptée à la dépendance humaine aux combustibles fossiles. Aujourd’hui, l’équilibre est rompu et les puits de carbone sont soumis à une pression intense. Le professeur Andrew Watson a expliqué au Guardian que les modèles climatiques sont trop optimistes en supposant que l’effondrement des puits de carbone sera lent, s’étalant sur cent ans. Mais, face à l’urgence climatique et à l’augmentation des émissions de carbone, ces puits risquent de perdre leur efficacité beaucoup plus rapidement.
Watson a déclaré : « Les climatologues s’inquiètent moins des éléments des modèles que de ceux qu’ils omettent ». Des facteurs comme la mort des arbres due à la sécheresse ou les feux de forêt, qui deviennent des sources importantes d’émissions de carbone, ne sont pas pris en compte dans les modèles climatiques.
L’effondrement des puits de carbone observé en 2023 pourrait être temporaire, dû aux incendies et sécheresses causés par les vagues de chaleur. Toutefois, si cette tendance persiste, le réchauffement climatique pourrait s’accélérer davantage. « Jusqu’à présent, la nature a compensé nos excès. Cela touche à sa fin », conclut Rockström.