Une terraformation à base de poussière artificielle pourrait rendre Mars habitable à moindre coût

L’approche est 5000 fois moins coûteuse que les précédentes suggestions.

étude terraformation mars
| Daein Ballard – CC BY-SA 3.0
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Injecter des nanobâtonnets de fer et d’aluminium dans l’atmosphère de Mars pourrait permettre d’y enclencher artificiellement un effet de serre et d’atteindre ainsi une température de surface de plus de 10 °C en seulement quelques mois, avance une nouvelle étude. Adaptée à l’épanouissement de la vie microbienne, cette température pourrait constituer la première étape vers une planète rouge habitable, en faisant notamment fondre son pergélisol.

Les vallées fluviales asséchées jalonnant la surface de Mars témoignent du riche passé hydrologique de la planète. Des études ont montré que de nombreux ruisseaux circulaient il y a à peine 600 000 ans, suggérant que la planète était sur le point de devenir habitable avant que son champ magnétique et son atmosphère ne s’estompent. Au fil des milliers d’années qui ont suivi, la planète est finalement devenue trop froide (-63 °C en moyenne) pour que la vie puisse s’y établir.

Il a été suggéré que le réchauffement de la planète est la clé pour la rendre habitable (un processus appelé « terraformation »). En effet, bien que son atmosphère soit principalement composée de CO2, elle est ténue. En effet, la teneur en CO2 condensé ou minéralisé dans l’atmosphère doit être élevée pour enclencher un effet de serre suffisamment puissant pour réchauffer l’ensemble de la planète.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Différentes méthodes ont été proposées pour réchauffer la surface de Mars et amorcer sa terraformation. Une étude a par exemple suggéré d’utiliser des sortes de tuiles de gel transparent pour séquestrer l’énergie thermique. Cependant, cette méthode engagerait des coûts considérables et nécessiterait d’importer de grandes quantités de matériaux depuis la Terre. Une autre alternative proposait d’injecter des gaz à effet de serre artificiels (comme les chlorofluorocarbures) dans l’atmosphère martienne. Cependant, cela nécessiterait l’utilisation d’environ 100 000 mégatonnes de fluor, un élément rare dans le sol de la planète.

Une équipe de recherche de l’Université de Chicago, de l’Université Northwestern et de l’Université du Centre de la Floride propose donc une nouvelle approche de terraformation qui utiliserait des matériaux de base abondants à la surface de Mars. Cette disponibilité du matériau implique une faisabilité nettement supérieure à celle des techniques précédemment proposées.

terraformation mars
Représentation artistique de phases hypothétiques pour la terraformation de Mars. © Daein Ballard/Wikipedia

Un effet de réchauffement réversible de plus de 10 °C

L’approche de l’équipe de la nouvelle étude est basée sur l’utilisation d’aérosol composée de la poussière naturellement présente à la surface de Mars. Cette poussière provient principalement de la fragmentation de minéraux riches en fer et qui donne la couleur rouge orangée caractéristique de la planète. En raison de la très petite taille des particules (1,5 micromètre de diamètre en moyenne), elle est transportée par le vent jusqu’à 60 kilomètres d’altitude et reste visible en permanence dans le ciel martien.

L’aérosol de poussière martienne a tendance à refroidir légèrement la surface pendant la journée, en raison de spécificités liées à sa composition et à la géométrie de ses particules. Les chercheurs de la nouvelle étude proposent alors d’en modifier la structure afin qu’elle puisse emmagasiner la chaleur plutôt que l’évacuer.

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Propriétés optiques moyennes d’un nanobâtonnet en aluminium de 9 μm de longueur avec une section transversale de 0,16 μm sur 0,16 μm, calculée à l’aide d’une approche 3D. © Samaneh Ansari et al.

Pour ce faire, ils ont développé des nanobâtonnets de fer et d’aluminium d’environ 9 micromètres de long, soit de taille équivalente aux paillettes disponibles dans le commerce. Les particules sont spécialement conçues pour piéger la chaleur et réfléchir la lumière du Soleil vers la surface, renforçant ainsi l’effet de serre de la planète. Plus précisément, la longueur d’onde réfléchie par les nanôbatonnets est d’environ la moitié de celle du rayonnement infrarouge thermique ascendant, ce qui leur permet d’interagir efficacement avec ce rayonnement.

« La manière dont la lumière interagit avec des objets de longueur d’onde inférieure est fascinante. Il est important de noter que les nanoparticules artificielles peuvent produire des effets optiques qui dépassent de loin ce que l’on attend habituellement de particules aussi petites », explique dans un communiqué de l’Université de Chicago Samaneh Ansari de l’Université Northwestern, auteur principal de l’étude, détaillée la revue Science Advances. Les chercheurs estiment d’ailleurs qu’il possible de concevoir des nanoparticules encore plus efficaces pour piéger la chaleur.

Toutefois, il faudrait injecter des millions de tonnes de ces particules artificielles pour parvenir à réchauffer Mars. Néanmoins, ce besoin est 5000 fois inférieur à ce qu’il faudrait avec les approches précédentes. Les calculs des chercheurs ont montré que si elles étaient libérées en continu dans l’atmosphère martienne à une quantité de 30 litres par seconde, elles pourraient augmenter la température de la planète à plus de 10 °C en seulement quelques mois.

Cette température est suffisamment élevée pour rendre la glace liquide et potentiellement permettre l’épanouissement d’une vie microbienne. « Cela suggère que la barrière au réchauffement de Mars pour permettre l’apparition d’eau liquide n’est pas aussi solide qu’on le pensait auparavant », indique Edwin Kite de l’Université de Chicago, auteur correspondant de l’étude. En outre, le réchauffement serait réversible, car l’effet de serre induit s’estomperait en quelques années si l’apport en particules artificielles est suspendu.

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Températures de la saison chaude (K) (ombrage des couleurs) sur (A) Mars avec l’ajout de ~160 mg/m2 de nanoparticules d’aluminium. (B) Cas témoin. Cela correspond à la température moyenne de surface sur les 36° de longitude solaire (~70 jours) les plus chauds de l’année. © Samaneh Ansari et al.

Une potentielle vie microbienne qui pourrait augmenter l’oxygène atmosphérique

Le réchauffement de Mars ne serait qu’une première étape pour sa terraformation, car son atmosphère serait encore à ce stade irrespirable. Néanmoins, la vie microbienne qui pourrait potentiellement se développer dans l’eau liquide pourrait augmenter progressivement le niveau d’oxygène dans l’atmosphère, à l’instar de la Terre au cours de sa formation. D’autre part, Mars dispose d’eau et de nuages, qui pourraient se condenser à mesure qu’elle se réchauffe et retomber à la surface sous forme de pluie.

Cependant, davantage de recherches sont nécessaires afin de modéliser avec précision les différents processus climatiques que l’approche de la nouvelle étude pourrait amorcer. « Les rétroactions climatiques sont très difficiles à modéliser avec précision », précise Kite. Il est par exemple pour le moment impossible de savoir à quelle vitesse la poussière artificielle pourrait se propager dans l’atmosphère martienne. « Pour mettre en œuvre un tel projet, nous aurions besoin de davantage de données provenant de Mars et de la Terre, et nous devrions procéder lentement et de manière réversible pour garantir que les effets fonctionnent comme prévu », conclut l’expert.

Source : Science Advances

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