Le sursaut gamma le plus brillant jamais observé présente une structure de jet inédite

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Le télescope à rayons X Swift a capturé la rémanence du GRB 221009A environ une heure après sa détection. | NASA/Swift/A. Beardmore (Université de Leicester)
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Les sursauts gamma sont les explosions les plus violentes et les plus énergétiques de l’Univers, libérant en quelques secondes la même quantité d’énergie que le Soleil pendant toute sa vie ! Il y a quelques mois, des scientifiques ont détecté le sursaut le plus brillant jamais observé, baptisé GRB 221009A. Un examen approfondi du phénomène a révélé que le jet de matière expulsé lors de l’explosion avait une structure très inhabituelle, qui pourrait expliquer l’intensité exceptionnelle de son rayonnement.

Les sursauts de rayons gamma (ou GRB, pour gamma-ray bursts) sont de brèves mais puissantes explosions cosmiques. Celles qui durent plus de quelques secondes sont généralement associées à la mort d’étoiles très massives, en rotation rapide ; ce sont les explosions les plus énergétiques de l’Univers. Le 9 octobre 2022, le Fermi Gamma-ray Space Telescope et le Neil Gehrels Swift Observatory ont détecté une rafale extrêmement lumineuse, durant plusieurs centaines de secondes.

L’événement, baptisé GRB 221009A, est le GRB le plus brillant jamais détecté en près de 55 ans d’exploitation d’observatoires de rayons gamma. Sa luminosité dépasse celle des sursauts GRB 840304 et GRB 130427A — les précédents détenteurs du record — de plus d’un ordre de grandeur ! « En raison de son énorme énergie (environ 1055 erg) et de sa proximité (avec un redshift estimé à 0,15), GRB 221009A est un événement exceptionnellement rare qui repousse les limites de nos théories », écrivent les chercheurs dans Science Advances.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Un jet étroit, intégré dans un écoulement plus large

Ce GRB exceptionnel a été surnommé « the BOAT » (pour the brightest-of-all-time). Son rayonnement de haute énergie était si intense qu’il a perturbé l’ionosphère terrestre, soulignent les chercheurs. Ce sursaut a été détecté par le télescope Fermi pendant plus de 10 heures ; depuis, il a fait l’objet d’observations multi-longueurs d’onde couvrant les 3 premiers mois de l’évolution de sa rémanence.

La phase de rayons gamma rapides a été suivie d’un rayonnement rémanent non thermique à plus longue durée de vie, visible sur près de 19 décades d’énergie, de la radio basse fréquence à la gamme des téraélectronvolts (jusqu’à 18 TeV !), précise l’équipe. Cette phase de rémanence était exceptionnellement brillante à toutes les fréquences et à tout moment, dépassant de plus d’un ordre de grandeur toutes les rémanences de rayons X observées jusqu’à présent.

L’explosion est survenue relativement proche de nous, dans la direction de la constellation de La Flèche, à environ 2,4 milliards d’années-lumière de la Terre — ce qui est plus de 20 fois plus proche que la moyenne des GRB. Cependant, cette proximité ne suffit pas à expliquer les propriétés exceptionnelles du BOAT, note l’équipe.

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Schéma du jet structuré du GRB 221009A. © B. O’Connor et al.

En examinant de plus près les données, les chercheurs ont découvert que le jet de matière émis par le GRB 221009A présentait une structure particulière, entraînant dans son sillage une quantité importante de matière stellaire. Il était constitué d’un noyau étroit, d’où provenaient les rayons gamma rapides, mais s’étendait sous forme d’un écoulement de gaz très large, d’où émanaient probablement les rayons rémanents hautement énergétiques à faible atténuation.

Cette structure atypique le distingue des types de jets observés jusqu’à présent dans les sursauts gamma produits par d’autres événements cataclysmiques. Elle pourrait expliquer la longue rémanence de ce GRB, que les astronomes ont pu observer dans plusieurs longueurs d’onde pendant des mois après sa découverte initiale.

Vers une meilleure compréhension des sursauts gamma

Les chercheurs ont une théorie pour expliquer l’origine de cette structure unique. « Les jets de GRB doivent traverser l’étoile en cours d’effondrement dans laquelle ils se forment. Nous pensons que ce qui a fait la différence ici, c’est l’ampleur du mélange qui s’est produit entre le matériau stellaire et le jet, de sorte que le gaz chauffé par choc a continué à apparaître dans notre ligne de mire jusqu’au moment où toute signature caractéristique du jet aurait été perdue dans l’émission globale de la rémanence », explique le Dr Hendrik Van Eerten, chercheur au département de physique de l’Université de Bath et co-auteur de l’étude.

Ces résultats aident à comprendre le BOAT, mais aussi les précédents détenteurs de records de luminosité. « Le GRB 221009A représente une avancée considérable dans notre compréhension des sursauts gamma et démontre que les explosions les plus extrêmes n’obéissent pas à la physique standard supposée pour les sursauts gamma de type classique », a déclaré Brendan O’Connor, astrophysicien de l’Université George Washington et premier auteur de l’étude.

« Pendant longtemps, nous avons pensé que les jets avaient la forme d’un cône de glace. Cependant, certains sursauts gamma de ces dernières années, et en particulier les travaux présentés ici, montrent que nous avons besoin de modèles plus complexes et de simulations informatiques détaillées des jets de sursauts gamma », souligne Alexander van der Horst, professeur agrégé de physique à l’Université George Washington et co-auteur de l’étude.

Selon les scientifiques, ce sursaut résulte probablement de la naissance d’un trou noir, formé suite à l’effondrement gravitationnel d’une étoile massive. Ainsi, la lumière exceptionnelle de cette ancienne explosion apporte de nouvelles informations sur l’effondrement stellaire, la naissance d’un trou noir, ainsi que sur le comportement et l’interaction de la matière à une vitesse proche de la lumière. De futures études permettront de déterminer pourquoi ces GRB extrêmes sont si rares.

« Le GRB 221009A pourrait être l’équivalent de la pierre de Rosette des GRB longs, nous obligeant à revoir nos théories standard sur la formation des flux relativistes dans les étoiles massives en effondrement » conclut O’Connor.

Source : B. O’Connor et al., Science Advances

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