Des chercheurs transfèrent avec succès un gène de longévité clé

Ouvrant la voie à l'allongement de la durée de vie humaine.

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À gauche : un rat-taupe nu, duquel a été transféré le gène de longévité. | Adam Fenster, Université de Rochester/ Pixabay/ Trust My Science
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Le secret de l’incroyable longévité du rat-taupe nu réside dans la présence d’un gène spécifique, induisant une forte abondance d’acide hyaluronique de haut poids moléculaire (HMW-HA) au niveau de ses tissus. Pour la première fois, des chercheurs sont parvenus à transférer ce gène à des souris, améliorant nettement leur santé et allongeant leur espérance de vie. Ces résultats ouvrent la voie à de potentielles applications chez l’Homme.

Les rats-taupes nus, ou hétérocéphales (Heterocephalus glaber), fascinent les scientifiques par leur longévité exceptionnelle. En captivité, ils peuvent vivre jusqu’à 41 ans, soit 10 fois plus longtemps que les autres espèces de rongeurs de taille équivalente. Contrairement aux autres mammifères, les rats-taupes nus semblent être partiellement immunisés contre le vieillissement et les maladies qui y sont liées, notamment la neurodégénérescence, les maladies cardiovasculaires, l’arthrite et le cancer.

Un gène aux capacités anti-âge uniques

Les chercheurs de la nouvelle étude, décrite dans la revue Nature, ont consacré plusieurs décennies à identifier et décrypter les mécanismes biologiques sous-jacents à l’incroyable capacité antivieillissement des rats-taupes nus. Dans leur précédente recherche à cette intention, ils ont identifié un mécanisme anticancéreux spécifique appelé « inhibition précoce du contact », médiée par une abondance inhabituelle d’acide hyaluronique de haut poids moléculaire (HMW-HA dont le poids est supérieur à 6,1 mégadaltons). Ce composé est d’ailleurs couramment utilisé en tant que principe actif de nombreux cosmétiques anti-âge.

L’hyaluronane est une molécule non protéique composant la matrice extracellulaire et modulant les propriétés biomécaniques des tissus. Ayant a priori une structure assez simple, les interactions biologiques au sein desquelles cette molécule intervient sont d’une étonnante complexité. En effet, sa longueur peut aller d’un seul oligomère à une chaîne extrêmement longue pouvant atteindre un poids de plusieurs millions de daltons. Ses fonctions dépendent fortement de cette longueur structurale. Celles à faible poids moléculaire favorisent l’inflammation, les lésions tissulaires et la prolifération tumorale. En revanche, celles plus longues et plus massives préservent l’homéostasie tissulaire et possèdent des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires puissantes.

Chez le rat-taupe nu, les HMW-HA possèdent des propriétés cytoprotectrices et régénératrices remarquables. L’expression du gène hyaluronane synthase 2 (HAS2) codant pour l’acide est particulièrement élevée chez ce rongeur, par rapport aux humains et aux souris. Même si tous les mammifères possèdent une version du HAS2, celle du rat-taupe nu semble avoir des caractéristiques uniques. Ses tissus présentent également une plus faible activité des hyaluronidases, responsables de la dégradation des longues chaînes de HMW-HA. De ce fait, les tissus du rat-taupe nu sont environ 10 fois plus riches en HMW-HA que ceux des humains et des souris.

Dans le cadre de la nouvelle étude, les chercheurs ont voulu savoir si l’on peut transposer ces avantages aux souris, en leur transférant la version HAS2 des rats-taupes nus. « Notre étude fournit une preuve de principe selon laquelle les mécanismes de longévité uniques qui ont évolué chez les espèces de mammifères à longue durée de vie peuvent être exportés pour améliorer la durée de vie d’autres mammifères », affirme l’un des auteurs de l’étude, Vera Gorbunova, de l’Université de Rochester.

Une meilleure protection anticancéreuse induite par le gène

Dans le cadre d’expériences, des souris ont été génétiquement modifiées afin d’exprimer le HAS2 des rats-taupes nus (nmrHAS2). Un promoteur CAG — induisant des niveaux élevés d’expression génique — a été utilisé afin d’améliorer l’expression du gène. Cependant, étant donné que l’HMW-HA ne commence à s’accumuler qu’après la naissance chez les rats-taupes nus (car non compatible avec l’embryogenèse), l’expression de nmrHAS2 a dû être contrôlée temporellement une fois transférée aux souris.

Après analyse, il a été constaté que les souris exprimant nmrHAS2 bénéficiaient d’une meilleure protection contre les tumeurs spontanées et le cancer de la peau induit chimiquement. Elles présentaient également une meilleure santé globale ainsi qu’une plus longue durée de vie que les lots témoins (des souris ordinaires), avec une nette augmentation de 4,4%. Cet avantage sur la santé serait dû à une réduction de l’inflammation, probablement générée par un effet immunomodulateur direct, ainsi qu’à l’amélioration de la fonction de la barrière intestinale.

Confirmant ces résultats, les souris traitées montraient moins d’altérations fonctionnelles naturellement liées au vieillissement, à mesure qu’elles prenaient de l’âge. Ces avantages étaient notamment une inflammation réduite au niveau de plusieurs types de tissus, une meilleure intégrité de la barrière intestinale ainsi qu’un microbiote intestinal plus sain. L’accumulation des HMW-HA a également atténué les réponses immunitaires anormales au niveau des tissus.

« Il nous a fallu 10 ans entre la découverte du HMW-HA chez le rat-taupe nu et la démonstration que le HMW-HA améliore la santé des souris », explique Gorbunova. « Notre prochain objectif est de transférer ce bénéfice aux humains », indique-t-elle. Pour ce faire, deux stratégies sont envisageables : ralentir la dégradation du HMW-HA ou en améliorer la synthèse. Le groupe d’experts a déjà identifié des composés potentiellement prometteurs pour la première stratégie, qui font actuellement l’objet d’essais précliniques.

Source : Nature

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