Selon l’Institut national du cancer, sur 47 582 nouveaux cas de cancer colorectal diagnostiqués en 2023, 17 000 décès ont été enregistrés. Les principaux traitements contre ce type de cancer s’appuient sur la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie, adaptés à chaque situation. L’objectif est d’éliminer les cellules cancéreuses, une stratégie s’inscrivant dans la continuité des avancées technologiques récentes dans ce domaine. Néanmoins, cette approche classique présente des limites majeures, notamment la destruction de cellules saines, à l’origine d’effets secondaires parfois sévères. Dans une récente étude, des chercheurs coréens ont mis au point une technologie capable de surmonter ces obstacles en convertissant les cellules cancéreuses en cellules saines.
Depuis plusieurs années, les cellules souches cancéreuses suscitent l’intérêt des scientifiques en raison de leur capacité à se transformer en divers types de cellules. En biologie, ce processus de différenciation correspond à une transformation qui rend une cellule plus « mature » et spécialisée.
Après les avoir étudiées de près, des chercheurs coréens ont développé une thérapie innovante baptisée « réversion cancéreuse ». Cette méthode consiste à induire la différenciation des cellules souches cancéreuses pour qu’elles se transforment en cellules saines, freinant ainsi leur prolifération. Elle repose sur la réactivation des gènes mutés dans les cellules cancéreuses afin de restaurer leurs fonctions normales. Cependant, le mécanisme exact permettant cette réactivation reste à préciser, bien que l’étude suggère des pistes prometteuses.
Dirigée par le professeur Kwang-Hyun Cho du département d’ingénierie biologique et cérébrale de l’Institut avancé des sciences et technologies de Corée (KAIST), les chercheurs ont mis au point une technique permettant de convertir les cellules cancéreuses du côlon en cellules saines, sans les détruire. « Cette recherche introduit un concept novateur de thérapie réversible du cancer, en transformant les cellules cancéreuses en cellules normales », a déclaré le professeur Cho dans un communiqué.
Identification des commutateurs moléculaires
Pour mener leurs travaux, les chercheurs ont observé de près les mécanismes de l’oncogenèse avant de développer une technologie permettant de créer un « jumeau numérique » des réseaux génétiques impliqués dans les trajectoires de différenciation des cellules saines.
Grâce à une série de simulations appliquées à des données issues du transcriptome unicellulaire de l’intestin humain adulte, ils ont identifié des commutateurs moléculaires essentiels au processus de différenciation. Leur analyse a mis en lumière un trio de régulateurs clés : HDAC2, MYB et FOXA2, des protéines qui bloquent la différenciation des entérocytes, cellules constitutives de l’intestin et du côlon.
Les chercheurs ont ensuite mené des expériences sur des modèles murins, en inhibant ces commutateurs moléculaires dans les cellules cancéreuses du côlon. Selon les résultats, publiés dans Advanced Science, cette intervention a permis de restaurer un état proche de celui des cellules saines, et ce sans induire d’effets secondaires associés aux traitements conventionnels.
« L’importance de cette technologie réside dans son potentiel d’application à d’autres types de cancer, ouvrant la voie au développement de traitements réversibles », explique Cho. « Le fait de convertir des cellules cancéreuses en cellules normales démontre que ce processus peut être induit de manière systématique », a-t-il conclu.