La société minière australienne Fortescue vient de finaliser l’acquisition de la société britannique Williams Advanced Engineering, une entreprise spécialisée dans la conception de batteries légères hautes performances. Toutes deux ont présenté un projet de train électrique à zéro émission pour transporter le minerai de fer, qui utilisera l’énergie gravitationnelle pour recharger ses batteries sans aucune autre exigence de charge. Baptisé « Infinity Train », cet engin unique au monde soutient la stratégie de Fortescue, qui vise à devenir un acteur majeur du transport industriel vert.
Coût du projet : 50 millions de dollars. Actuellement, Fortescue dispose de 54 locomotives opérationnelles, transportant 16 rames ; chacune mesure environ 2,8 kilomètres de long et peut transporter plus de 34 000 tonnes de minerai de fer. Ses opérations ferroviaires consomment chaque année des dizaines de millions de litres de diesel (82 millions au cours de l’exercice 2021) et représentent 11% des émissions directes de gaz à effet de serre de l’entreprise. Une fois mis en œuvre dans toutes les opérations de la société, ce train électrique à batterie régénératrice devrait permettre à Fortescue d’atteindre zéro émission nette d’ici 2030.
L’Infinity Train utilisera l’énergie générée par freinage sur les sections en descente du réseau ferroviaire (lorsque le train est plein) pour recharger ses systèmes à batterie, éliminant ainsi la nécessité d’une recharge supplémentaire lors du voyage de retour. Non seulement ce train permettra d’éliminer l’impact environnemental lié au diesel et aux émissions de CO2, mais il réduira les coûts de maintenance et augmentera l’efficacité opérationnelle de la société. « L’Infinity Train a la capacité d’être la locomotive électrique à batterie la plus efficace au monde », a déclaré dans un communiqué Elizabeth Gaines, PDG de Fortescue.
Tirer parti du freinage régénératif
C’est la filiale Fortescue Future Industries (FFI) qui est spécifiquement chargée de la transition vers des technologies plus vertes. Comme le souligne la PDG, l’avantage de l’énergie gravitationnelle est que son utilisation ne nécessite pas d’installer une infrastructure supplémentaire de production d’énergie renouvelable ou de recharge. Les concepteurs du projet ont estimé que le réseau — dans la direction où le train est chargé — comportait suffisamment de pentes descendantes et donc, d’opportunités de freinage pour charger la batterie. Sur le trajet retour, le train est tellement plus léger que la puissance requise ne nécessite aucune recharge supplémentaire.
Peu de détails techniques ont été dévoilés à ce jour, mais ce freinage régénératif consiste donc essentiellement à transformer l’énergie cinétique du train en mouvement en énergie électrique. Ce type de freinage est d’ailleurs déjà utilisé dans certains modèles de voitures électriques ou hybrides. L’objectif est d’éliminer totalement la consommation de diesel et les émissions associées. Une fois mis en œuvre sur l’ensemble du réseau de Fortescue, l’entreprise prévoit de commercialiser l’Infinity Train à l’échelle mondiale.
Fortescue ambitionne en effet de servir d’exemple à tout le secteur de l’industrie et de « changer l’attitude du monde vis-à-vis de la production d’énergie », explique le Dr Andrew Forrest, fondateur et président de FFI. Il est temps selon lui de laisser tomber les combustibles fossiles au profit d’autres sources d’énergie plus efficaces, moins coûteuses et plus écologiques. « Le monde doit, et peut manifestement, sortir de l’ère hautement polluante et mortelle des combustibles fossiles », a-t-il déclaré.
Un secteur en pleine mutation
À noter que des initiatives similaires ont été prises par d’autres acteurs du secteur minier, tels que BHP, qui a annoncé en janvier l’acquisition prochaine de quatre locomotives électriques à batterie, qui seront mises à l’essai sur son réseau ferroviaire Western Australia Iron Ore fin 2023. La société exploite une flotte de 180 locomotives ; une transition complète vers des locomotives électriques réduirait ses émissions de carbone liées au diesel d’environ 30% par an. Ici encore, il s’agit d’exploiter la topographie naturelle du réseau : les locomotives peuvent capter l’énergie du freinage sur les pentes descendantes, puis la réutiliser pour propulser les trains vides sur le chemin du retour.
Peu de temps auparavant, Rio Tinto avait lui aussi annoncé l’acquisition de quatre trains électriques à batterie conçus par Wabtec Corporation, dans le cadre de sa stratégie visant à réduire ses émissions de carbone de portée 1 et 2 de 50% d’ici 2030. Les premiers essais de transport de minerai devraient se dérouler en 2024. Comme pour ses concurrents, il est prévu que les locomotives soient chargées à des bornes installées à la mine et au port de destination ; les batteries seront ensuite rechargées au court du trajet grâce au système de freinage.
Ce n’est pas non plus la première initiative écologique prise par le groupe Fortescue : il convertit actuellement ses camions de transport minier afin qu’ils fonctionnent avec une pile à combustible à hydrogène. En novembre 2021, lors de la COP26, le Dr Andrew Forrest a également appelé à l’adoption d’un objectif net zéro 2040 par l’ensemble de l’industrie du transport maritime. Dans ce contexte, l’équipe Green Fleet de FFI travaille à transformer le « MMA Leveque », un navire de 75 mètres, en un bâtiment pouvant fonctionner presque entièrement à l’ammoniac « vert » ; le navire devrait être opérationnel dès la fin de l’année. En décembre, FFI et ses partenaires avaient confirmé qu’il était techniquement possible de convertir l’installation de production d’ammoniac d’Incitec Pivot Limited, à Gibson Island, afin qu’elle fonctionne avec de l’hydrogène vert, sans carbone (et non plus à partir de gaz fossile).