Le Soleil : une lentille gravitationnelle potentielle pour observer les exoplanètes ?

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| D. Morinson
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Conformément aux prédictions de la relativité générale, les sources massives génèrent un champ gravitationnel courbant la trajectoire de la lumière. Et depuis de nombreuses années, les astrophysiciens utilisent ce phénomène afin de profiter de l’effet de lentille gravitationnelle pour observer des objets lointains qui, sans cela, échapperaient à nos télescopes. Lorsque la lumière d’un tel objet lointain croise le chemin d’une source massive située entre lui et l’observateur, la lumière est amplifiée, permettant aux astronomes de recueillir de précieuses informations sur leur cible. Dans ce cadre, deux physiciens ont proposé d’utiliser le Soleil comme lentille gravitationnelle afin d’imager directement certains objets distants. Une telle solution pourrait, notamment, accélérer la recherche d’exoplanètes.

Comme Einstein l’avait prédit à l’origine avec sa théorie de la relativité générale, la gravité modifie la courbure de l’espace-temps. En conséquence, la trajectoire de la lumière change à mesure qu’elle rencontre un champ gravitationnel, c’est ainsi que la Relativité générale a été confirmée. Pendant des décennies, les astronomes en ont profité pour utiliser des lentilles gravitationnelles (GL) — où une source distante est focalisée et amplifiée par un objet massif au premier plan.

Dans une étude récente, deux physiciens théoriciens affirment que le Soleil pourrait être utilisé de la même manière pour créer une lentille gravitationnelle solaire (SGL). Selon eux, ce puissant télescope fournirait une amplification de lumière suffisante pour permettre des études d’imagerie directe d’exoplanètes proches. Cela pourrait permettre aux astronomes de déterminer si des planètes comme Proxima b sont potentiellement habitables bien avant d’envoyer des sondes pour les étudier.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

En plus de permettre toutes sortes de recherches astrophysiques en détail, les lentilles gravitationnelles ont également abouti à certaines des images les plus spectaculaires de l’Univers jamais prises. Celles-ci incluent ce que l’on appelle les « anneaux d’Einstein », ce à quoi la lumière d’un objet éloigné peut parfois ressembler une fois qu’elle rencontre un champ gravitationnel (dû par exemple à un amas de galaxies) entre cet objet et l’observateur.

Le Soleil : un bon candidat en tant que lentille gravitationnelle pour l’imagerie directe

En fonction de l’alignement entre l’observateur, la source et l’objectif, la lumière de la source peut également apparaître sous la forme d’un arc, d’une croix ou d’une autre forme. Alors que tout corps massif peut être utilisé comme lentille gravitationnelle, le Soleil est dans une position avantageuse pour l’astronomie. Pour commencer, c’est le corps le plus massif du Système solaire, ce qui en fait l’objectif le plus puissant disponible.

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Schéma montrant le fonctionnement optique d’une SGL. © V. Toth and S. Turyshev

Deuxièmement, la région focale de son objectif commence à une distance d’environ 550 UA du Soleil, ce qui est une distance réaliste à atteindre pour une future mission. La région focale du prochain plus grand objet (Jupiter) commence à une distance de plus de 2400 UA. En bref, les astronomes pourraient concevoir un alignement approprié avec le Soleil pour créer une SGL et l’utiliser pour des observations astronomiques.

L’imagerie directe est une méthode particulièrement prometteuse en ce qui concerne la caractérisation des exoplanètes, sur laquelle les futures études se concentreront comme jamais auparavant (par opposition à la détection indirecte d’exoplanètes). En examinant la lumière réfléchie directement par l’atmosphère ou la surface d’une planète, les astronomes peuvent obtenir des spectres qui indiquent de quoi l’atmosphère d’une planète est composée et peut-être même détecter des signes de végétation à la surface.

L’efficacité d’une lentille gravitationnelle solaire

Pour déterminer si une SGL est possible, Toth et Turyshev se sont appuyés sur des études antérieures où ils ont développé une description théorique des phénomènes ondulatoires pour une SGL. Ils ont ensuite simulé quelles images de la Terre avec une résolution de 1024 x 1024 pixels (illustrée ci-dessous) ressembleraient à une convolution avec un bruit gaussien ajouté (à gauche) et après la déconvolution (à droite).

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Simulation de la Terre vue par SGL à une distance de 4.2 années-lumière, sans et avec déconvolution. © V. Toth and S. Turyshev

Voici à quoi ressemblerait la Terre si elle était à la même distance que Proxima Centauri (4.24 années-lumière) et imagée par un télescope positionné à 650 UA du Soleil (en l’utilisant comme lentille). Si vous observez bien, vous pouvez voir la couverture nuageuse et le contraste entre les masses continentales — dans ce cas, les États-Unis, la Baja California, le Mexique. Toth et Turyshev estiment que le temps d’exposition total nécessaire pour obtenir cette quantité de détails serait d’environ un an.

Obstacles et solutions possibles à la réalisation d’une lentille gravitationnelle solaire

Bien entendu, l’équipe a également identifié plusieurs défis qu’il faudrait d’abord surmonter. La distance à la région focale est le problème le plus important : environ 82.28 milliards de km (de la Terre). C’est environ quatre fois la distance entre la Terre et la sonde Voyager 1, qui détient le record de la mission la plus éloignée à ce jour — 150 UA (22.44 milliards de km).

Deuxièmement, ils ont découvert que la lentille souffrirait d’aberrations sphériques et d’astigmatisme, qui devraient être corrigés. Enfin, la luminosité intense du Soleil surpasserait naturellement toute lumière obtenue à partir d’objets distants. Heureusement, il existe quelques solutions potentielles que Toth et Turyshev recommandent. Par exemple, leur étude conceptuelle appelle à l’utilisation d’un télescope avec un miroir primaire de 1 mètre, bien qu’un télescope de 2 à 2.5 m soit également possible.

Cela pourrait être réalisé, affirment-ils, en envoyant une petite flotte d’engins spatiaux d’imagerie qui pourraient combiner leur résolution pour corriger les aberrations. Afin de faire face aux interférences du Soleil, un coronographe correctement construit devra également être développé. Heureusement, Toth et Turyshev estiment que, compte tenu de la distance focale du Soleil, un coronographe d’environ 1 m de diamètre suffira. Tout comme la technologie d’une constellation de petits vaisseaux spatiaux qui se combinent pour créer un télescope spatial, cela devra attendre les développements futurs.

Sources : arXiv

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