Le sucralose (ou E955) est un édulcorant largement utilisé en tant qu’additif artificiel dans l’agroalimentaire. Si depuis quelques années les médecins lui soupçonnent des effets néfastes sur la santé, les mécanismes induisant cette toxicité au niveau cellulaire n’étaient pas bien définis. Corroborant ces hypothèses, une nouvelle étude révèle que le sucralose et son métabolite seraient hautement toxiques pour l’ADN et induiraient une hyperperméabilité intestinale.
Actuellement, il n’existe aucune contre-indication particulière pour le sucralose. Au contraire, il est parfois prescrit pour contrôler la glycémie chez les personnes souffrant de diabète et d’obésité. En Europe, la dose journalière recommandée est d’environ 15 mg/kg de poids corporel. Bien qu’il soit non calorique, il entretient l’appétence pour le sucre, et les scientifiques lui soupçonnent des effets néfastes sur les intestins et le métabolisme du sucre.
Des travaux antérieurs de l’Université d’État de la Caroline du Nord ont révélé que le sucralose-6-acétate, un composé toxique dérivé du sucralose, est présent non seulement dans la substance elle-même mais est également produit dans l’intestin sous forme de métabolite, après ingestion de l’édulcorant. Les composés acétylés sont hautement lipophiles et se fondent facilement dans nos tissus adipeux. Ils sont ainsi plus susceptibles de se fixer longtemps dans notre organisme. Lors d’expériences chez des rats, le métabolite a été détecté dans l’urine et dans les selles, même plusieurs jours après la dernière consommation de sucralose.
La nouvelle étude, publiée par les éditeurs Taylor & Francis Online et menée par les mêmes chercheurs, révèle que le sucralose et son dérivé acétylé sont « génotoxiques ». « D’autres études ont montré que le sucralose peut nuire à la santé intestinale, nous voulions donc voir ce qui pourrait s’y passer », explique l’auteure correspondante Susan Schiffman, professeure auxiliaire de génie biomédical de l’Université d’État de la Caroline du Nord.
Les chercheurs ont également découvert que le sucralose-6-acétate est présent sous forme de traces dans le sucralose standard, avant que celui-ci ne soit consommé. Les autorités en matière de sécurité alimentaire recommandent un seuil quotidien de 0,15 microgramme par personne, pour les substances génotoxiques. Or, le taux de sucralose acétylé dans les boissons artificiellement sucrées serait largement supérieur à ce seuil (une concentration de 0,67%), selon les auteurs de l’étude. De surcroît, ce taux ne tient pas compte de la quantité de sucralose-6-acétate dans l’organisme, une fois le sucralose métabolisé au niveau des intestins.
Le sucralose est de ce fait un candidat de plus sur la liste des nombreux édulcorants couramment utilisés et déclarés nocifs pour la santé. Ces découvertes soulignent l’importance de mettre ces substances au rang de préoccupation majeure pour la santé publique. D’ailleurs, les diététiciens recommandent de consommer davantage d’aliments naturellement sucrés ou d’utiliser en cuisine des sources de sucre naturelles.
Des ruptures au niveau de l’ADN et des jonctions intestinales
Les expériences menées par les chercheurs consistaient à exposer, in vitro, des cellules sanguines humaines au sucralose-6-acétate et à analyser les marqueurs de génotoxicité. Pour ce faire, une technologie de dépistage de génotoxicité à haut débit ainsi qu’un test du micronoyau détectant les dommages cytogénétiques, ont été utilisés. Après analyses, il a été constaté que le composé provoquait des ruptures au niveau de l’ADN (ou clastogène). Ces effets ont été observés à la concentration maximale recommandée par les autorités européennes (0,15 microgramme par personne et par jour).
Des tests sur les tissus épithéliaux tapissant la paroi intestinale ont également été effectués pour le sucralose et son dérivé acétylé. Suite à l’exposition des tissus aux deux substances, des dommages au niveau des jonctions serrées reliant les cellules entre elles ont été observés. Cette rupture impacte considérablement l’intégrité de la barrière intestinale et provoque une hyperperméabilité de la paroi. Ce qui indique que l’édulcorant peut provoquer des fuites intestinales. Ces dernières sont dangereuses pour l’organisme, car les substances et les pathogènes évacués dans les matières fécales pourraient être réabsorbées dans la circulation sanguine.
En analysant les expressions géniques induites par ces expositions au niveau des cellules intestinales, il a été constaté que le sucralose-6-acétate provoquait une surexpression des gènes liés à l’inflammation, au stress oxydatif et à la formation de tumeurs.
La présence du gène exprimant la métallothionéine 1 G (MT1G) a particulièrement interpellé les chercheurs, cette protéine étant impliquée dans la formation, la progression et la résistance des tumeurs aux médicaments. En outre, le dérivé acétylé de l’édulcorant a inhibé la sécrétion de deux molécules appartenant à la famille des cytochromes P450 : CYP1A2 et CYP2C19. Ces derniers jouent un rôle majeur dans les réactions d’oxydoréduction pour un grand nombre de molécules vitales pour notre organisme.
« Ce travail soulève de nombreuses inquiétudes quant aux effets potentiels sur la santé associés au sucralose et à ses métabolites. Il est temps de revoir l’innocuité et le statut réglementaire du sucralose, car les preuves qu’il comporte des risques importants s’accumulent », recommande Schiffman.