La « théorie de l’assemblage » propose une vision renouvelée de l’émergence de la complexité, en intégrant le temps et l’histoire de l’assemblage moléculaire comme éléments centraux. Elle pourrait orienter de nouveaux projets de recherche de vie extraterrestre. Toutefois, elle se heurte à des défis critiques et suscite un débat animé parmi les scientifiques, oscillant entre scepticisme et curiosité.
L’exploration des mécanismes fondamentaux qui sous-tendent la complexité de la vie et de l’univers a toujours été au cœur des interrogations scientifiques. Aujourd’hui, alors que les missions spatiales scrutent des mondes lointains en quête de signes de vie et que les biologistes sondent les profondeurs de la machinerie moléculaire, une question persiste : comment la complexité émerge-t-elle dans notre univers ?
Récemment, la théorie de l’assemblage, développée par Lee Cronin de l’Université de Glasgow et Sara Walker de l’Arizona State University, propose une nouvelle perspective sur la complexité et l’origine de la vie, en mettant en avant le rôle fondamental du temps et de l’histoire dans la formation des entités complexes. Cette théorie, qui a suscité un intérêt et un scepticisme variés au sein de la communauté scientifique, suggère que la complexité des molécules et des entités vivantes ne peut être comprise qu’en tenant compte de l’ensemble de leur histoire de formation. Les travaux sont publiés dans la revue Nature.
La complexité à travers le temps
La théorie de l’assemblage, mise en avant par les chercheurs Lee Cronin et Sara Walker, introduit une perspective novatrice sur la manière dont les structures complexes, notamment les molécules biologiques, se forment et évoluent. Cette théorie s’écarte de l’idée conventionnelle selon laquelle les molécules complexes peuvent simplement émerger à partir d’un panel de possibilités combinatoires.
Au lieu de cela, Cronin et Walker avancent que l’histoire de l’assemblage des molécules, c’est-à-dire les étapes et les processus par lesquels elles se sont formées, est un élément crucial pour comprendre leur complexité. Ils suggèrent que cette histoire est, d’une certaine manière, « enregistrée » ou encodée dans les molécules elles-mêmes, influençant ainsi leur comportement et leurs interactions futures.
Pour quantifier cette complexité, la théorie introduit le concept d’Indice d’Assemblage (AI). L’AI est calculé en déterminant le nombre minimum d’étapes nécessaires pour assembler un objet ou une structure à partir de ses composants de base. Plus le nombre d’étapes est élevé, plus l’AI est élevé, indiquant une plus grande complexité dans l’histoire de l’assemblage de l’objet. Cette mesure offre une méthode pour évaluer et comparer la complexité des entités moléculaires, en tenant compte non seulement de leur structure actuelle, mais aussi des processus qui les ont formées.
Les univers d’assemblage
La théorie identifie quatre « univers » distincts. Le premier est l’univers de l’Assemblage. Il est envisagé comme un espace conceptuel où tous les assemblages possibles existent, sans égard aux lois physiques ou aux contraintes temporelles, offrant une vue d’ensemble des possibilités infinies dans le domaine de l’assemblage moléculaire. Ensuite, l’Assemblage Possible se réfère à tous les assemblages qui peuvent théoriquement se former en respectant les lois de la physique, servant de pont entre le conceptuel et le réalisable.
L’Assemblage Contingent, quant à lui, prend en compte l’histoire et le contexte spécifique dans lequel l’assemblage se produit, reconnaissant que les voies d’assemblage sont influencées par les conditions initiales et les étapes précédentes dans le processus. Enfin, l’Assemblage Observé est ce que nous pouvons actuellement détecter et étudier, les structures qui ont non seulement été formées en respectant les lois physiques et les contraintes historiques, mais qui sont également accessibles à nos instruments et méthodes d’observation.
Ces univers, bien que distincts, ne sont pas isolés les uns des autres, mais sont interconnectés, reflétant la transition des entités de l’abstrait vers le concret. En utilisant des concepts tirés de la théorie des graphes, la théorie de l’assemblage tente de cartographier les chemins à travers ces univers.
La professeure Sara Walker explique dans un communiqué : « La théorie de l’assemblage offre une toute nouvelle perspective pour considérer la physique, la chimie et la biologie comme des perspectives différentes de la même réalité sous-jacente ».
La recherche de la vie extraterrestre
La recherche de la vie extraterrestre a toujours été confrontée à un défi majeur : comment reconnaître la vie sous des formes qui pourraient être radicalement différentes de celles que nous connaissons sur Terre ? Les missions spatiales, notamment celles qui explorent des lunes telles qu’Europe (de Jupiter) et Titan (Saturne), cherchent des signes de vie dans des environnements qui pourraient abriter des formes de vie très différentes de celles basées sur la chimie du carbone et de l’eau, familières sur notre planète.
La théorie de l’assemblage, dans ce contexte, offre une approche inédite pour la détection de la vie extraterrestre. Contrairement aux méthodes traditionnelles qui recherchent des biomarqueurs spécifiques ou des signatures chimiques associées à la vie telle que nous la connaissons, la théorie de l’assemblage adopte une approche « chimiquement agnostique ».
Elle cherche à identifier les molécules ou les assemblages moléculaires qui portent les marques d’une histoire d’assemblage complexe, indépendamment de leur chimie spécifique. Cette approche peut permettre aux scientifiques d’identifier des signes de vie dans des environnements qui étaient auparavant considérés comme trop exotiques ou trop éloignés de la chimie de la vie terrestre pour être compatibles avec l’existence d’entités vivantes.