Hier, alors qu’on l’interrogeait sur l’avancement du vaisseau Starship, Elon Musk a confié que son lanceur super lourd serait prêt non seulement pour la première mission habitée du programme Artemis de 2024, mais « probablement plus tôt ». Effectivement, le vaisseau a été installé au sommet du lanceur il y a quelques jours, confirmant que le premier essai de vol orbital est imminent.
Le PDG de SpaceX fait preuve d’un optimisme sans faille, alors que le Bureau de l’inspecteur général de la NASA a récemment publié un rapport expliquant que les délais prévus ne pourront certainement pas être respectés. « Un alunissage à la fin de 2024, comme le prévoit actuellement la NASA, n’est pas possible », peut-on lire dans le document. Il s’avère que les combinaisons spatiales nouvelle génération, actuellement en développement, ne seront pas prêtes avant avril 2025 au plus tôt selon les experts.
En dehors de ces retards liés à l’équipement, la mission s’avère elle-même particulièrement difficile : SpaceX pourrait avoir besoin d’effectuer 16 lancements pour se rendre sur la Lune, selon son concurrent Blue Origin, dirigée par Jeff Bezos. Une information démentie immédiatement par Elon Musk lui-même, qui estime que huit vols devraient suffire pour transporter le carburant nécessaire au voyage sur la Lune.
Une décision encore difficile à accepter pour Blue Origin
Quand bien même 16 lancements seraient nécessaires, cela ne poserait pas de problème a ajouté l’homme d’affaires. « SpaceX a effectué plus de 16 vols orbitaux au cours du premier semestre 2021 et s’est amarré à la Station (ce qui est beaucoup plus difficile que de s’amarrer à notre propre vaisseau) plus de 20 fois », explique-t-il sur son compte Twitter.
SpaceX serait donc dans les starting-blocks selon son PDG. Et malgré les plaintes de Blue Origin — qui prétend que SpaceX a bénéficié d’un traitement préférentiel pendant le processus de sélection de la NASA —, Elon Musk garde le cap. Plus tôt cette année, la NASA a en effet décidé de confier à SpaceX la construction de l’engin qui ramènera l’Homme sur la Lune, le Human Landing System (HLS) ; SpaceX était alors en concurrence avec Blue Origin et Dynetics. Un accord exclusif, difficile à accepter pour les deux autres constructeurs, alors que l’agence américaine prévoyait initialement d’accorder plusieurs contrats HLS.
Le HLS reposera sur une version spécialement adaptée du Starship. Mais dans un entretien accordé à FOX Business la semaine dernière, Blue Origin soulignait le peu d’examens de préparation au vol prévus dans la proposition de son concurrent : « L’approche complexe de SpaceX nécessite 16 lancements consécutifs avec seulement trois examens de préparation au vol au lieu d’un pour chaque lancement […] [Ces examens] sont fondamentaux pour la sécurité et sont particulièrement importants pour les véhicules réutilisables et les lancements multiples en succession rapide », expliquent les responsables.
Pour Blue Origin, ces lacunes pourraient même empêcher les États-Unis « d’atterrir sur la Lune d’une manière sûre et durable » et la société exhorte la NASA de lui attribuer un deuxième contrat HLS pour garantir une plus grande sécurité et le succès de la mission. Jeff Bezos a par ailleurs proposé de prendre en charge plus de 2 milliards de dollars des coûts en échange de ce contrat.
Un premier vol en 2024 finalement peu probable
Elon Musk reste confiant. Selon lui, le ravitaillement de son vaisseau ne sera pas un problème. « Sans volets ni bouclier thermique, Starship est beaucoup plus léger. Les jambes d’atterrissage n’ajoutent pas grand-chose (1/6 de gravité). Il pourrait n’avoir besoin que d’un demi-plein, soit 4 vols de ravitailleurs », détaille-t-il sur son compte Twitter. La NASA semble être confiante elle aussi : le mois dernier, elle a versé 300 millions de dollars à SpaceX pour assurer le bon déroulement des opérations — c’est l’un des investissements les plus importants réalisés par la NASA. Selon le site USASpending.gov, l’agence aurait déjà versé près de 440 millions de dollars au total à SpaceX pour ce projet évalué à 3 milliards de dollars.
Et du côté de SpaceX, les travaux avancent plutôt bien. Le premier vol orbital du lanceur super lourd surmonté de Starship est prévu pour cet automne, sous condition d’obtenir le feu vert de la Federal Aviation Administration, qui doit encore déterminer si les installations de la société sont bien conformes aux normes environnementales.
En résumé, le retour de l’Homme sur la Lune s’annonce plutôt bien pour le moment ; du moins, du côté du véhicule. Reste à tester la procédure de ravitaillement dans l’espace, sans laquelle le voyage vers la Lune — et encore moins celui vers Mars — ne pourra être envisagé. Ce test de transfert de carburant, qui impliquera donc deux vaisseaux, sera l’étape suivante à franchir pour confirmer la faisabilité du projet. Par ailleurs, on ne peut ignorer l’avertissement de la NASA sur le développement des nouvelles combinaisons xEMU (Exploration Extravehicular Mobility Unit) ; même les unités prévues pour l’entraînement des astronautes ne seront a priori pas prêtes à temps. Si Elon Musk a immédiatement assuré que SpaceX pourrait aussi s’en charger, cela reste pour le moment purement hypothétique. Ainsi, malgré les motivations du milliardaire, il est tout de même fort probable que le calendrier initial ne soit pas respecté et qu’il faille attendre quelques mois de plus…