Le concept n’est pas nouveau et plusieurs laboratoires dans le monde explorent la faisabilité de ce type de projet. Mais la société LONGi Green Energy Technology Company, basée à Xi’an, semble particulièrement avancée sur la question. Parvenir à collecter l’énergie solaire en continu au moyen de panneaux solaires spatiaux, puis la relayer et l’exploiter sur Terre, pourrait aider à répondre à la demande énergétique mondiale sans émissions de gaz à effet de serre.
L’idée est d’éliminer le principal inconvénient des panneaux photovoltaïques, à savoir qu’ils ne peuvent fonctionner que lorsque le soleil brille. Les panneaux solaires placés en orbite terrestre peuvent en effet exploiter l’énergie solaire en permanence, et pas seulement lors de journées ensoleillées. Le projet pourrait marquer le début d’une collaboration durable entre le secteur solaire et le programme spatial chinois. Wu Zhijian, président de la China Space Foundation, évoque même des centrales électriques « hors planète ».
La principale difficulté de ce projet n’est pas tant la conception des panneaux eux-mêmes, mais le développement d’un système de transmission sans fil de l’énergie vers des stations de réception terrestres, qui se chargeraient de la convertir en électricité. Des chercheurs de l’Université Xidian du Shaanxi ont toutefois déclaré au début de l’année qu’ils avaient testé avec succès une technologie spécifiquement conçue pour transmettre l’énergie solaire depuis l’espace. Celle-ci repose sur la conversion de la lumière solaire en faisceaux de micro-ondes.
Un tremplin potentiel pour atteindre les objectifs climatiques
Le système capte la lumière du soleil au-dessus du sol, puis la convertit en faisceaux de micro-ondes, qui sont ensuite transmis par voie aérienne à une station réceptrice au sol, où ils peuvent être convertis en électricité. Alors que l’expérimentation de la technologie n’a été effectuée qu’à 55 mètres d’altitude, les chercheurs espèrent que leur système pourra être étendu de manière à couvrir les longues distances séparant les panneaux en orbite et la Terre.
Le nouveau laboratoire de LONGi dédié au projet, le LONGi Green Energy Future Energy Space Laboratory, va commencer par tester l’utilisation de sa technologie sur Terre, dans des environnements difficiles, afin d’évaluer son aptitude à être utilisée dans des programmes spatiaux, précise le communiqué de l’entreprise. « L’environnement réel de l’espace extra-atmosphérique sera simulé au sol et les changements des performances pertinentes du produit seront surveillés », explique l’entreprise. Le laboratoire étudiera également des projets de satellites de surveillance de l’énergie et de l’environnement depuis l’espace.
À noter que CalTech travaille également à la conception de panneaux solaires spatiaux et a présenté ses premiers prototypes en 2017 — grâce à un don de plus de 100 millions de dollars de Donald Bren, le président d’Irvine Company. Les premiers prototypes du Space-based Solar Power Project (SSPP) devraient être lancés au début de 2023 ; leur système de transmission repose lui aussi sur des ondes radio à haute fréquence. Des équipes au Japon, en Russie et en Inde travaillent également sur le sujet, rapporte Bloomberg.
Le gouvernement britannique envisage lui aussi de construire une centrale solaire dans l’espace, d’ici 2035. Plus de 50 organisations technologiques britanniques ont ainsi rejoint la UK Space Energy Initiative, lancée en 2021 pour explorer la faisabilité de ce projet, estimé à 17 milliards de livres sterling. Les experts estiment qu’une centrale spatiale pourrait aider le Royaume-Uni à atteindre son objectif de zéro émission de gaz à effet de serre d’ici 2050.
Des panneaux qui pourraient se dégrader rapidement
Selon la plateforme Our World in Data, la consommation mondiale d’énergie primaire en 2021 était supérieure à 165 000 TWh ; la part d’énergie solaire n’était que de 2700 TWh. Si la technologie de LONGi fonctionne, elle pourrait être révolutionnaire. Elle soulève cependant certains problèmes. Le poids des panneaux solaires était initialement l’un des principaux défis à résoudre, mais le développement de cellules solaires ultralégères a permis de s’affranchir de cette difficulté. Néanmoins, l’assemblage d’une seule centrale solaire spatiale nécessitera de nombreux lancements de navettes spatiales — des transports coûteux et générant d’importantes émissions de gaz à effet de serre.
Selon les propos rapportés par Electrek, Derek Wise, rédacteur chez Space Explored, souligne à juste titre que même si les panneaux solaires spatiaux offrent un rendement deux à trois fois supérieur aux panneaux solaires terrestres, ils ne compenseront pas les dizaines de millions de dollars requis pour leur lancement. « Nous avons déjà trop de débris spatiaux et de grandes constellations de satellites en orbite. Il n’existe pas de réglementation pour garantir que les opérateurs coopèrent pour s’éviter, et en ajouter d’autres ne va pas améliorer la situation », ajoute Seth Kurkowski, également rédacteur chez Space Explored.
En outre, non seulement les panneaux solaires pourront être endommagés par les débris spatiaux, mais ils sont susceptibles de se dégrader bien plus rapidement que sur Terre — car ils ne seront pas protégés par l’atmosphère terrestre et seront exposés en permanence à un rayonnement très intense.
Malgré des coûts d’investissement particulièrement élevés et un rendement incertain, certains partisans du projet demeurent confiants. « LONGi Green Energy a grandement contribué à la réduction substantielle des coûts photovoltaïques, faisant du photovoltaïque l’énergie électrique la moins chère de l’histoire », a déclaré Martin Green, expert en développement et utilisation de l’énergie solaire et professeur à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. Grâce à son projet spatial, la firme continuera sans doute d’améliorer encore un peu plus ses technologies terrestres. La technologie pourrait également être utile pour une future présence humaine durable sur la Lune, voire sur Mars.