Des chercheurs ont modifié génétiquement des virus afin qu’ils puissent infecter efficacement des bactéries qui étaient sur le point de causer la mort d’une jeune fille.
Les bactériophages, ou tout simplement phages, sont des virus spécialisés pour infecter des bactéries. Leur usage médical, appelé phagothérapie, date de plus d’une centaine d’années, la Russie et d’autres pays de l’est les utilisant pour lutter contre des pathogènes résistants comme la bacille de Koch, responsable de la tuberculose, ou encore les staphylocoques. Mais ce n’est qu’en 1917, en France, que l’on découvrit qu’il s’agissait de virus.
Malgré les nombreuses recherches en cours sur la phagothérapie, son usage est resté très controversé en Europe occidental. La majorité des phages ne sont pas autant efficaces que les médicaments conventionnels, car ils se contentent la plupart du temps de rester en état de dormance après avoir infecté leur hôte. Ce traitement est également inefficace contre les bactéries se cachant dans les cellules, car les bactériophages ne peuvent y pénétrer.
De plus, la plupart des recherches publiées dans ce domaine avaient été réalisées sans groupes de contrôle, et avaient été rédigées dans une langue autre que l’anglais. Cependant, la réussite d’un traitement publié cette semaine dans Nature Medicine pourrait changer leur image auprès de la communauté scientifique.
Une britannique âgée de 17 ans souffrant de mucoviscidose depuis l’adolescence, est confrontée depuis ses 8 ans à une infection chronique de Mycobacterium abscessus, un agent infectieux proche de celui de la tuberculose et aussi résistant que ce dernier aux traitements.
Elle avait déjà effectué, il y a quelques années, une double transplantation pulmonaire qui avait permis une rémission. Après la réapparition de l’infection, ses poumons et son foie ont rapidement commencé à s’affaiblir, et ses chances de survie avaient été fortement amoindries. La mycobactérie étant résistante aux antibiotiques administrés.
Après s’être désespérément renseignée sur les différentes alternatives, sa mère a proposé aux médecins un possible traitement à base de phages. Au Royaume-Uni, la phagothérapie a été peu étudiée, la plupart des médecins s’en méfiant. Mais les rares réussites récentes de ce type de traitement face à d’autres bactéries résistantes lui ont donné l’espoir de tenter le tout pour le tout.
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Des microbiologistes de l’Université de Pittsburgh (lieu où se trouve la plus importante collection de phages du monde) se sont portés volontaires pour la recherche de souches efficaces contre l’infection de la jeune fille.
Après avoir passé plusieurs mois à analyser dans leur collection de potentiels phages candidats, ils en ont sélectionnés 3 auxquels ils ont donné des noms : Muddy, ZoeJ et BPs. Le premier est naturellement très agressif contre les mycobactéries, tandis que les deux autres, qui ont tendance à rester en état de dormance une fois à l’intérieur de leur hôte, ont dû être modifiés génétiquement par les chercheurs.
Pour cela, ils ont retiré un gène qui leur aurait permis de « se faire discrets » dans la bactérie. Sans ce gène, ZoeJ et BPs se sont montrés autant agressifs que Muddy, en se répliquant rapidement à l’intérieur de la bactérie jusqu’à ce qu’ils y soient trop nombreux, au point de la faire exploser.
Par la suite, le groupe a pu fabriquer un cocktail contenant plus d’un milliard de fois les trois souches de phages, que la jeune malade devait prendre deux fois par jour. Six semaines plus tard, l’infection avait été éliminée de son foie et aujourd’hui, seulement un ou deux nodules sont encore présents sur sa peau.
Même si le traitement n’a pas totalement guéri la patiente, il lui a permis de reprendre ses activités normales. Si la mycobactérie remontre des signes de résistance, les chercheurs pourraient ajouter une quatrième souche au cocktail.
Malgré ces quelques inconvénients mentionnés plus haut, la phagothérapie a l’avantage de pouvoir cibler l’agent infectieux désiré avec une très faible toxicité, comparé aux antibiotiques, qui peuvent également être mortels pour le microbiome, qui joue des rôles essentiels pour notre organisme.
C’est la première fois que des phages génétiquement modifiés sont utilisés pour soigner un malade. Le succès de cette stratégie pourrait encourager les autres scientifiques à en avoir davantage recours pour améliorer l’efficacité des phages, et ainsi les utiliser comme alternative aux antibiotiques qui ont significativement perdu en efficacité ces dernières années.