Dรฉcouvert en 1958, le virus ร lโorigine de la variole du singe (ou monkeypox), lโorthopoxvirus simien, est endรฉmique de lโAfrique centrale et de lโOuest. Mais depuis le mois de mai 2022, des milliers de cas ont รฉtรฉ signalรฉs en Europe et dans le monde ; le virus fait aujourdโhui lโobjet dโune surveillance accrue. La Rรฉpublique dรฉmocratique du Congo est le pays le plus touchรฉ, avec 120 dรฉcรจs depuis le 1er janvier. Ces dรฉcรจs sont vraisemblablement dus ร un variant plus virulent, nommรฉ clade I. Les experts craignent quโil ne se rรฉpande lui aussi dans le reste du monde.
Cette annรฉe, plus dโune centaine de pays ont rapportรฉ des cas de variole du singe. ยซ Cโest la premiรจre fois que de nombreux cas et grappes de variole du singe sont signalรฉs simultanรฉment dans des pays non endรฉmiques et endรฉmiques dans des zones gรฉographiques trรจs disparates ยป, souligne lโOMS. Selon Santรฉ publique France, au 4 octobre, 4043 cas confirmรฉs dโinfection par le virus Monkeypox ont รฉtรฉ recensรฉs en France ; aucun dรฉcรจs nโa รฉtรฉ signalรฉ ร ce jour. Au 11 octobre, le bilan officiel de lโOMS rapportait un total de 71 200 cas et de 26 dรฉcรจs โ mais ce dernier chiffre ne tient pas compte des dรฉcรจs survenus dans les pays oรน les tests de laboratoire ne sont pas courants.
Un rapport des Centres africains de contrรดle et de prรฉvention des maladies fait รฉtat, quant ร lui, de 146 dรฉcรจs dans les pays non endรฉmiques ; la majoritรฉ des cas se trouvent en Europe et en Amรฉrique du Nord. La Rรฉpublique dรฉmocratique du Congo serait quant ร elle le pays le plus touchรฉ de la zone endรฉmique, avec 120 dรฉcรจs entre le 1er janvier et le 21 septembre. Les dรฉcรจs enregistrรฉs en RDC ont probablement รฉtรฉ causรฉs par un variant du virus de la variole du singe appelรฉ clade I โ anciennement nommรฉ clade du bassin du Congo (Afrique centrale). Le clade II โ anciennement ยซ clade dโAfrique de lโOuest ยป โ est celui qui sรฉvit actuellement dans le reste du monde.
Un pays ร haut risque, qui ne bรฉnรฉficie dโaucun vaccin
Le clade II est plus bรฉnin ; historiquement, son taux de lรฉtalitรฉ est de 3,6%, contre 10,6% pour le clade I. Le clade I nโa jusquโร prรฉsent jamais รฉtรฉ signalรฉ en dehors dโun pays endรฉmique, exceptรฉ au Soudan du Sud en 2005 (un pays frontalier de la RDC). Les experts craignent aujourdโhui que le clade I, trรจs actif en RDC, ne se propage rapidement dans le reste du monde et cause potentiellement davantage de dรฉcรจs.

Les CDC africains soulignent toutefois quโils ne peuvent dรฉterminer si le nombre particuliรจrement รฉlevรฉ de dรฉcรจs liรฉs ร la variole du singe en RDC est effectivement dรป au taux de lรฉtalitรฉ du clade I, ou simplement au systรจme de santรฉ congolais, qui est bien moins avancรฉ et moins accessible que dans dโautres pays dโAfrique.
Dans tous les cas, comme nโimporte quel virus, lโorthopoxvirus simien se rรฉplique et mute ร mesure de sa propagation ; grรขce ร ces mutations, il peut devenir plus transmissible, cโest pourquoi le virus est aujourdโhui sous haute surveillance. Le risque de mutation demeure รฉlevรฉ tant que le virus continue ร circuler, mais la RDC (comme les autres pays africains) nโa malheureusement bรฉnรฉficiรฉ dโaucune dose de vaccin cette annรฉe pour enrayer sa propagation.
Les vaccins antivarioliques Imvanexยฎ et Jynneosยฎ, fabriquรฉs par la firme danoise Bavarian Nordic, sont actuellement autorisรฉs pour le traitement prophylactique des personnes exposรฉes au virus. Imvanex dispose d’une autorisation de mise sur le marchรฉ (AMM) europรฉenne ; Jynneos dispose d’une AMM amรฉricaine. Au 20 septembre, plus de 45 000 personnes au Royaume-Uni avaient reรงu une dose du vaccin Jynneos. Aux รtats-Unis, plus de 870 000 doses avaient รฉtรฉ administrรฉes au 4 octobre. En France, plus de 119 000 doses avaient รฉtรฉ administrรฉes au 9 octobre.
Un schรฉma de transmission qui suscite des interrogations
Faute de vaccin, les autoritรฉs sanitaires de la RDC tentent de contrรดler lโรฉpidรฉmie en isolant les personnes infectรฉes et en recherchant les contacts potentiels, mรชme si ces mesures ne peuvent suffire ร enrayer lโรฉpidรฉmie. La situation pourrait malheureusement รชtre encore plus grave, car il est difficile dโeffectuer toute la surveillance nรฉcessaire, notamment dans les zones les plus reculรฉes du pays oรน se trouve la grande majoritรฉ des cas. En outre, les ressources manquent pour effectuer des analyses en laboratoire.
Par ailleurs, le schรฉma de transmission de la variole du singe, en RDC comme dans le reste de lโAfrique, soulรจve des interrogations. En effet, lโOMS a expliquรฉ dรจs le mois de mai que la transmission du virus dโune personne ร lโautre se fait par un contact รฉtroit avec des lรฉsions, des liquides organiques, des gouttelettes respiratoires et des matรฉriaux contaminรฉs, comme la literie. Elle a en outre signalรฉ que les cas de contamination identifiรฉs concernaient principalement les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes โ au 7 octobre, cette catรฉgorie de la population reprรฉsentait 88% des cas dans le monde.
Or, lโhomosexualitรฉ est stigmatisรฉe dans de nombreux pays africains touchรฉs par la maladie, y compris en RDC, ce qui suscite le doute quant au vรฉritable schรฉma de transmission du virus sur le continent. La propagation internationale du clade II cette annรฉe reste tout aussi mystรฉrieuse et les autoritรฉs ne savent pas ce qui a pu provoquer cette soudaine รฉpidรฉmie. Une mutation confรฉrant une plus haute transmissibilitรฉ au virus demeure probable.
En attendant, la RDC demeure un foyer majeur du virus, que les autoritรฉs sanitaires peinent ร contenir. Les affrontements intercommunautaires, particuliรจrement violents, qui secouent le pays depuis fin juillet ne vont sans doute pas arranger la situation.


