Les peindre en noir, placer un bouclier antirayonnements… L’entreprise SpaceX a tenté plusieurs approches pour tenter de masquer ses trains de satellites lumineux qui contrarient tant les astronomes… Sans grand succès, pour le moment.
Les avez-vous déjà aperçus dans le ciel nocturne ? Si vous êtes amateur de ciel étoilé, vous avez même vraisemblablement été agacé par ces fameux « trains de satellites » lancés par SpaceX. Ce projet, nommé Starlink, a débuté son déploiement officiel en 2019. Il a pour objectif de fournir un service à haut débit partout sur la planète en déployant une « constellation » de satellites en orbite basse. SpaceX a donc prévu de déployer à terme quelque 42 000 « mini » satellites. Seuls quelques milliers ont déjà été placés en orbite : et pourtant, leur déploiement pose déjà question.
En effet, ces satellites émettent une forte luminosité qui vient perturber l’étude du ciel nocturne. Selon l’analyse de l’Union astronomique internationale, ils augmenteraient la luminosité du ciel nocturne jusqu’à 10%, créant des traînées lumineuses. Pour certains télescopes, près de la moitié des images capturées pourraient ainsi se révéler inutilisables. Un obstacle supplémentaire dont les scientifiques se seraient bien passés. Dans un article récent, le New Scientist a interrogé Jonathan McDowell, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, dans le Massachusetts. Le scientifique a partagé ses inquiétudes à ce sujet : il affirme que de nombreux projets d’études pourraient prendre plus de temps à se concrétiser, voire échouer purement et simplement à cause de ces satellites.
Afin de remédier à cette question, SpaceX a tenté plusieurs approches. L’une d’entre elles est de « peindre en noir » ses satellites. La technique peut sembler un peu enfantine, mais elle a en réalité une certaine logique. Pour être plus précis, certains éléments à la géométrie complexe sont peints en noir, tandis que des matériaux directement conçus dans des tons noirs sont placés là où c’est possible. Cette approche devait permettre de réduire la luminosité des éléments placés dans l’espace par SpaceX. Toutefois, cette méthode a tendance à réduire les performances, car elle induit une surchauffe des matériaux.
Dévier les rayons du soleil : pas si simple
Une autre méthode a pour principe de « dévier » les rayons du soleil non pas en changeant la couleur, mais en ajoutant des éléments sur les satellites. « Sur ses satellites de première génération, SpaceX a mis au point des « pare-soleil » qui empêchent la lumière du soleil d’atteindre la partie inférieure du châssis », peut-on lire dans l’un de leurs rapports. Cependant, ce matériau bloquait certaines liaisons dont l’entreprise avait besoin pour étendre sa couverture réseau aux régions les plus reculées du monde. Cette première approche a donc été abandonnée. En outre, une étude avait démontré que la brillance était toujours conséquente, même avec les pare-soleil.
Depuis, l’entreprise a commencé à développer des « films miroirs transparents aux radiofréquences », qui ont pour but de diffuser une majorité des rayons du soleil dans une autre direction que celle de la Terre. Elle espère pouvoir les mettre en place sur de futures versions de ses satellites, et même commercialiser la méthode pour d’autres entreprises qui mettraient des satellites en orbite.
Patrick Seitzer, un scientifique de l’Université du Michigan interrogé par le New Scientist, concède qu’il peut s’agir là d’actes de bonne foi de la part de l’entreprise. « SpaceX a investi plus que tout autre propriétaire/opérateur de satellites pour développer et déployer de telles technologies et techniques », affirme quant à elle l’entreprise. Cependant, les efforts de SpaceX n’ont pas vraiment porté leurs fruits jusqu’ici. Et surtout, craint le scientifique, SpaceX n’est pas la seule entreprise dans la course. Même si l’entreprise devait réussir à masquer la luminosité de ses satellites, les autres en feront-elles de même ? De nombreux astronomes ont donc publiquement exprimé l’opinion qu’une régulation générale est nécessaire.
Mais le temps que cette régulation soit mise en place, Patrick Seitzer craint qu’il ne soit déjà trop tard. En effet, il pense que nous pourrions arriver à une phase où les entreprises vont se précipiter pour lancer le plus de satellites possible avant qu’une quelconque loi ne les en empêche. En août 2022, l’entreprise E-Space aurait par exemple déposé une demande concernant pas moins de… 300 000 satellites. Reste à savoir qui gagnera cette course contre la montre…