L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a officiellement déclaré hier que l’épidémie croissante de variole du singe (Mpox) constitue une urgence sanitaire mondiale. Le virus a déjà infecté 14 000 personnes et causé 524 décès rien qu’en République démocratique du Congo (RDC) et se propage de façon alarmante à travers plusieurs pays d’Afrique. Sans mesures sanitaires rapides et coordonnées, la maladie pourrait rapidement se propager hors du continent.
Identifié pour la première fois en 1958, le Mpox appartient à la même famille de virus que la variole humaine, mais provoque des symptômes plus légers tels que la fièvre, des frissons, des courbatures, etc. Ces symptômes se manifestent après une incubation d’environ 12 jours et peuvent découler sur une phase éruptive après 2 à 4 semaines.
L’infection se transmet soit par contact direct avec des animaux infectés, soit par contact avec les lésions cutanées et les fluides biologiques des personnes infectées. Elle peut également se transmettre de manière indirecte par le biais d’objets contaminés (comme la literie) ou par les gouttelettes respiratoires des personnes infectées transportées dans l’air.
La première urgence sanitaire mondiale de Mpox a eu lieu en 2022, lorsque le virus s’est propagé dans plus de 75 pays non endémiques (où la maladie n’existe pas en permanence) et a infecté près de 100 000 personnes. Les transmissions s’effectuaient principalement par voie sexuelle et concernaient majoritairement les hommes homosexuels et bisexuels.
Cependant, la nouvelle souche récemment identifiée semble plus virulente et peut infecter autant les femmes que les hommes, ainsi que les enfants. En vue de sa propagation rapide à travers l’Afrique, les autorités sanitaires craignent une nouvelle épidémie mondiale. « Le Comité d’urgence sur la Mpox s’est réuni et m’a informé que, selon lui, la situation constitue une urgence de santé publique de portée internationale. J’ai accepté cet avis », a déclaré sur X Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS.
Une nouvelle souche infectant les enfants de façon disproportionnée
Selon l’OMS, la nouvelle souche virale a été détectée dans au moins 13 pays africains, dont la RDC et ses pays voisins, notamment le Burundi, le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda. Le nombre de cas a augmenté de 160 % par rapport à la même période l’année dernière, tandis que les décès ont augmenté de 19 %. 96 % des cas ont été signalés en RDC, qui compte aujourd’hui déjà 14 000 infectés et 524 décès.
Selon les médecins, la transmission de la nouvelle souche dite « clade 1b » s’effectue principalement par le biais de relations sexuelles. Cette souche serait plus mortelle et plus facilement transmissible, avec un taux de mortalité d’environ 3 % (contre 0,2 % pour l’épidémie de 2022). Elle a par exemple tué près de 10 % des patients dans une petite ville minière congolaise. Plus inquiétant encore, les enfants de moins de 15 ans représentent 70 % des cas d’infection et 85 % des décès dans le pays. Cela est probablement dû au fait qu’ils sont plus sensibles à la maladie et sont plus exposés à des facteurs sociaux tels que la malnutrition et l’exposition des parents au virus.
D’autre part, cette nouvelle souche est plus difficile à détecter, car contrairement aux souches précédentes pour lesquelles les lésions étaient visibles sur la poitrine, les mains et les pieds, elle provoque davantage de lésions au niveau des parties génitales. Cela signifie en outre que les personnes infectées pourraient en contaminer d’autres sans le savoir.
Ce nouveau clade est une variante mutante des deux précédents : le clade 1, qui circule depuis plusieurs années en RDC, et le clade 2, qui a provoqué l’épidémie mondiale de 2022. Le mois dernier, l’OMS a signalé 90 cas d’infection au nouveau clade dans des pays voisins de la RDC qui n’avaient auparavant jamais enregistré de Mpox. En Côte d’Ivoire et en Afrique du Sud, les autorités sanitaires ont signalé des épidémies pour le clade 2.
« En plus de nouvelles épidémies d’autres clades de mpox dans d’autres régions d’Afrique, il est clair qu’une réponse internationale coordonnée est essentielle pour arrêter ces épidémies et sauver des vies », a déclaré Tedros dans un communiqué. « Pour stopper ces épidémies, il faudra une réponse adaptée et globale, plaçant les communautés au centre, comme toujours », a-t-il ajouté.
Des stratégies de contrôle inefficaces
Alors que la déclaration d’urgence de l’OMS a pour objectif de mobiliser l’aide internationale et inciter les pays à agir, les autorités sanitaires locales s’inquiètent de sa véritable portée. En effet, alors que la précédente épidémie a affecté plusieurs pays dans le monde, les mesures internationales étaient mitigées. D’un autre côté, l’augmentation du nombre de cas en Afrique était largement ignorée.
« Il est clair que les stratégies de contrôle actuelles ne fonctionnent pas et qu’il est nécessaire de disposer de davantage de ressources », explique Michael Marks, professeur de médecine à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, à AP News. « Si une déclaration d’urgence mondiale est le mécanisme qui permettra de débloquer ces choses, alors elle est justifiée », estime-t-il.
Par ailleurs, l’épidémie affecte des pays déjà fragilisés par la pauvreté et les conflits. Les camps de réfugiés à l’est de la RDC sont par exemple surpeuplés et près de 345 000 enfants y seraient entassés dans des tentes, dans des conditions insalubres. Les systèmes de santé du pays ne peuvent pas prendre en charge efficacement une nouvelle épidémie, car ils sont déjà en train de s’effondrer sous la pression de la malnutrition, du choléra et d’autres maladies.
De son côté, l’OMS a assuré avoir élaboré un plan de réponse régional qui nécessitera un budget initial de 15 millions de dollars. Ce plan sera financé à hauteur de 1,45 million de dollars avec les fonds de réserve de l’organisation, tandis que des fonds supplémentaires seront débloqués dans les prochains jours. Deux vaccins sont actuellement recommandés et approuvés par l’organisation et des appels à manifestation d’intérêts ont également été lancés auprès de laboratoires pharmaceutiques.